Fyctia

— Hein, quoi ? Pas du tout ! Qu’est-ce que tu vas chercher ?

Mon faux petit ami fronce les sourcils et penche la tête sur le côté. Des gouttes d’eau salée viennent s’écraser sur mon livre, que je m’empresse de décaler.

— Je parlais de ton dos, Amelia. Tu es en train de prendre un coup de soleil.

— Oh… Oh zut ! J’ai mis de la crème en arrivant, pourtant !

Bon, j’ai galéré pour certaines zones et je n’ai pas osé demander aux filles, mais, je pensais que ça irait… Il faut croire que non. Je m’apprête à me redresser pour attraper mon tube de crème, mais Aaron s’assoit sur le bord de ma serviette, le produit solaire déjà en main. Les joues dans le même état que mon dos, je lui fais un peu plus de place.

— Je… Je peux ?

Je hoche la tête. Quand je le vois s’enduire les mains, additionné à sa proximité et notre relative nudité, j’enfonce la tête dans la serviette. Plus je m’enterre, moins il percevra à quel point je suis gênée, non ?

C’est… C’est une technique comme une autre, trésor.

Au moins, ça fonctionne, alors…

Les mains d’Aaron se mettent à parcourir le haut de mon corps avec douceur. Un frisson me parcourt et ma peau se couvre de chair de poule à mesure que ses doigts frais descendent le long de mon dos. Je m’efforce de contrôler la respiration, à tel point que j’en ai mal au ventre. Les battements de mon cœur, eux, n’en font qu’à leur tête. Ils sont dans un tel état de panique que je ne serais pas étonnée si par leur faute, le sol se mettait à trembler. Le pire, c’est qu’Aaron ne s’arrête pas. Il masse le creux de mes reins, poursuis jusqu’à mes cuisses, puis mes jambes avant de remonter et…

— Je vais aller me baigner !

Je me lève si vite que je manque de m’étaler dans le sable. J’entends Aaron se racler la gorge, mais je refuse de me retourner, de peur de croiser son regard. Je ne sais pas si on a réussi à donner le change, mais je crois que le professeur Cooper nous donnerait un C+ pour nos efforts. C’est pas si mal, un C+, non ?

— Princesse ?

Cette fois, je n’ai pas d’autres choix que de me retourner.

Quand je lui fais face, je vois bien qu’Aaron est lui aussi un peu troublé. Son regard est un peu voilé, ses joues rosies et je ne suis pas certaine de pouvoir accuser le soleil. Il jette un œil vers les autres, avant de passer une main sur ses joues.

— Désolé, murmure-t-il.

— Quoi ? Non, tu n’as pas à…

Mais avant d’avoir pu terminer ma phrase, les bras d’Aaron s’enroulent autour de moi. Les cris fusent tout autour de nous et je vois que l’ensemble des garçons nous prennent par surprise.

— Fini de lézarder : à l’eau les écrevisses !! s’exclame Cal, qui s’est lui aussi emparé de sa fiancée. Elle n’essaie même pas de se débattre, d’ailleurs, et il la conduit d’un pas souple jusqu’au bord de la plage avant de la jeter dans l’eau. Elle éclate de rire à peine à la seconde où elle refait surface. De mon côté, je me cramponne au cou d’Aaron, dépitée.

— Tu ne vas pas me faire ça, dit ?

— C’est un pari avec Alex. Je ne pouvais pas refuser, je suis navré.

Pourtant, je ne vois pas une once de regret briller dans ses yeux verts. Au contraire, c’est bel et bien de l’amusement que j’y décèle quand il me jette à l’eau.

Malgré le temps que j’ai passé au soleil, l’eau est tellement bonne que je ne souffre pas du contraste, au contraire. Je savoure l’effet qu’elle procure sur ma peau avant d’émerger, bien décidée à ne pas en rester là.

— Aaron Miller, tu es un homme mort.

Son rire fait tressauter de nombreuses choses à l’intérieur de moi.

— J’aimerais bien voir ça, tiens !

Agacée, je me mets à l’arroser, mais l’effet est bien moins drôle que ce que j’imaginais. C’est pareil pour mes tentatives désespérées de le couler qui se soldent systématiquement par un échec. Pire, à chaque fois, c’est moi qui me retrouve la tête la première dans l’eau salée.

— Tu disais ? Non parce que là, je suis presque déçu… ricane-t-il.

Je sors une nouvelle fois la tête de l’eau, mes cheveux collés un peu partout sur mon visage. Cette fois, je me mets à tousser bruyamment. Aaron s’arrête aussitôt de rire et s’approche de moi.

— Lia ? Lia, ça va ? s’enquiert-il, soucieux.

La main plaquée sur la poitrine, je peine à retrouver mon souffle. La panique traverse son regard et il me ramène contre lui.

— Dis-moi ce que je peux faire ? Tu veux que je te ramène sur la plage ? Oui, on va faire ça, je vais…

Alors qu’il est concentré sur mon état, je pose mes mains sur ses épaules, les lèvres pincées. J’espère ne pas me trahir. Mais il est tellement concentré qu’il ne remarque rien du tout. Ce que je n’avais pas prévu, en revanche, c’est à quel point notre proximité allait me troubler. Là, tout de suite, blottie contre son corps, je perds un peu de vue mon objectif.

— Lia, ça va ? Dis-moi ce que je peux faire, chuchote-t-il.

Je crois que je ne me suis jamais tenue si près de son visage. Tellement près qu’il suffirait d’un rien pour que nos lèvres se… Je secoue la tête. Ce n’est pas pour ça que je suis là. Sans qu’il s’y attende, tout aussi distrait que moi, j’appuie de toutes mes forces et il perd enfin l’équilibre. Un petit cri s’échappe de ses lèvres avant qu’il ne disparaisse sous l’eau. Je me remets debout et éclate de rire alors qu’il émerge à son tour, bouche bée. Ses cheveux qui dégoulinent et lui tombent en frange sur le visage redoublent mon hilarité.

— Bravo, Lia, tu l’as eu ! s’exclame Emma d’un peu plus loin. T’es la seule d’entre nous à avoir réussi à te venger de ses zouaves !!

— J’ai gagné ! Tu t’y attendais pas, hein ? fanfaronné-je.

— Ouais… on peut dire ça, ouais…

C’est étrange, mais à son intonation, j’ai l’impression que ce qu’il sous-entend n’a rien à avoir avec ma victoire. Sauf que, comme d’habitude, je préfère largement enfouir la tête dans le sable plutôt que chercher à creuser.