Fyctia
7.1
— Une cheville tordue ? La grippe ? Une insolation ? Non, mince, on chope pas une insolation en plein hiver… Quoique, avec moi… Oh, je sais !
Je bondis sur le canapé et tape le poing contre ma main dans un claquement sec. Pillow, qui jusque-là dormait tranquillement sur mes genoux, sursaute et me fusille du regard.
— La gastro ! Personne n’a envie de passer une soirée avec quelqu’un qui a la gastro, non ? C’est parfait pour décommander, ça ! C’est contagieux, dégoutant et puis c’est fulgurant, ça prévient pas avant de frapper…
Mon animal de compagnie penche la tête sur le côté et me contemple d’un air curieux. Je me laisse tomber sur le canapé et bascule la tête en arrière afin de contempler le plafond, écrasée par ma lassitude.
— Je suis coincée, hein ?
Mon chat miaule d’un air de dire ça fait une semaine que t’es fichue, ma vieille. D’accord, il n’a pas tort, mais Sa Majesté des poils pourrait se montrer un peu plus compatissante.
— Tu oublies qui te nourris, peluche !
Pillow s’approche de moi et je crois qu’il vient en paix et je suis prête à le prendre dans mes bras, mais il se contente de me narguer avant de sauter pour rejoindre son panier. Je suis même snobée par mon chat maintenant, super. Un regard vers mon horloge m’apprend que la matinée s’écoule avec une lenteur d’escargot. Il est tout juste 10 h, j’ai donc encore 9 h à tourner en rond et à me laisser envahir par la panique qui grossit de plus en plus à mesure que s’égraine le temps qui passe. Je tourne la tête vers ma baie vitrée, constatant que la ville de New York est, comme à son habitude, indifférente à mon tourment. Je perds à observer les passants, les voitures et les taxis qui circulent, les feuilles des arbres et le minuscule bout de Riverside Park que je peux apercevoir, au loin. Je crois que des heures ont enfin défilé, mais quand je quitte la rue des yeux, il n’est que 10 h 30.
— C’est pas vrai !
La gorge serrée, les mains moites et la respiration haletante, je tourne en rond comme un lion en cage. Il faut absolument que j’arrive à m’occuper, sinon, ce ne sera plus une simple excuse, je serais juste incapable de me rendre à cette soirée.
***
— C’est une catastrophe, Pillow.
Mon chat émet un miaulement interrogatif et ses billes bleues m’observent, la tête penchée sur le côté. Bon sang, qu’il est mignon. Je devrais laisser tomber et aller lui faire un câlin… Non, je ne peux pas. L’heure est grave, bien trop grave.
Le monticule de vêtements étalé sur mon couvre-lit bleu clair fait état de l’ampleur de l’urgence. La boule qui gonfle dans mon ventre depuis ce matin menace de sortir par ma bouche. Affligée, je jette un dernier œil en direction de ma penderie avant de me laisser tomber la tête la première dans le bazar que je viens de créer.
— Je n’ai absolument rien à me mettre !
Ma voix est à demi étouffée par les vêtements dans lesquels je m’enfonce, tant et si bien que mon cri de rage ne m’apporte pas le soulagement escompté. Je tape des bras et des pieds et rebondis sur le poids du matelas, avant de me redresser, honteuse. Je me comporte comme une adolescente. Pire même, car je ne crois même pas avoir été aussi stressée pour le bal de promo du lycée. Peut-être que j’exagère et que je n’ai pas rien à me mettre, mais je ne trouve rien qui me convienne. Tout est trop court, trop long, pas assez sophistiqué… Qui a eu l’idée d’imposer une soirée chic, franchement ? Une soirée tranquille, voire un cinéma, ça aurait été très bien.
Un cinéma ? Donc vous seriez tous plongés dans le noir sans pouvoir vous parler pendant 2 h… ?
Exactement ! Là, oui, ça aurait été une soirée parfaite ! Mais non, il faut que je me coltine la soirée tenue correcte exigée. Et bien sûr, comme un fait exprès, j’ai passé la plus interminable des matinées, mais maintenant, l’après-midi passe comme si quelqu’un avait appuyé sur un bouton d’avance rapide. Je vais commencer à croire que la vie ne m’aime pas, en fait.
Ou tu n’aimes pas la vie, au choix.
Oui bon, on ne va pas jouer sur les mots non plus. Résignée, je fouille à l’aveugle dans ce chaos pour retrouver mon téléphone, car ma vie en dépend. Quand je mets enfin la main dessus je me redresse et m’empresse de taper un SMS.
Environ une demie heure plus tard, la sonnette de ma porte d’entrée retentit. Je bondis hors de mon lit : les secours sont enfin arrivés.
— Soldat Cooper au rapport, Capitaine Jones ! lance Joyceline à la seconde où je lui ouvre la porte. Laissez passer, laissez passer !
Un ricanement s’échappe de mes lèvres tandis que je m’écarte. Joyce s’engouffre dans mon appartement et prend la direction de ma chambre sans même attendre que je la suive, traînant une grosse valise derrière elle. Quand je la rejoins, elle s’est figée dans l’embrasure de la porte, contemplant le capharnaüm qu’est devenu la pièce.
— Ah, oui. T’as créé un véritable champ de ruine, là, mon général…
— Je croyais que j’étais capitaine ?
On se regarde, les lèvres pincées, essayant de garder notre sérieux de façon précaire. J’ai bien fait de l’appeler à l’aide. Quand elle inspecte ma chambre du regard, se mine se fait plus grave. Elle croise les bras sur sa poitrine et reprend sa tirade militaire.
— Bon, on va commencer par remettre de l’ordre dans tout ça, OK ? Ensuite, ta marraine la bonne fée changera tes guenilles en robe de soirée. T’es prête ?
— Oui, mon colonel ! réponds-je en portant une main à mes tempes.
— J’avais pas dit soldat ?
Cette fois, on éclate de rire. Il nous faut plusieurs minutes pour que l’hilarité retombe. Des larmes salées au coin des yeux, on se met tout de même au travail. Je lui passe mon linge qu’elle lisse soigneusement avant de le plier ou de l’accrocher dans ma penderie. Pour le moment, on n’est pas forcément plus avancé, mais il faut bien reconnaître, ranger l’espace, c’est ranger l’esprit.
— Au fait, y a un thème pour ta soirée ?
Je secoue la tête.
— Non, aucun. Juste qu’une tenue correcte et chic est attendue pour les participants et leur accompagnant, je récite, connaissant la formulation par cœur pour l’avoir relu une bonne dizaine de fois.
— C’est tout ? se réjouit-elle avant de taper dans ses mains. Mais c’est facile ça, Barbie ! On va te pouponner en un coup de baguette magique ! Notre collègue passe te prendre à quelle heure ?
— Aaron m’a dit 19 heures.
Joyceline sort son téléphone et ses yeux s’élargissent tellement que je crains qu’ils s’écrasent sur mon parquet. Ça m’embêterait, je l’ai posé y a pas longtemps et…
— OK. On reste calme. On respire. Tout va bien se passer. Il faut simplement qu’on commence par…
— Midge ? la coupé-je. T’as l’air tout sauf calme là, tu sais ?
Elle lève vers moi des yeux toujours aussi écarquillés.
— Mais qu’est-ce que tu fiches encore là ? À LA DOUCHE !
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maddyyds
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Il y a 3 mois
chloooechtn
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Il y a 4 mois
Syteraa
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Il y a 4 mois
LyRaverin
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Il y a 4 mois
Lunedelivre
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Il y a 4 mois
Juderaa_
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Ady Regan
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Siala
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Il y a 4 mois