Fyctia
Le point commun ...
" Le point commun entre tous les hommes que j'ai aimés ? Moi !" - Jeanne Moreau
Les gamins hurlent. Il y en a plus au mètre carré que d'acteurs égocentriques dans la salle à la cérémonie des Césars.
Franchement, je ne comprends pas Rose. Pourquoi venir le mercredi après-midi dans un de ces lieux bondés de mômes turbulents quand on est professeur des écoles le reste de la semaine ? Déjà que faire des enfants quand on est maîtresse, ça fait un peu déformation professionnelle !
Elle prétend que les gamins, occupés à crapahuter dans les châteaux gonflables et autres structures ludiques, nous laissent plus de temps pour discuter tranquillement. " Discuter tranquillement " signifie apparemment pour elle " se crier dans les oreilles en espérant se faire entendre ". C'est fou comme la maternité peut vous faire revoir vos critères de confort à la baisse.
Personnellement, je trouve que le type qui a eu la bonne idée de regrouper tous les enfants surexcités dans un grand entrepôt, les jours de pluie, aurait dû aller jusqu'au bout du concept et penser à faire une petite pièce insonorisée pour les accompagnateurs.
Mais le bruit ne dérange pas Rose. Elle est immunisée depuis le temps.
— Alors t'as écouté le premier tube d' Aurélien !
Je secoue la tête.
— Faut absolument que tu l'écoutes !
Elle me fourre d'autorité un de ses écouteurs dans mon oreille droite.
Des notes électro se mêlent aux cris des enfants en fond sonore. Je grimace. Je n'ai jamais été très fan de ces sons synthétiques. Au bout de trente secondes d'écoute de ce qui me semble être plus ou moins les mêmes accords répétés indéfiniment, je hausse les sourcils vers Rose. Elle me fait signe d'attendre encore un peu. Après une longue minute, la voix d'Aurélien, légèrement modifiée, se fait entendre en français, le temps d'un court refrain.
Clémentine, je n'habite plus dans tes murs,
T'as fait la maline, je ne vais pas te mentir, c'est dur,
Le manque se fait ressentir,
Tes doux baisers sucrés comme ton nom de fruit,
Je ne te vois plus le jour mais le pire, c'est la nuit,
Depuis que tu m'as dit de partir,
Depuis que tu m'as fait souffrir,
...
Je retire l'écouteur, complètement abasourdie parce que je viens d'entendre. Parce qu'on dirait les paroles d'un boys band et que, même pour un mec qui a écrit ça tout seul, c'est pas terrible. Heureusement, que les anglo-saxons ne comprennent rien au français. Et puis, j'ai l'impression que lui et moi n'avons pas du tout la même version de notre relation.
— Du coup, je comprends mieux pourquoi le type qui est en train d'écrire sa bio s'intéresse autant à moi...
— Quoi ? me demande Rose tout en faisant les gros yeux à ma filleule qui trouve plus drôle de remonter le toboggan à l'envers.
Eva refuse effrontément d'obéir. Sa mère reporte son attention sur moi.
— Tant pis, raconte. Je vais faire comme si c'était pas la mienne.
J'approuve, ça me rassure que Rose se repose un peu, le mercredi.
Je lui parle de ma soirée de la veille, de Grégory, de Bastien et de la grosse bourde de mon cousin.
— Bon, OK, Greg a mis les pieds dans le plat mais au fond, c'est peut-être une bonne chose...
Je lui lance un regard chargé d'incompréhension.
— Au moins, c'est fait. L'autre est au courant. Tu n'as plus à te cacher. Entre nous, t'en as pas marre de toujours être sur le qui-vive avec les gens que tu fréquentes de peur de te faire griller ?
— Je n'ai pas l'intention de " fréquenter " ce type !
— Bref, peu importe. Il est au courant. Et il ne s'est rien passé. Aucune catastrophe. Personne n'en a fait tout un plat ! Tu devrais être rassurée ! Le prochain, tu vas pouvoir lui dire !
Je secoue la tête.
— Non, non, non.
— Rhooo, mais pourquoi ? Comment est-ce que tu veux construire quelque chose de sérieux avec quelqu'un en cachant un truc pareil ? L'honnêteté, c'est primordial dans un couple.
Je n'aime pas quand Rose se met à parler comme ça. C'est moi la psy ! Est-ce que je lui donne des cours d'éducation pour ses enfants, moi ? D'ailleurs, je vois, en ce moment même, son grand faire un doigt d'honneur à un autre de son âge derrière son dos. Mais je ne cafte pas. Pour eux aussi, c'est mercredi.
Pensive, je souffle :
— Hum... Des fois, être honnête, ça se retourne contre toi...
Mon regard se perd au loin. J'observe sans vraiment la voir, la grande girafe du château gonflable qui tangue de gauche à droite.
La main de Rose se pose sur mon avant-bras et me tire de ma contemplation. Elle prend son ton de maîtresse douce et patiente :
— Clem', ils ne sont pas tous comme Loser2. Ce qu'il t'a fait est abominable mais c'est du passé maintenant, il faut que tu arrives à passer à autre chose.
J'acquiesce. Je sais qu'elle a raison.
Elle reprend d'un ton plus jovial pour faire revenir mon sourire :
— D'ailleurs, Loser3 est devenu une star ! Tu progresses ! ... Au fait, on sait ce que devient Loser4 ?
— Aucune idée.
C'est vrai. Quand je tire un trait sur une relation, je ne regarde jamais en arrière.
— Attends, je vais regarder ! Je vais voir si je trouve quelque chose !
Je hausse les épaules.
— Si tu veux, mais moi je ne veux rien savoir.
Joignant le geste à la parole, elle sort son portable d'une des multiples poches de son sac-valise de maman et commence à googler.
Quelques instants plus tard, ses yeux verts menacent de quitter leurs orbites.
D'un coup, je revois mes principes.
J'ai envie de savoir.
20 commentaires
Lou.R.Delmond
-
Il y a 5 ans
Elsa Carat
-
Il y a 5 ans
Karl Toyzic (Ktoyz)
-
Il y a 5 ans
Sand Canavaggia
-
Il y a 5 ans
Elsa Carat
-
Il y a 5 ans
Amandine Mistyque
-
Il y a 5 ans
Elsa Carat
-
Il y a 5 ans