Fyctia
10.2
Alors que le visage des autres se décompose, Aaron ne se démonte pas et cherche mon attention. D’une main douce, il frôle mes doigts sans s’en emparer, avant de plonger ses yeux verts dans les miens.
— T’es sûre, Amelia ?
Je hoche la tête.
— Ça va aller. C’est juste un jeu. On va faire ça… entre amis.
Le regard de Cal s’illumine d’une lueur espiègle qui ne me rassure pas vraiment.
— Allez, Aaron, elle va pas s’envoler. Après tout, Lia et moi, on a toujours formé une bonne équipe. Je vois la mâchoire de mon cavalier se crisper, mais il ne réplique rien de plus. Il se contente de vérifier une dernière fois dans mon regard que je suis certaine de ce que je fais. Il doit y trouver une réponse que je n’ai pas moi-même, parce qu’il se recule et me laisse la possibilité de suivre mon ex. Quand je tourne mon regard vers celui-ci et la main qu’il lance dans ma direction, je refuse de la saisir. Je ne manque pas la veine qui palpite sur son front, et alors qu’on s’éloigne, je me demande si j’ai bien fait de la refuser.
Mon inquiétude s’intensifie à mesure que l’on se rapproche de la salle de jeu. Lorsque l’on traverse la première porte située à notre droite, j’en viens à la conclusion que je suis profondément stupide. Devant nous se dresse ce qui ressemble à un terrain d’entraînement militaire : tapis glissant, cerceaux minuscules, amas de sable fin… Mes yeux s’écarquillent davantage lorsque je découvre avec horreur la signification de marche jumelée.
— On va être attachés par les chevilles ?! m’affolé-je.
Un ricanement franchit des lèvres de mon ex.
— T’as rien suivi, comme d’habitude, c’est ça ?
La froideur de sa voix me fait tiquer, mais j’essaie de prendre sur moi. À la place, je jette un œil à mes chaussures et je me demande comment je vais faire pour ne pas me casser la figure avec mes escarpins… Son soupir de lassitude me glace les os.
— Toujours à faire la belle… Retire-les, Lia, ce sera plus simple.
Je me mords la lèvre inférieure. C’est vraiment sa façon de hisser le drapeau blanc ? Sans lui répondre, je me dirige vers un angle de la pièce afin de laisser mes précieux en sécurité. Pour plus de confort, je retire également la veste d’Aaron que je pose juste à côté, avant de retourner près de mon ex sur la ligne de départ. Alors que nous attendons docilement que la meneuse de jeu vienne nous fournir les cordages, le silence de plomb qui s’étire entre nous ne m’aide pas à m’apaiser. Je ressens alors le besoin de dire quelque chose, n’importe quoi tant que je meuble la conversation.
— Charlotte n’est pas avec toi ?
Vraiment n’importe quoi. Je vois d’ailleurs dans les yeux de Cal que ma question ne lui plaît pas.
— Elle est encore retenue à Atlanta, répond-il tout de même.
— Oh, c’est…
— Et puis, me coupe-t-il, c’est une soirée des anciens élèves de la NYU. Charlotte sait très bien où est sa place, elle.
Sa remarque est chargée de sous-entendus, mais le malaise qui me traverse n’a rien à voir avec ce qu’il insinue à mon sujet. Non, ce qui me dérange, c’est la façon dont il parle de sa nouvelle copine, comme si c’était un petit animal docile… Non, je me fais des idées. Après tout, il m’a trompé parce qu’il avait eu le coup de foudre…
La meneuse arrive finalement pour attacher nos chevilles et nous souhaiter bonne chance. Lorsque nos jambes n’ont plus d’autre choix que de se toucher, mon cœur palpite et mes mains deviennent moites. Je ne sais pas quoi faire, alors je me dandine sur place et triture mes doigts, pressée d’en avoir terminé avec tout ça. Heureusement, il ne faut que quelques minutes pour que notre animatrice rejoigne l’autre côté de la pièce et entonne par l’intermédiaire d’un porte-voix :
— Vous êtes prêts ? À vos marques… Partez !
Tous les participants s’élancent à l’assaut du parcours. Cal démarre en trombe, mais notre différence de taille m’empêche de suivre sa cadence, à tel point que je manque déjà de trébucher. Nous ne sommes pas les seuls qui peinons à trouver notre rythme. Les rires fusent à mesure que les gens chutent. Je jette un œil à nos chevilles, désormais jointes par un nœud si serré qu’il nous contraint à une proximité désagréable. Nos épaules se frôlent et c’est suffisant pour me faire frissonner. Dans notre progression, nos pas refusent de se coordonner et je finis par tomber. Alors que je redresse le menton dans l’espoir d’une main tendue, Cal se contente de me toiser avec dédain.
— Ma main n’était pas assez bien pour toi tout à l’heure, non ? crache-t-il. Tu peux continuer à faire sans, du coup.
Oh…
Je me redresse toute seule et lisse ma robe avant de recommencer à avancer. La tête prise dans un tourbillon, je n’arrive pas à suivre l’allure impossible de mon ex et ne cesse de perdre l’équilibre, ce qui nous ralentit nettement par rapport aux autres.
— Tu vas trop vite… murmuré-je.
— C’est une course, Lia. Il faut aller vite. Magne-toi, bon sang !
Les dents serrées, Cal attrape mon poignet et continue d’accélérer. Son contact me révulse. Je veux qu’il me lâche. J’ai besoin qu’il me lâche. Un obstacle surgit sous nos pieds et je bascule en avant, l’entraînant dans ma chute. Heureusement pour lui, il pivote à la dernière seconde et parvient à se stabiliser. Malheureusement pour moi, j’atterris sur mes genoux de façon totalement ridicule. Loin de me faire rire, la situation m’étrangle et des larmes commencent à s’accumuler au coin de mes yeux. Il ne m’aide absolument pas à me redresser. Pire, je sens son exaspération gonfler, sa jambe tirant sur la mienne. Ça suffit. J’arrête. Je vais défaire ce foutu nœud et jeter l’éponge.
— Allez, Lia !
Je redresse le visage et remarque immédiatement nos amis parmi les spectateurs. La honte s’ajoute aux autres sentiments qui écrasent ma poitrine. Pourquoi faut-il que je sois toujours l’empotée de service ? Je vais leur faire perdre la partie et les empêcher de gagner quoi que ce soit. Ils vont me détester encore plus qu’ils ne le font déjà et je… Je…
Le cœur serré dans un étau, je ne parviens même plus à formuler mes pensées. Je n’entends plus le bruit de la foule. J’entends à peine Cal, qui me hurle de me relever, j’entends à peine mes amis, qui commencent à s’inquiéter pour moi. Je n’aurais jamais dû accepter cette course. Pire, je n’aurais jamais dû accepter de venir à cette soirée. Là, tout ce que je veux, c’est rentrer chez moi afin de serrer Pillow dans mes bras. Je m’apprête à annoncer à Cal que j’abandonne, mais quand je relève enfin les yeux, ce n’est pas son visage que je vois en premier.
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maddyyds
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Il y a 3 mois
Juderaa_
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Il y a 3 mois
Juderaa_
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Il y a 3 mois
Lunedelivre
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Juderaa_
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Il y a 3 mois
melinegllrd
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sulanatuuu
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Il y a 3 mois
chloooechtn
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Lunedelivre
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Luana Mmdc
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Il y a 4 mois