Lunedelivre Séduis-moi, si tu peux 2.1

2.1

Les gobelets fumant en équilibre au bout de mes bras, je pousse la lourde porte de l’immeuble à l’aide de mon épaule. Je sens la catastrophe arriver et visualise déjà le contenu de nos boissons se renverser à mes pieds. Je murmure une prière à l’attention de mes somptueux escarpins vernis qui ne méritent définitivement pas ça, lorsque miracle : celle-ci s’ouvre comme par magie. Loin d’imaginer que je suis soudain dotée de superforce, j’adresse un immense sourire à mon sauveur matinal.

— Merci, Paul.

— Y a pas de quoi, mademoiselle Jones.

Après quelques échanges de politesse avec notre portier, je m’engouffre dans la chaleur apaisante du bâtiment, bien plus agréable que le froid mordant de la rue. Mes pas sur le marbre se répercutent à travers le hall, toujours désert et silencieux à cette heure-ci. Je me dirige machinalement vers l’ascenseur pour rejoindre mon bureau. Les portes s’ouvrent sur le sixième étage, encore plongé dans le noir. Je ne m’en formalise pas, ayant l’habitude d’arriver la première ou presque. Je jongle entre le plateau et mon sac qui glisse de mon épaule, avant d’allumer les lumières sur mon passage. Enfin à destination, je libère mes bras chargés et soupire de soulagement. La vie est faite de petites victoires et je viens d’en accomplir une : ne rien renverser. Non, parce que je n’irai pas jusqu’à dire que c’est une habitude, mais il se pourrait que la maladresse soit une de mes plus fâcheuses tendances. Après, ma mère affirme que ça fait partie de mon charme. C’est que c’est vrai, n’est-ce pas ?

Y croire, c’est le réaliser à moitié, il parait.

Moi, tout ce que je vois c’est que mes Jimmy Choo ont survécu. Et ça, ça me va.

Je me débarrasse de mon manteau et me laisse tomber sur ma chaise. Profitant du temps que met mon ordinateur pour s’allumer, je savoure les premières gorgées de mon hot chocolate. Le liquide sucré finit de me réchauffer et je m’enfonce davantage sur mon fauteuil.

— Allez, au boulot maintenant. Il va pas se faire tout seul !

Avec le tumulte des émotions qui m’ont envahi cette semaine, j’ai pris un peu de retard sur les différents dossiers. Je n’arrive pas à croire qu’une simple invitation a suffi à me déstabiliser à ce point. J’ai fait des progrès ces cinq dernières années pourtant. Il faut croire que ce n’est pas encore assez.

Après, ton plus gros progrès consiste à mettre la tête sous la table, alors…

Des détails. Ma conscience passe son temps à s’arrêter sur des détails.

J’ouvre ma boîte mail et constate que je n’ai pas encore répondu à la jeune influenceuse qui m’a contacté pour me faire part de son projet. Elle recherche un petit appartement dans Brooklyn afin de prendre son indépendance et poursuivre son activité sans déranger le reste de sa famille. J’ai justement quelques biens qui correspondent à ses attentes, alors il faut absolument que j’organise une rencontre avant que cette potentielle future cliente me passe sous le nez. Je retrousse mes manches et commence à rédiger une réponse. Des bruits de pas et des éclats de rire se font entendre dans le couloir, signe que mes collègues commencent à arriver. Nobu et Alice passent d’ailleurs une tête dans mon bureau pour me saluer. Je leur réponds chaleureusement, sans pour autant quitter mon écran. Alors que je termine mon message, une tornade s’engouffre dans la pièce. Joyceline se laisse choir sur sa chaise, le souffle court. Face à sa mine dépitée, je lui tends un trésor qui saura la réconforter.

— Oh, mon dieu, c’est un oat latte ?

— Macadamia caramélisé, comme toujours m’dame !

— T’es une putain de déesse, Lia, tu le sais, ça ?

Ma meilleure amie s’empare de sa boisson favorite et la porte à ses lèvres comme si cela faisait une éternité qu’elle n’en avait pas bu. Je me mords la lèvre pour ne pas rire, sachant que je lui en apporte un tous les jours.

— T’es sur quoi, ce matin ? m’interroge-t-elle pendant qu’elle farfouille dans son sac. Mais sérieux, où est-ce que je l’ai mis ?

— Qu’est-ce que tu cherches ?

— Mon anticernes… Ah, le voilà !

Joyce agite entre les écrans de nos deux ordinateurs son précieux, un sourire victorieux sur le visage. Je pouffe.

— Je ne comprendrai jamais pourquoi tu ne te maquilles pas chez toi.

La stupeur éclaire son regard.

— Mais comment tu veux que je fasse ? Tu veux que je sois encore plus en retard, c’est ça ? m’accuse-t-elle avec son mélodramatisme habituel.

Je lève les yeux au ciel.

— C’est pas si compliqué d’arriver à l’heure, tu sais ? Il suffit, une idée comme ça, de se lever plus tôt par exemple…

— Gnagnagna, il suffit de se lever plus tôt, réplique-t-elle, je te signale qu’on n’a pas tous la chance d’habiter à cinq minutes à pieds de son lieu de travail !

Ce n’est pas faux. Dès que j’ai vu cet appartement sur le marché, j’ai su qu’il me le fallait. Pour une fois, j’ai su saisir l’occasion qui se présentait. Je crois que je n’arrêterai jamais de m’en féliciter.

— Au fait, tu mets quoi, demain soir ?

Je grimace au souvenir du guet-apens qu’elle m’a lancé il y a deux jours à propos de la soirée au Mahoney club. D’un autre côté, sachant qu’elle a tenu sa promesse et n’a plus évoqué la soirée des anciens élèves, je me vois mal ne pas respecter la mienne et refuser de l’accompagner. Depuis qu’on a laissé ce sujet de côté, un poids c’est comme envolé de ma poitrine. Il n’est donc pas question de le mettre à nouveau sur le devant de la scène. Parfois, il faut savoir faire des compromis, non ? Selon ma psy, c’est comme ça que doit se construire une relation saine. Sur des compromis.

Ouais, bah, certains ont loupé l’info, visiblement.

Et pas qu’un peu.

— Aucune idée, et toi ?

— Hm, justement, je sais pas trop… Ali m’a dit qu’il fallait qu’on soit canon ! On se prépare ensemble ?

— Tu fais ça pour que je me défile pas au dernier moment, hein ?

L’éclat de malice qui ressort de son sourire fait office de réponse.

Le reste de la matinée suit son cours. En l’absence de rendez-vous extérieur, je la passe à consulter mes mails, répertorier les différents biens disponibles sur le marché et peaufiner les demandes de crédits pour les banques. Bref, je ne chôme pas, si bien que lorsque ma ligne fixe se met à sonner, je remarque qu’il est presque midi.

— Oui, Sienna, que puis-je faire pour vous ?

— Il faudrait que tu viennes me voir Amelia. Maintenant, si possible.

— Oh, euh, d’accord. J’arrive tout de suite.

— Merci.

Dès qu’elle raccroche, je me lève et m’empare de mon téléphone au passage. Durant ma montée des escaliers, mon cœur tambourine si fort que tout le bâtiment doit être en mesure de l’entendre. Et, ça n’a rien à voir avec le fait de monter deux étages à pieds — je ne suis pas sportive, mais quand même ! — C’est juste qu’en vérité, je sais très bien ce Sienna que va me dire. Ce n’est pas à propos de mes dossiers ou de la qualité de mon travail. Pour autant, ça ne veut pas dire que je vais passer un agréable moment. Au contraire.

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93 commentaires

maddyyds

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Il y a 3 mois

Les petites pointes d'humour par-ci par-là : c'est validé 😏

Alexandra ROCH

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Il y a 3 mois

Sienna a l'air d'être un dragon. Je sens que la soirée avec Joyce ne va pas se passer comme prévu.

TammyCN

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Il y a 4 mois

Je te tiens à te féliciter car jusqu'ici j'ai vu 0 faute 👏

Lunedelivre

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Il y a 4 mois

Oh, bah c'est gentil !

Manon San nicolas

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Il y a 4 mois

Rien à dire j'adore ! Je passe vite au suivant !

Manonst

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Il y a 4 mois

Et voilà qu'elle nous fait des cachoteries

WarlockCassie

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Il y a 4 mois

Ce chapitre est passé tellement vite à mes yeux, j'ai à la fois besoin de savoir ce que manigance Joyce pour le vendredi soir, mais aussi ce que veut Sienna à Lia 🙈

Ashley_Parker

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Il y a 4 mois

Chapitre assez tendu ! L'atmosphère est électrique… Amelia est appelée par Sienna, et on voit que cela n'a rien à voir avec des affaires professionnelles. Que va-t-elle annoncer à Amelia.Bonne ou mauvaise nouvelle ? L'intrigue se densifie…🙃

Syteraa

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Il y a 4 mois

On aimerais tous avoir une Joyce dans nos vies non ? 🤣 Par contre je me demande bien ce que Sienna veut à Lia 🤔

Luana Mmdc

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Il y a 4 mois

Ooooouh le suspens de la fin 👌🏻
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