Fyctia
18.1
À quel moment réalise-t-on que l’on a eu une idée désastreuse ? Probablement lorsque chaque seconde passée à la défendre nous donne envie de disparaître six pieds sous terre. Et non, je ne dramatise pas. Le dîner d’hier soir n’a pas seulement été mauvais. C’était un fiasco. Une catastrophe. Un échec des plus cuisants. Heureusement qu’on n’auditionnait pas pour un casting parce que, franchement qu’est-ce qu’on a été mauvais… Je ne saurais même pas dire ce qui a été le plus gênant. Était-ce notre incapacité à répondre de manière cohérente à des questions simples, telles que « Comment vous êtes-vous retrouvé ? » ou « depuis combien de temps vous êtes ensemble ? » ou alors, le fait que nos tentatives de proximité nous faisaient ressembler à deux enclumes qui essaient désespérément de s’emboîter ? De toute ma vie, je n’ai jamais été à ce point soulagée qu’une soirée se termine. Dès qu’on est retourné dans le bungalow, j’ai appelé Joyce pour un débriefing. Bon, ça a été difficile de la recentrer sur notre piètre performance plutôt que sur le grotesque de la situation, mais on a fini par y arriver. La présence d’Aaron a aidé, je crois. J’ai été surprise qu’il accepte de discuter stratégie avec ma meilleure amie, mais il faut bien reconnaître qu’il ne cesse de m’étonner, ces dernières semaines, alors… Enfin, j’espère que l’on va réussir à faire mieux, maintenant. Sinon autant faire nos valises et déguerpir avant qu’il ne soit trop tard.
Ah non ! J’ai même pas encore pu profiter du soleil !
— Alors les amoureux, bien dormis ?
Emma et Ezra se tiennent devant la porte de notre bungalow et nous sourient chaleureusement.
— Ça va oui, acquiescé-je.
— Je crois que je n’ai jamais aussi bien dormi de toute ma vie, répond Aaron avec un enthousiasme plus grand que le mien.
Ça, pour bien dormir, il a bien dormi. À la seconde où on a raccroché, il s’est écroulé de sommeil malgré la sieste qu’il avait fait un peu plus tôt. Une chance qu’il ne ronfle pas. De mon côté, je n’ai pas arrêté de me réveiller, troublée par sa présence dans le lit. Mais, comme je ne peux pas dire une chose pareille…
— On attend les autres où on y va ? demandé-je.
— Ils nous rejoindront, je meurs de faim ! s’exclame Ezra.
— Avec tout ce que tu as mangé hier soir ? l’interroge Emma, amusée.
— Bah, oui ? C’était hier !
On éclate de rire, amusés par sa réplique, avant de prendre la direction du self. On a à peine fait trois pas sur le ponton que les recommandations de Joyce me reviennent en mémoire. Je bondis presque sur le bras d’Aaron, qui trébuche.
— Pardon… chuchoté-je.
Il pouffe.
— C’est rien, réplique-t-il sur le même ton. Mais je suis presque sûr que tu aurais pu me demander plutôt que de me sauter dessus.
Sa remarque échauffe mes joues.
— Vraiment, je…
— Tout va bien, Amelia.
Aaron repousse ma main avec douceur avant de poser son bras sur mon épaule.
— Comment je vais faire pour te garder en vie jusqu’à la fin du séjour, princesse ? lance-t-il un peu plus fort.
Ezra se tourne dans notre direction, un sourire espiègle sur le visage.
— Moi, c’est pas pour Lia que je m’inquiète.
— Comment ça ? le questionné-je, sourcils froncés.
— Niveau maladresse, je t’assure que vous vous êtes bien trouvés.
Je contemple notre ami, intriguée par son hilarité. Aaron, lui, passe sa main libre dans ses cheveux, exaspéré.
— Je crois que le soleil lui a déjà un peu trop tapé sur la tête.
Hm, sans doute, oui…
L’odeur délicieuse du café et des viennoiseries me rappelle pourquoi nous sommes-là et mon ventre se met à gargouiller. Dès qu’on entre dans le self, je suis saisie par le froid. Je comprends mieux pourquoi la plupart des clients ont des pulls ou des gilets sur les épaules, la clim doit tourner à plein régime. On rejoint le fond de la pièce pour récupérer chacun un plateau avant de s’installer dans la file. La pièce est très simple, mais je crois que c’est ce qui fait tout son charme. Elle ressemble à un petit kiosque que l’on a posé au bout du ponton, l’intérieur est juste doté de murs crème agrémentés de quelques touches de bleus au mur. Toute la façade sud offre une vue imprenable sur la mer des Caraïbes. Je crois que je vois même mon bungalow, d’ici. Des tables en bois sont disposées un peu partout, et le buffet trône en maître au fond de la salle. Il regorge de tellement de choses à manger que plus j’avance, plus j’ai l’eau à la bouche. Une fois nos assiettes bien garnies, on s’installe pile face à la mer, pressés de tout goûter.
— Salut la compagnie !
Une Charlotte guillerette s’assoit sur l’une des chaises encore libres avec son propre plateau. Alex, quant à lui, tire sur la sienne avant de s’avachir complètement sur la table. Quand est-ce qu’ils sont arrivés, au juste ?
J’en sais rien et à vrai dire, je m’en fiche.
Pas faux…
— Alors, comment vous avez trouvé vos chambres ? Elles vous plaisent ?
— Tout est parfait Charlotte merci, répond Aaron.
Elle lui adresse un clin d’œil avant de frotter ses bras.
— Vous trouvez pas qu’il fait froid ? Je suis allée le dire à la réception. On vient quand même pas au Mexique pour se balader avec une polaire !
— Tu es allée le dire à la réception ?
Je ne sais pas si cette fille est trop naturelle pour moi ou trop culottée. En tout cas, la question m’a échappé sans que je ne puisse rien y faire. Charlotte se tourne vers moi et pouffe.
— Ma foi, oui ? Si personne ne le leur dit, le personnel ne pourra jamais deviner.
La logique de sa réplique m’agace. J’aurais voulu qu’elle soit capricieuse. J’aurais préféré constater qu’elle était juste mal polie, mais…
— Amelia ?
Je ne me suis même pas rendu compte que j’avais les poings et la mâchoire crispée avant qu’Aaron ne m’interpelle. J’inspire un grand coup, avant de me concentrer sur mon petit-déjeuner. La vue des œufs et des pommes de terre sautées suffit à m’apaiser.
— Ça va, murmuré-je à mon faux petit ami.
— Cal et Sofia ne sont pas là ? demande Ezra.
— Sécouchétard,
— Quoi ?
— On s’est couché trop tard ! répète Alex, la voix à demi étouffée.
Emma lève les yeux au ciel.
— C’est ça d’écumer les clubs alors qu’on a plus vingt ans !
— Fiche-moi la paix, Williams.
— Compte sur moi, réplique cette dernière.
Entre deux bouchées, Charlotte recentre la conversation.
— Bon, comme tout le monde est plus ou moins fatigué que ce soit à cause du trajet ou de la nuit, je me suis dit que pour aujourd’hui on pourrait se contenter d’aller à la plage, qu’est-ce que vous en dîtes ? La réceptionniste m’a recommandé un coin tranquille dans lequel on serait assuré d’éviter le flot de touristes !
— C’est une bonne idée, me forcé-je à répondre.
Après tout, elle semble faire des efforts pour que tout le monde soit à l’aise. Je peux bien en faire aussi. Le sourire qu’elle m’adresse montre qu’elle apprécie. Je pourrais lui sourire en retour, me montrer reconnaissante pour son accueil, mais… Mais je ne suis qu’une ingrate, parce que je me contente d’engloutir mon petit-déjeuner sans rien ajouter de plus.
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Syteraa
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melinegllrd
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Astoriel
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