Fyctia
Joe (2)
Ses yeux passent de Coleen à moi et devant ma lividité cadavérique il comprend qu’il est démasqué.
Son visage traduit tellement d’émotions que mes jambes me portent à peine.
Colère, honte, culpabilité, je ne sais sur laquelle m’attarder, chacune me donnant un coup de poignard dans un cœur déjà à l’agonie.
Je ne leur laisserai pas ce plaisir de voir mes larmes couler et hèle un taxi qui passe et s’arrête pile devant moi.
Je me jette dedans avec toute l’énergie qu’il me reste et me refuse d’entendre la voix de Matthew qui hurle mon nom derrière moi alors que le taxi s’éloigne.
J’ai dû donner mon adresse au chauffeur sans vraiment m’en rendre compte car en quelques minutes je me retrouve devant mon appartement. Je règle la course et rentre me réfugier chez moi. Je refuse encore une fois l’appel de Matthew qui n’a cessé de tenter de me joindre et efface ses messages sans les lire. J’en envoie un à Ted et Jane pour les prévenir que je ne me sens pas bien et que je suis rentrée chez moi puis je coupe mon téléphone.
Je me rends bien compte que ma réaction peut paraître excessive mais je me sens vidée. Incapable de lutter ou de démêler le vrai du faux.
J’ai besoin de prendre de la distance. Je m’installe dans mon canapé et m’enroule dans une couverture. Je ressasse les paroles de Coleen et finis par m’assoupir, exténuée par ce qu’il vient de se passer.
La sonnette de l’entrée et des coups donnés à la porte me réveillent en sursaut. Tout me revient à l’esprit en un millième de seconde et je ne suis pas surprise d’entendre Matthew derrière la porte.
— Joe, ouvre il faut qu’on parle.
Je ne suis pas prête à le voir, je pose ma main sur la porte et ressens les vibrations des coups qu’il y porte mais ne l’ouvre pas.
— Je t’en prie Matthew, n’insiste pas.
Il cesse aussitôt d’asséner ses coups, j’entends presque la tension dans sa respiration.
— Laisse-moi entrer, il faut que je t’explique.
— Tu avais tout loisir de le faire ces derniers jours quand tu refusais de prendre mes appels…
Ma voix est amère, pleine de reproche.
— Je sais, j’ai fait n’importe quoi, mais ouvre moi.
Je ferme les yeux, je sens les larmes monter de nouveaux, le cœur pris dans un étau je ne supporterai pas de le voir maintenant, je ne veux pas craquer devant lui, les nerfs à vif.
— Pas maintenant…je t’en prie.
Je n’ai pas pu réprimer les vibratos dans ma voix. Il semble les avoir perçus car, résigné, il reprend la parole.
— Je comprends… appelle-moi quand tu seras prête.
Devant mon silence, il se décide à partir. J’aperçois sa silhouette par la fenêtre, il se passe la main dans les cheveux, signe familier de son malaise.
Je me fais couler un café et retourne m’asseoir dans le salon. Le breuvage me sort de ma léthargie et me permet de remettre mes idées au clair, enfin, en tout cas d’être un peu plus rationnelle. Il me doit des explications et je vais lui donner l’occasion de m’en donner. Alors que j’essaie de me convaincre de cette décision, j’entends la sonnette de l’immeuble retentir de nouveau. Lasse de son insistance je me dirige vers l’entrée et appuie sur l’interphone.
— Je t’ai demandé de me laisser du temps…
— Euhh…c’est Jane !
— Je t’ouvre !
J’appuie sur le bouton pour déclencher l’ouverture, j’ouvre la porte de mon appartement et l’attends dans l’entrée. Elle s’approche avec un sac de nourriture à emporter mais s’arrête net en voyant ma tête.
— T’as bien fait de ne pas venir bosser, t’as vraiment une sale tête, c’est pas contagieux au moins ?
— Non pas que je sache, vas-y, entre !
— Ton téléphone doit être HS, je n’ai pas réussi à te joindre de l’après-midi, du coup je nous ai pris de quoi manger et je suis venue voir comment ça allait.
Elle me suit dans le salon et s’installe en face de moi dans un fauteuil.
— Désolée, j’avais coupé mon téléphone…
— Ok, c’est quoi le problème ?
L’avantage avec une amie de si longue date c’est qu’on n’a pas besoin de longs discours pour qu’elle comprenne que ce n’est pas le corps qui a besoin de soins mais l’âme et le cœur. Je lui relate ma rencontre avec Coleen, sa révélation et l’attitude de Matthew. Elle est à présent assise près de moi et me frotte doucement l’épaule pour me réconforter.
— Si ça se trouve elle t’a dit n’importe quoi !
— Je ne sais pas…
— Le mieux c’est de voir ce qu’il a à te dire !
— Oui, je ne me sentais pas capable de l’écouter tout à l’heure mais plus j’y pense plus j’ai besoin d’explications.
Elle se penche pour saisir mon portable sur la table basse et me le tend.
— Fixe-lui un rendez-vous pour tirer les choses au clair. Tu ne peux pas rester comme ça, tu as une tête de déterrée !
— Merci !
Sa remarque désobligeante me redonne le sourire. J’allume mon portable et je suis assiégée par les alertes d’appels manqués et de messages non lus.
Hormis deux de Jane, les autres sont tous de Matthew. Je lui envoie un message pour lui proposer un rendez-vous le lendemain soir dans un endroit neutre. Sa réponse est immédiate. Il accepte et me remercie de lui donner une chance de s’expliquer.
Il s’excuse et dit avoir hâte de me revoir. J’apprécie la chaleur qu’il a tenté de mettre dans ce message et cela me rassure dans ma décision de le revoir.
Rassérénée par la venue de mon amie et par la perspective de démêler cette histoire nous nous installons pour partager le repas. Après le départ de Jane je me glisse dans mon lit et sombre dans un sommeil agité, hanté par mes fantômes du passé.
5 commentaires
ÉmilieC28
-
Il y a 3 ans
Jess Swann
-
Il y a 3 ans
KBrusop
-
Il y a 3 ans