Fyctia

En fouillant un peu je dégote un pantalon slim huilé noir et un chemisier à col froufrou blanc sans manche avec certes un décolleté en V qui devrait mettre en valeur sa poitrine mais de façon nettement moins ostentatoire que celui de sa robe. A son air dubitatif je réponds :

— Je ne sais pas comment sont les boites en Angleterre aujourd’hui mais je peux te garantir que mettre une jupe c’est la main baladeuse assurée et je ne suis pas sûre que tu ais vraiment envie de ça pour ta première virée en boite. Le slim va mettre en valeur tes longues jambes.

— Ok mais le chemisier blanc, c’est un peu basic non ?

— Fait moi confiance, c’est pour les lumières ultraviolettes…

Là pour le coup, je vois bien qu’elle ne comprend pas.

— Dans le noir, en boîte de nuit, certaines lumières font ressortir les vêtements blancs, on ne verra que toi…

Elle se saisit des vêtements, enlève sa robe et les enfile rapidement. A en croire le sourire qu’elle affiche face à son reflet j’en déduis qu’elle adhère à ma proposition.

— Maintenant la coiffure, dis-je voyant l’heure tourner.

Je regarde dans la trousse de maquillage et en sors une brosse, un donut, un élastique et quelques épingles.

— Comme tu as un port de tête de danseuse, j’ai pensé qu’on pourrait faire un chignon, pour le mettre en valeur et surtout tu auras moins chaud ?

— Oui pourquoi pas !

J’ai bien l’impression qu’elle commence réellement à prendre goût à notre relooking improvisé. Elle se saisit de la brosse et je l’aide à confectionner sa coiffure.

— Enfin, le maquillage. Tu n’as pas besoin d’en faire trop. Tu as de très jolis yeux et une bouche pulpeuse mais pour bien faire il vaut mieux mettre un de tes atouts en avant sinon ça fait too much. Je partirais plutôt sur les yeux mais moins charbonneux…on peut essayer ?

— Je veux bien… me dit-elle presque intimidée.

Je m’attelle à la tâche, reprenant un fond de teint plus naturel et un peu de blush. Elle a les yeux marron, sombres, je les éclaire d’un phare à paupière lumineux et les assombris sur les ailes de prune rehaussées d’un coup de crayon noir. J’applique le mascara pour allonger ses cils de biche. Je m’écarte légèrement et observe le résultat. J’avoue que je suis assez satisfaite de ce que j’ai fait. Ça me rappelle nos séances de maquillage avec ma sœur. Je trouve un gloss que je pose au pinceau. Le résultat est ravissant.

— Verdict ?

Elle se lève et s’approche de son miroir, elle s’ausculte, se dévisage. J’attends avec impatiente son avis.

— J’adore !! me dit-elle en me serrant dans ses bras. Merci, merci, merci. Tu crois que papa sera d’accord ?

— J’espère bien…

Je lui fais un sourire d’encouragement mais je n’en mène pas large. Je ne connais pas suffisamment Aaron pour prévoir sa réaction. Elle farfouille dans sa boite à bijoux et met des clous en strass discrets après me les avoir montrés.

— Prête ?

Elle secoue la tête dans un signe d’assentiment mais je crois qu’elle appréhende de faire face à son père après ce qu’elle lui a dit.

— Tu sais parfois il suffit simplement de s’excuser…je vais descendre avant toi pour préparer le terrain, tu me laisses deux minutes.

Elle acquiesce et je me dirige vers la porte. Avant de sortir je jette un regard dans sa direction.

Elle est de nouveau devant son miroir, vraisemblablement elle apprécie la transformation.

Je rejoins le salon où je retrouve Matt, sa soeur et son beau-frère installés dans les canapés. Ce dernier m’interroge du regard en me voyant.

— On a trouvé une sorte de compromis…

Je m’installe près de Matt, qui m’observe intrigué.

— Elle appréhende un peu de descendre…elle s’est montrée raisonnable… mais je ne lui ai rien promis, loin de moi l’idée d’influencer votre décision.

— Je…

Aaron n’a pas le temps de se prononcer qu’Ashley amorce sa descente. Tous les yeux sont rivés sur elle. Je la regarde et lui fais un sourire d’encouragement. L’ambiance est pesante, nous sommes tous dans l’attente de la réaction d’Aaron qui s’est levé alors que sa fille lui fait face.

— Tourne-toi, lui dit-il l’air impassible en faisant un geste de la main.

Sa fille obtempère, fait un tour complet sur elle-même, le regard perdu, n’osant respirer tant elle appréhende la décision de son père. Je ne m’en étais pas rendu compte mais je retiens moi aussi mon souffle. A en croire l’expression sur le visage de Matt il n’est pas non plus certain du dénouement de la situation.

— Tu es très jolie ma chérie, finit par lâcher Aaron, faisant éclater la joie de sa fille et mon soulagement.

Jessy m’adresse un sourire et me fait un signe de tête que je prends pour un merci tandis qu’Ashley sert son père dans ses bras et lui murmure à l’oreille un « pardon papa» à peine perceptible.

Je surprends le regard de Matt. Dans son regard une sorte de fascination qui me déstabilise. Je me sens intimidée par l’intensité de son regard que je ne peux soutenir.

— Je peux y aller alors ?

— Oui mais pas de bêtise, d’accord ? Et je compte sur toi Matt pour veiller au grain.

— Oui chef, dit ce dernier avec un salut militaire.

Je suis soulagée que tout s’arrange. Matthew qui s’est rapproché de moi se penche pour me susurrer à l’oreille.

— Tu as fait comment ?

Il est toujours posté près de moi, dans l’attente de ma réponse. Je souris en observant Aaron et Jessy parler à leur fille et lui donner les recommandations d’usage.

— On a parlé pâtisseries…lui dis-je avec un clin d’oeil en haussant une épaule.

Ma réponse l’intrigue mais il n’a pas le temps de m’en demander d’avantage car Ashley m’interpelle.

— Joe, il faut que tu te changes aussi !

Du coup, tout le monde me déshabille du regard, moi la première. Je porte un jean ajusté, mes Reebok blanches, un pull fin bleu pastel. Je réfléchis à toute vitesse, me rappelant ce que je porte dessous, un débardeur blanc à fines bretelles plutôt échancré que je ne suis pas sûre de vouloir mettre à la vue de tous. Je me fais à l’idée de conserver mon pull toute la soirée quitte à mourir de chaud et secoue la tête à l’attention d’Ashley.

— Non ça va aller je t’assure…

Elle semble réfléchir et son regard s’illumine…

— On dirait un scone nature…vraiment c’est pas possible, me dit-elle avec sourire.

— Ashley ! la reprend sa mère.

— Non ce n’est rien, c’est une plaisanterie entre nous.

Matthew m’observe, je me détourne de son regard intrigué et me résigne à suivre la jeune fille dans sa chambre en espérant échapper à un relooking total.