Fyctia

— Ça fait longtemps que vous vous connaissez ?

— Quelques semaines… dis-je évasivement.

Dan est un garçon peut-être un peu délirant, voir indiscret mais sympathique. Il m’a tout de suite fait une bonne impression.

— Et que vous êtes ensemble ?

— On n’est pas… on est juste…

— Amis ?

Mon hochement de tête le fait éclater de rire. Je secoue la tête devant son hilarité, ne pouvant masquer mon sourire.

— Mais bien sûr…admettons, dit-il en reprenant son sérieux. Je ne te connais pas mais lui oui et je mettrais ma main à couper qu’il n’a jamais regardé une « amie » comme ça avant.

— Il fait sombre, tu ne vois peut-être pas clair…dis-je avec légèreté.

— Il y a une façon d’en être sûr…

Je le regarde intriguée, je ne sais s’il est sérieux ou s’il bluffe mais je ne suis pas certaine de vouloir qu’il aille au bout de sa démonstration.

— Si je suis dans le vrai je ne lui laisse pas dix secondes pour venir nous interrompre.

— Je suis curieuse de savoir ce que tu vas faire pour qu’il ait cette réaction.

A son sourire coquin je sais déjà que sa proposition ne va pas me plaire.

— Disons que si je place mes mains de façon stratégique…

Je ne peux réprimer mon éclat de rire devant le clin d’oeil qu’il me fait et son sourire aguicheur.

— Mais bien sûr, alors tu es en train de m’extorquer mon accord pour me peloter les fesses sous prétexte d’une démonstration totalement délirante…

— Je n’avais pas pensé aux fesses mais j’apprécie ton enthousiasme.

— Hey, dis-je avec humour en lui assénant une tape sur l’épaule.

— Non sérieusement, ajoute-t-il en me fixant du regard, si j’ai le malheur de placer ma main sur ta peau sur le bas de tes reins, en tout bien tout honneur bien sûr, je ne lui donne pas dix secondes avant qu’il ne vienne nous rejoindre.

Il est d’un coup plus sérieux, il n’est plus vraiment question de plaisanter. Sa proposition m’intrigue, me tiraille, fait son chemin dans mon esprit.

— Qu’est-ce que tu risques ?

Rien, effectivement. Je me laisse tenter par le jeu d’un hochement de tête. A ce signal je sens sa main descendre le long de mon dos, lentement. Même si je sais d’avance que ce n’est qu’un jeu, idiot et puéril je vous l’accorde, je sens mon corps se tendre. Ses doigts s’approchent de la lisière de dentelle de mon haut. Je n’ose le regarder, je n’aime pas cette sensation et la chaleur de sa peau sur la mienne. Sa main est dorénavant à l’emplacement voulu mais me laisse une impression désagréable.

— Pas très convaincant, dis-je avec amertume pressée de mettre fin à ce calvaire que je me suis laissé imposer.

— …trois, deux, un…

J’ai à peine le temps d’interpréter ses trois derniers mots qu’une main se pose sur mon épaule.

Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir que c’est lui. L’air satisfait de Dan peut déjà me mettre sur la voie mais je me plais à croire que c’est surtout la douce chaleur familière que je ressens lorsqu’il me touche.

— Je peux ?

Dan répond à Matt d’un signe de tête et m’adresse un clin d’oeil lourd de sens avant de s’éloigner et accoster une jeune femme assise avec des amies sur une banquette. Mon cavalier se met devant moi, sa main descend le long de mon bras pour se loger sur ma hanche tandis que l’autre trouve sa place dans le haut de mon dos. Je pose les miennes sur ses épaules et ose enfin le regarder dans les yeux.

— Désolé, Dan peut se montrer…entreprenant…

Il ne fait aucun doute que Matthew fait allusion au geste aventureux de son ami et étrangement je suis touchée qu’il l’ait remarqué et que ce geste l’ait fait réagir.

— Il est surprenant, très sympa et il t’est loyale… je l’aime bien.

Son regard me déstabilise. Son intensité me trouble et je crois y déceler une pointe de jalousie injustifiée l’espace d’une fraction de seconde.

Je ne peux réprimer le besoin de le rassurer en supprimant l’espace laissé entre nous. L’étreinte de ses mains se referme sur moi dans un geste presque familier. Sa main sur ma hanche s’est naturellement placée où se trouvait celle de Dan il y a quelques instants.

Un frisson me parcourt mais cela n’a rien à voir avec l’impression dérangeante que m’avait laissé ce geste lorsqu’il s’agissait de son ami.

Sa chaleur est rassurante et je ne peux refréner les battements de mon cœur qui s’emballent. Nos visages se sont rapprochés, son menton calé près de mon front. Je ferme les yeux et respire son odeur, la laisse m’envahir, m’apaiser à son tour.

Je ne m’en rends compte que maintenant mais elle m’est tellement familière qu’elle en est presque intime. J’ai baissé ma garde plus d’une fois avec lui et d’inhaler son odeur m’en rappelle chaque instant, comme le marquage olfactif de moments précieux.

Ni l’un ni l’autre ne prononçons une parole pendant un moment, nos corps en mouvement, au rythme des musiques qui s’enchaînent. Son visage qui s’écarte du mien me ramène à la réalité et me rappelle où nous sommes. Je lève les yeux sur lui et comprends qu’il observe le couple à nos côtés, ses sourcils se froncent et son air protecteur m’indique qu’il n’est pas ravi de ce qu’il voit. Sa nièce et le jeune homme qui l’a invité s’échangent leur premier baiser. Rien d’extravagant, juste un baiser.

— Laisse-les, ils sont jeunes…et qui n’a pas embrassé un garçon en boîte sans vraiment le connaître…

— Moi…

A son air joueur je vois qu’il se moque de moi. Je penche la tête sur le côté avant de reprendre la parole.

— Je crois qu’on serait mal venus de leur jeter la première pierre.

Son sourire ravageur me désarme. Il jette un dernier coup d’œil sur le couple en devenir (ou pas !) en secouant la tête et reporte son attention sur moi.

— Tu vas m’expliquer cette histoire de tarte aux fraises ?