Lunedelivre Séduis-moi, si tu peux 5.1

5.1

Aaron sourit, l’air ravi de me voir. Ça me tord un peu plus le ventre, parce que je sais que je vais à nouveau me défiler.

— Oh, salut Aaron ! je lance d’une voix faussement enjouée. C’est super de te croiser ici ! Je dois rejoindre des amies, mais…

— Amelia, attends !

J’avais déjà fait volte-face, prête à endurer la drague de tous les Mike du monde, mais son intonation suppliante me stoppe net.

— Qu’est-ce qui se passe, au juste ? m’interroge-t-il. J’ai fait quelque chose qu’il fallait pas ?

Je ferme les yeux si fort qu’ils en deviennent douloureux. Dans ma volonté de fuir, de me barricader dans une forteresse à l’abri des souvenirs et de la souffrance, je sais que je me suis montrée égoïste. J’ai rayé de ma vie des personnes, des amis sans leur donner la moindre explication. C’est juste que, je ne sais pas ce que Cal leur a raconté. Pire, je sais ce que j’ai caché. Parce que j’avais trop honte. Parce que je ne sais même pas s’ils me croiraient. Parce que je ne sais pas comment ils me verraient une fois que je le leur aurai dit. Fuir est bien plus facile que se battre, alors c’est ce que j’ai toujours choisi. Au final, je ne vaux pas mieux que mon ex.

— Je suis désolé si j’ai… ajoute-t-il, si bas que j’aurais tout aussi bien pu l’inventer.

Qu’est-ce que je fiche, sérieusement ? Depuis quand j’ai perdu toute mon empathie, au point de tourner le dos au monde entier ? J’ai rencontré Aaron avant même de sortir avec Cal. La première fois que je l’ai vu, c’était à la bibliothèque de l’Université. Je désespérais de finir ce devoir à rendre, les mains cramponnées à mes cheveux, à tel pont qu’il a dû réussir à voir la fumée qui s’échappait de ma cervelle. Il est donc venu m’apporter son aide, comme ça, naturellement. Sans me connaître. Sans rien me demander en retour. Parce que c’est lui. Aaron Miller. À ce souvenir, une vague de culpabilité me monte aux yeux.

— Bien sûr que non, Aaron, réponds-je sur le même ton que lui. Tu n’as jamais rien fait de mal. Jamais.

— Alors, viens boire un verre avec moi. Juste un. Après, tu pourras recommencer à m’éviter.

J’écarquille les yeux, ma surprise lui arrachant un ricanement. Ce que je peux être naïve, parfois. On travaille dans la même boîte, bien sûr qu’il a vu clair dans mon manège. Cela dit, je n’ai pas l’impression qu’il m’en tient rigueur. Je rougis, penaude, et lui adresse le sourire le plus sincère que j’ai en stock.

— C’est d’accord, soufflé-je.

Le sourire qui éclaire son visage à cet instant précis rivalise avec les néons colorés qui inondent la piste de danse. Le bras tendu vers moi, il capte mon regard dans une interrogation et n’attrape ma main que quand je l’y autorise d’un hochement de tête. Nous slalomons entre la foule qui s’est encore épaissie jusqu’à rejoindre sa table.

— Amelia, je te présente Matthew…

Un homme brun lève la tête du cou d’une jolie blonde pour nous offrir son attention.

— Tu te joins à nous ? Plus on est de fou, plus on…

Mes joues chauffent face à son sous-entendu, mais je n’ai même pas besoin de chercher quelque chose à répliquer, car Aaron me devance.

— Non, non, t’allais aller danser, pas vrai ?

— Oh, oui, viens chéri, allons danser !

Je crois voir de l’agacement dans le regard du fameux Matthew, mais il se lève et offre une tape sur l’épaule à Aaron.

— Excuse-le, il est très…

Je secoue la tête.

— Y a pas de mal, t’en fais pas.

Aaron me désigne timidement les chaises et on s’installe. Quand il me demande ce que je veux boire, j’opte pour de l’eau. Il n’oscille même pas face à ma demande et me tend un verre, avant de se servir la même chose. Je me cramponne à ma boisson comme à une bouée de sauvetage, gênée par le silence qui tombe ensuite entre nous. Cela fait tellement longtemps qu’on ne s’est pas parlé… Mais c’est ma faute, alors il mérite que je fasse un effort.

— Et alors, hm… Qu’est-ce que tu deviens, depuis tout ce temps ? tenté-je pour lancer la conversation.

— Tu veux dire, à part être ton collègue de l’étage supérieur ?

Je dois me contenir pour ne pas cacher ma tête sous la table.

— Très drôle, Aaron, très drôle.

Il hausse les épaules et boit une gorgée de son verre, avant de me répondre.

— À vrai dire, pas grand-chose. Enfin, rien qui mérite de s’y attarder. Et toi ?

Un grognement rauque s’échappe de ma gorge.

— Rien de bien fou non plus…

Le silence retombe légèrement entre nous. Je laisse mon regard planer au-dessus de mon verre. Les basses vibrent si intensément que des ondes dansent à la surface de l’eau. Je fixe ce spectacle hypnotique, perdue dans mes pensées, jusqu’à ce qu’il reprenne la parole.

— Je me serai vraiment pas attendu à te croiser ici. Enfin, je ne vais pas m’en plaindre, mais…

Je fronce les sourcils.

— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Il passe une main dans ses cheveux bruns, me faisant remarquer qu’il les a laissés pousser, en comparaison de l’Université. Ça lui va bien. Ça lui donne des airs… Je ne saurais pas trop dire. Mais ça lui va bien.

Moi, je sais très bien quel air ça lui donne

T’es encore là toi ?! Retourne te coucher, il est tard !

Quand la soirée devient intéressante ? Tu rêves, ma fille !

Ma propre conscience m’épuise.

— Je ne sais pas, je ne t’ai jamais croisé en dehors de l’agence, alors je pensais que tu ne sortais pas forcément beaucoup ? Je…

Loin de me contrarier, sa remarque hésitante me fait sourire. Dans le fond, il n’a pas tort, mais je décide de le taquiner un peu. Je croise les bras sur ma poitrine et lui lance :

— Ou alors, peut-être qu’on ne fréquente pas les mêmes endroits ? Ça me paraît grand, New York, à moi…

Je ne sais pas si je rêve, ou s’il rougit, mais je dois dire que cette éventualité me fait fondre. Il lève les bras en signe d’apaisement.

— Mea culpa, Amelia. Tu as raison. Je n’aurais pas dû tirer ce genre de conclusion…

— Eh, je plaisante.

Nos yeux s’accrochent, et je trouve dans ses prunelles l’apaisement dont j’avais besoin. Là, tout de suite, et ce malgré les années qui ont défilé, je me sens bien. Je m’autorise à retrouver avec lui une complicité que je refusais d’éprouver. Peut-être que c’est l’alcool que j’ai bu un peu plus tôt dans la soirée, ou, peut-être que c’est parce que c’est Aaron. Cet homme n’a jamais été autre chose que douceur et bienveillance à mon égard. Discuter avec lui est si facile que je me demande comment j’ai pu craindre le contraire. À vrai dire, j’en viens à me demander : s’il en va ainsi pour Aaron, est-ce que j’aurais tort d’espérer qu’il en soit de même avec les autres ?

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94 commentaires

maddyyds

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Il y a 3 mois

Je veux dormir mais je veux continuer de lire aussi 🥹

Lunedelivre

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Il y a 3 mois

Ça va pas s’envoyer chaton 💕🥹

Manonst

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Il y a 4 mois

Je veux bouffer Aaron….(merde…c’est peut être pas suffisamment constructif ça..)

Lunedelivre

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Il y a 4 mois

Mais c’est très drôle 🤣

Julie Alyès

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Il y a 4 mois

Aaron c'est un chou à la crème, pas vrai ?

Lunedelivre

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Il y a 4 mois

Le seul, l'unique, un petit sucre ♡

Ady Regan

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Il y a 4 mois

J'aime beaucoup Aaron, très doux et prévenant :-)

Lunedelivre

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Il y a 4 mois

Ouiiii

LyRaverin

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Il y a 4 mois

Mais cet Aaron a l'air adorable ! Je vais me ranger du côté de la petite voix pour la pousser à ne plus l'éviter, tiens :p

Lunedelivre

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Il y a 4 mois

La petite voix, c'est clairement nous !
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