Fyctia
4.2
Je la fusille du regard, indécise sur la façon dont je vais pouvoir l’éradiquer de la surface de la planète.
La noyade, ça me paraît bien.
Ah, tu vois qu’on peut être d’accord, quand tu veux !
J’approuve tout ce qui me permet de ne pas subir tes lamentations
Ah. L’entente n’aura été que de courte durée.
Mon ex-meilleure amie pose ses mains sur mes épaules et me ramène à l’instant. Elle répond à mon regard noir par un clin d’œil. La noyade, ça me parait vraiment bien.
— Tu te moques de moi ? je chuchote au creux de son oreille une fois qu’on s’est assises.
Elle secoue la tête.
— Je plaisantais, Barbie. Mike et Rohan sont juste des amis à nous.
Je fais la moue, peu convaincue.
— Eh, Barbie, je te tendrai jamais de piège, OK ? C’est juste une soirée tranquille. Pour se détendre, comme on avait dit.
Ma poitrine est comme soulagée d’un poids et je me réalise à quel point j’étais tendue. Ce qui est bête. Joyceline est imprévisible, certes, mais elle sait très bien où se situent mes limites et elle les respecte. L’idée même d’en douter n’aurait pas dû m’effleurer.
— Et puis, des mecs de confiance, y a pas mieux pour commencer ! clame Allison, que je soupçonne d’être déjà un peu pompette, à regarder de plus près.
— Pour commencer ? la questionné-je en penchant la tête sur un côté.
— Ouais, pour te remettre en selle, si tu préfères !
Le rire gras d’Allison claque dans mes oreilles et je fronce le nez. Comment ça, me remettre en selles ?
— C’est moi ou t’es complètement ivre, trésor ? lui lance Joyce, confirmant ainsi mes doutes. Tu vas finir par l’effrayer.
Une serveuse passe à notre table et les garçons s’occupent de passer commande. De mon côté, je me laisse couler dans le confort du cuir, plus à l’aise. Après tout, je ne connais pas les amis de Joyceline, alors, c’est l’occasion. Plus la soirée avance, plus je dois reconnaître qu’elle n’a pas menti. L’ambiance est rapidement devenue conviviale, l’alcool aidant sans doute un peu. Chacun partage des anecdotes sur l’un ou sur l’autre et les rires vont bon train. J’en viens à la conclusion que j’ai bien fait de venir, car je passe un très bon moment.
Midge me tend un autre verre, mais je décline sa proposition. Les vapeurs de l’alcool commencent à me tourner la tête, signe que je dois m’arrêter. Tous semblent d’ailleurs ralentir la cadence, sauf peut-être Rohan.
— Bon, c’est pas tout, déclare Allison en se redressant si vite qu’elle en perd l’équilibre. Mais on va pas prendre racine dans ce fauteuil, non plus ! On va danser ?
— C’est partiii !
Comme je ne bouge pas d’un pouce, Joyce me tire par le coude.
— Allez, s’il te plait ! insiste-t-elle. Si tu le fais pas pour toi, fais-le pour…
— J’ai vraiment pas envie, Joyceline.
Elle sonde mes yeux afin d’appréhender ma détermination, puis capitule dans un soupir. Elle s’apprête à se rasseoir, mais je la pousse.
— Va t’amuser, Midge. Je suis pas en sucre.
— Tu vas réussir à rester sage ? m’interroge-t-elle en jouant des sourcils, des regards en biais en direction de Mike.
— Rappelle-toi bien que je te déteste, sale traitresse.
Elle glousse.
— Rappelle-toi que tu mens.
— Bon, on y va ?
Sur un dernier baiser claqué sur ma joue, Joyceline et Allison disparaissent parmi la foule. Je les vois quelques instants plus tard émerger sur la piste de danse et se caler sur le rythme de la musique, toutes les deux plus belles l’une que l’autre. Quand on y regarde de plus près, leur robe n’est pas si différente de la mienne. Alors pourquoi je me sens si gourde, là-dedans ? Ce n’est pas leur minceur qui les met davantage en valeur, non. Je n’ai jamais eu ce genre de pensée. Un corps est un corps, et il est magnifique, du moment qu’on apprend à l’aimer. Toute la différence tient dans leur assurance, en réalité. Assurance que je n’ai pas, ou plutôt, que je n’ai plus.
Je suis encore en train de siroter mon verre d’eau, perdue dans mes pensées, quand deux doigts tapotent mon épaule. Je me tourne et tombe nez à nez avec Mike, qui s’est drôlement rapproché.
— Salut, Lia.
— Salut,
Le son de sa voix, son attitude, tout me fait comprendre que mon célibat n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Le rouge me monte aux joues quand il laisse ses doigts trainer sur mes épaules. Heureusement, il a suffi que je me raidisse pour qu’il recule, respectant les signaux qu’il perçoit. Il se montre même on ne peut plus charmant, posant des questions sur mon travail, mon quotidien… Il me parle du sien, et la conversation se fait légère, agréable.
— Et, ça fait longtemps que vous vous connaissez, toutes les deux ? m’interroge-t-il quand on a épuisé tous les autres sujets.
— Qui ça, Joyceline ?
Il acquiesce.
— On peut dire ça, oui, Ça fait trois ans qu’on partage le même bureau, gloussé-je.
— Wow, tant que ça ? Et tu la supportes encore ?
Voyant très bien qu’il dit ça sur le ton de l’humour, j’éclate de rire. Le regard de Mike se fait plus enflammer. Mince, ce n’est pas ce que…
— Tu sais, Lia, je te trouve absolument ra…
— Il faut que j’aille au petit coin !
Dans la panique, j’ai presque crié, au point que Mike sursaute. Il se gratte la nuque, mal à l’aise. Je crois que le message est passé. Moi aussi gênée par la situation, je me redresse et pars en quête des toilettes. Contrairement à ce que croit Allison, je n’ai rien contre les relations charnelles. Mes derniers ébats ne sont pas si vieux, ils doivent remonter à quoi, janvier ? Ou peut-être un peu avant. Je me souviens bien de cet homme que j’avais rencontré à la fête de Noël de l’agence… Enfin, bref, je ne me suis pas greffé une ceinture de chasteté à partir du moment où Cal m’a quittée. C’est juste que, pour céder à la tentation, il faut que je sois certaine de ce que je fais, de ce que je veux, de ce que l’autre veut. Parce qu’il est hors de question de prendre le moindre risque. Mon cœur ne doit pas être impliqué. Plus jamais. Je ne dis pas que Mike cherchait une relation sérieuse, un club ne me semble pas franchement l’endroit idéal pour cela, mais c’est un ami de Joyceline. Rien que ça, ça rend les choses trop compliquées, puisque cela implique que l’on sera peut-être amené à se revoir, qu’on devra peut-être…
— Amelia ?
… s’ignorer, car les choses se seront mal terminées. Vraiment, je ne crois pas que…
— Amelia ?
Je ne m’attendais tellement pas à entendre mon prénom dans cet endroit qu’il me faut un moment pour réaliser que c’est moi que l’on interpelle. Je me tourne dans plusieurs directions, cherchant qui peut bien m’appeler. Quand j’y parviens enfin, tout mon corps se fige. C’est une plaisanterie. Une caméra cachée. Vraiment, c’est impossible. On travaille dans la même boite, on a dû se croiser quoi, quatre fois en cinq ans ? Alors non, la vie ne peut pas me faire ça deux fois la même semaine.
Je ferme les yeux, dans l’espoir que quand je les rouvrirai, il aura disparu. Je me risque à entrebâiller une paupière, comme si mon souhait pouvait être exaucé.
— Bonsoir, Amelia. Comment tu vas ?
Et merde…
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maddyyds
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Il y a 3 mois
Manonst
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Il y a 4 mois
Angel Guyot
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Lunedelivre
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Leila.Jamsin
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Il y a 4 mois
fpot_killer
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LyRaverin
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Syteraa
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Syteraa
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Il y a 4 mois
Alexandra ROCH
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Il y a 4 mois