Fyctia

— Ah, vous voilà enfin ! On a commencé à croire que vous aviez trouvé mieux à faire, raille Alex en nous voyant arriver.

— Ils peuvent faire autre chose que nous imaginer copuler, bordel ? grommelé-je à voix basse.

— Pas sûr… souffle Aaron.

Il se penche vers moi, sa main effleurant mon dos, et m’interroge du regard. Je hoche imperceptiblement la tête et il glisse son bras autour de ma taille. C’est normal d’avoir l’impression que la paume qu’il laisse trainer sur ma hanche me brûle ? Aucune idée, mais il faut bien faire comme si.

— On va où, du coup ? demandé-je, feignant l’indifférence.

— De ce côté, annonce Charlotte. Marisol m’a encore confirmé que c’était incroyable, j’ai hâte d’y être !

Nous prenons donc la suite de la future mariée enjouée qui guide le reste de la bande. Mon regard tombe sur leurs mains jointes, à elle et Cal, et ma poitrine se serre un peu. Pas parce que je suis jalouse, mais parce que je suis incapable de m’empêcher de comparer. Avec moi, il avait horreur des démonstrations publiques. Son attitude si différente avec Charlotte montre que c’était bien moi le problème. Est-ce qu’un jour j’arriverai à être vraiment à l’aise avec tout ça ? J’en sais rien… Mais bon, je suis là pour essayer, pas vrai ?

— Hop, désolée joli cœur, mais je t’emprunte cette charmante demoiselle ! lance Emma qui se faufile entre Aaron et moi, avant de passer son bras sous le mien.

— Tout va bien ? je lui demande tandis que nous recommençons à marcher.

— Hm hm, comme sur des roulettes.

Aaron et Ezra rejoignent Cal et Alex devant. J’en profite pour insister.

— T’es sûre ? Tu sais que si tu as besoin, tu peux…

— C’est adorable, Lia, me coupe-t-elle, mais je t’assure que ça va, ok ?

Je ne suis pas convaincue, mais j’acquiesce. Je cherche un sujet de conversation afin de lui changer les idées, mais Sofia me devance.

— Matez-moi ces culs et osez me dire qu’on a pas de la chance !

Je manque presque de m’étouffer à cause de sa réplique. Je tente désespérément de masquer ma quinte de toux pendant que les filles continuent de rigoler.

— Je vote pour celui d’Ezra, moi ! s’exclame Charlotte. Ma biche, t’as mis la main sur une perle rare !

— Je sais, je sais !

Emma glousse et se félicite, ce qui m’arrache un sourire.

— Lia nous dira le jour où elle osera poser le regard sur celui de son mec, ajoute Sofia, sarcastique.

— Pardon ?

Sa remarque me met mal à l’aise, et je ne sais absolument pas quoi dire d’autre. Un rire gras s’échappe de la gorge de la brune.

— Sofia ! la gronde Charlotte.

— Ça va, ça va, je plaisante…

M’est d’avis qu’elle ne plaisante pas du tout, mais bon… Malgré moi, mon regard glisse sur le dos d’Aaron. Je me mords la lèvre inférieure. Vue sous cet angle, je ne peux effectivement pas nier que… attendez, pause. Qu’est-ce que je fabrique au juste ?! Pourquoi est-ce que je suis en train de reluquer ses fesses !

Oh, arrête de faire ta mijaurée. Tu profites du paysage, voilà tout.

Oui et bien, histoire de ne pas passer pour une dangereuse perverse, je préfère reporter mon attention sur le vrai paysage. On a emprunté un chemin étroit bordé de palmiers, lequel débouche finalement sur une petite crique dissimulée derrière la végétation. Dans le sable, des morceaux de corails trainent un peu partout et se mêlent aux fragments de coquillages qui brillent à la lumière du soleil. L’eau, d’un turquoise presque irréel, est à peine troublée par quelques vaguelettes.

— Je ne savais pas que le Paradis était aussi beau, s’extasie Emma face à ce spectacle.

Je me déleste de mes sandales et savoure la chaleur du sable sur mes pieds nus. Le chant des oiseaux tropicaux résonne autour de nous. Une brise légère, chargée de l’odeur iodée de la mer, s’enroule autour de mes cheveux.

— Il faut absolument que j’aille remercier Marisol tout à l’heure ! C’est somptueux et désert !

Charlotte regarde autour d’elle par-dessus la monture de ses lunettes. Les volants de sa robe blanche volettent au gré de ses mouvements et la masse de ses cheveux blonds, dont elle a retenu une partie à l’aide d’une pince, cascade dans son dos. Je jette un œil à ma robe de plage informe et sans prétention. Quand je disais que j’avais trouvé la véritable Barbie…

— Le dernier à l’eau devra me masser les pieds !

— Mais, dans quelle situation t’es perdant, mec ?!

Alex éclate de rire et se jette le premier dans l’eau, rapidement rejoint par Cal et Aaron. Ezra, qui était encore abasourdi par l’absurdité du défi, est le dernier à plonger. Quand il émerge à la surface, Alex lui tend ses pieds, que mon ami repousse d’un air dégouté.

— Des enfants… soupiré-je.

— On peut difficilement faire pire, se lamente Sofia.

De notre côté, on installe tranquillement nos serviettes et on pose nos affaires. Le soleil tape si fort que je suis bien contente d’avoir ma capeline. Après avoir retiré ma robe, je farfouille dans mon sac à la recherche de ma crème solaire et m’en tartine un peu partout.

— Quelqu’un en veut ? demandé-je en désignant le tube.

— Ay, qué pesada, grogne Sofia. Laisse-moi bronzer tranquille, je veux pas ressembler à une poupée de cire !

Elle s’allonge à plat ventre sur sa serviette, dévoilant l’échancrure de son monokini noir. Comment dire qu’il ne cache plus grand-chose de ses formes généreuses…

Charlotte soupire face à l’attitude de son amie et se tourne vers moi.

— J’en ai déjà Lia, merci, répond-elle avec un doux sourire.

— Moi j’ai oublié la mienne dans le bungalow, tu es ma sauveuse !

Je lui tends le tube, avant de m’éloigner pour installer ma propre serviette, sur laquelle je m’allonge avec un livre. J’entends Sofia et Charlotte discuter et rire entre elles, tandis qu’Emma a enfilé ses écouteurs et dodeline de la tête au rythme de la musique. Les pages défilent toutes seules, ce qui n’est guère étonnant avec la reine Hazelwood, dont je dévore chaque sortie. Quand je relève la tête, je ne saurais dire combien de temps il s’est écoulé. Ce que je remarque en revanche, c’est que les garçons sont sortis de l’eau et qu’ils ont réussi à mettre la main sur un ballon. Je secoue la tête, amusée. Tous les mêmes. Je les regarde se faire des passes, le sourire aux lèvres, jusqu’à ce que mon regard tombe sur mon faux petit ami. J’assiste alors à un spectacle pour lequel je n’étais pas préparé. Sa peau mouillée reflète la lumière du soleil. Dans un éclat de rire, il secoue ses cheveux, encore plus ébouriffés que d’habitude à cause de sa baignade. Il part chercher la balle qu’il a loupée, ses muscles roulant sous sa peau au moindre de ses mouvements. Réalisant ce que je suis en train de faire, mes yeux s’écarquillent et j’enfouis mon visage rougissant dans les pages de mon livre. Le problème, c’est que le passage que je suis en train de lire ne m’aide pas vraiment à penser à autre chose. Je ferme les yeux, dépitée par mon incapacité à garder les pieds sur terre.

— Tu rougis, princesse.

Je sursaute et rouvre les yeux. Aaron se tient juste au-dessus de moi, un sourire amusé sur les lèvres.