Fyctia
11.2
— Est-ce que je peux avoir votre attention ?
La voix de l’animateur de la soirée se répercute à travers la salle. Nos visages se tournent dans sa direction pendant qu’il tapote sur la grille de son appareil. Avec un sourire satisfait, il le reporte à ses lèvres.
— Franchement, on est super content de la façon dont la fête se déroule. Grâce à vous, les jeux ont été un incroyable succès et c’est rassurant pour tout ce qu’on prévoit d’organiser à l’avenir ! Je sais que vous attendez avec impatience le résultat des jeux et la distribution des lots, mais avant ça, on a une dernière petite surprise pour vous…
Fier de ménager son suspens, il laisse la tension grimper un instant dans le silence de la salle avant de dévoiler ce qu’ils nous ont réservé.
— Que serait une fête universitaire sans un bal ?
Une fois qu’il a lâché sa bombe, les lumières de la pièce s’éteignent avant d’être remplacées par celles de spots qui balaient la piste de danse. Les cris et les applaudissements traversent la foule, qui bondit dès que les premières notes de musique retentissent. Je regarde les adultes que nous sommes se précipiter et s’enlacer comme les adolescents que nous avons été, le sourire aux lèvres. Du moins, jusqu’à ce que le souvenir de mon dernier bal se glisse dans mon esprit. Peu de temps après la remise des diplômes, l’Université avait organisé un gala de charité. Je m’y suis rendue aux bras de Cal, tellement heureuse à l’idée d’être à ses côtés. Jusqu’à ce que quelque chose n’aille pas, comme d’habitude. Après tout, il l’a dit lui-même, non ? Que je ne suis rien d’autre qu’une déception ! Je ne sais même plus ce que j’avais fait. Mal repassé sa chemise préférée, quelque chose dans ce genre-là, je crois.
— Tu danses ?
Je cligne des yeux à plusieurs reprises. Je n’ai pas vu Aaron se lever, encore moins se placer devant moi et me tendre la main pour m’inviter à danser. Il me faut quelques secondes pour comprendre ce qu’il me demande, alors même qu’il l’a formulé simplement.
— Oh, je… Non, je… bredouillé-je.
— Tu as peur de me marcher sur les pieds ?
La moue taquine qu’il me lance déride mes traits.
— Ha-ha, très drôle.
— Allez, Lia. C’est juste pour ce soir, tu te rappelles ?
Lia. Mon cœur émet de drôles de fréquences quand il prononce mon surnom. Je me lève et tente de conserver une expression boudeuse, mais la tête qu’il fait quand il me prend la main, d’un air de dire je suis le petit ami parfait, t’as vu, achève de me faire rire. Quand on rejoint la piste de danse, hilares et main dans la main, je me dis que l’on n’est pas si mauvais à ce petit jeu. En revanche, c’est une tout autre paire de manches lorsque l’on s’arrête et qu’Aaron me retire doucement vers lui. Nos mains toujours jointes, j’essaie de calquer mes pas sur le rythme des autres couples, mais j’ai l’impression d’avoir la grâce d’un manchot sur des patins à roulettes. Je me dandine sur la piste, mal à l’aise, jusqu’à ce que mon cavalier éclate de rire.
— Tu sais que c’est un slow, pas vrai ?
Je le fusille du regard.
— Bien évidemment que je sais que c’est un slow !
— Et donc, tu crois pas qu’on devrait se tenir… Plus près ?
Je cligne des yeux d’un air ahuri, remarquant seulement maintenant la distance que j’avais mise entre nous. Je me mords la lèvre inférieure, honteuse. Dans l’obscurité ambiante, les lumières blanches viennent éclairer son visage rieur à intervalle régulier. Avec une expression plus douce, il fait un premier pas vers moi.
— Qu’est-ce que tu en penses ?
— Je crois… Je crois qu’on doit être encore plus près, admets-je.
— Comment, comme ça ?
Il penche la tête, ses yeux à la recherche de mon regard. Moi, je contemple nos corps, qui sont désormais si proches qu’il suffirait d’une inspiration un peu trop profonde pour qu’ils se touchent… Ce qui arrive tout de suite après, par ma faute, bien entendu. Aaron se racle la gorge et redresse mon menton du bout des doigts. Je jurerais qu’il rougit.
— Ça me parait pas trop mal, t’en penses quoi ?
La gorge nouée et le cœur qui bourdonne jusque dans mes oreilles, je me contente d’acquiescer. C’est moi qui ai voulu poursuivre cette mascarade. Maintenant, il faut que je paie les conséquences de ma sottise…
Si tu pouvais en faire plus souvent, des comme celle-là…
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Aaron te parle, bichette.
Je me concentre à nouveau sur l’instant présent et remarque qu’en effet, mon cavalier attend quelque chose de moi.
— Tu me laisses te guider ?
— Oui.
Je n’accompagne ma réponse d’aucune fioriture, mais en même temps, ce n’est pas nécessaire. Aaron m’attire contre lui et je me retrouve blottie contre son torse. La douceur de son étreinte m’enveloppe tandis que j’enroule mes bras autour de sa taille. Les siens se posent sur mes bras nus, et l’on se laisse emporter par la douce mélodie qui flotte dans l’air, nos pas sont beaucoup plus en harmonie que tout à l’heure. On se perd un moment dans la parenthèse qui s’installe entre nous. Le silence n’est pas gênant, comblé par les morceaux qui s’enchainent les uns après les autres. Je savoure la musique, bercée par son rythme lent, presque langoureux. Quand je reconnais les notes de Flightless Bird, American Mouth, je ne peux pas m’empêcher de glousser.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Est-ce qu’on pourrait faire plus cliché ? demandé-je
— Plus cliché que quoi ?
— La chanson, Aaron !
— Oh ça… il prend un instant, juste le temps de reconnaître le morceau, et je le sens rire plus que je ne l’entends. Et bien… reprend-il, on est tous issus de la génération Twilight non ?
Je ris de bon cœur et l’on continue de danser sur un rythme apaisé. La dernière note s’achève, et je me dis qu’il est peut-être temps de rompre notre étreinte que l’on a été suffisamment crédible pour le reste de la soirée. Aaron n’est pas de cet avis, et il se contente de me serrer plus fort.
— Dis, Lia…
Sa voix est à peine audible, recouverte par le nouveau morceau qui s’échappe des enceintes. Pourtant, je l’entends parfaitement.
— Je sais que je t’en ai déjà demandé beaucoup… Cette soirée. La présence imprévue de Cal. Ces rumeurs sur nous, énumère-t-il. Mais… mais on est ami, non ?
Je fronce les sourcils et plante mon regard dans le sien.
— Bien sûr ! C’est quoi cette question ?
Je le sens inspirer profondément, comme si avouer le fond de sa pensée lui en coutait. Comme je connais que trop bien la difficulté de mettre de mots sur ce que l’on ressent, je patiente, lui laissant le temps dont il a besoin.
— Est-ce que… hésite-t-il. Tu… Tu crois que tu arriveras à ne plus m’ignorer, maintenant ?
Ma poitrine se serre si fort que j’ai l’impression que mon cœur va exploser d’une minute à l’autre. Je ferme les yeux afin de digérer le poids de ma culpabilité, mais aussi pour chasser les larmes qui menacent de couler. J’ai à mon tour besoin de quelques instants pour être en mesure de lui répondre, et quand j’y parviens, c’est avec une voix tremblante.
— C’est promis, Aaron.
— Alors, c’est parfait.
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Syteraa
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Il y a 3 mois
maddyyds
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Il y a 3 mois
Juderaa_
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Il y a 3 mois
Juderaa_
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Il y a 3 mois
reimna
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Il y a 3 mois
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sulanatuuu
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Lunedelivre
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Luana Mmdc
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Il y a 4 mois