Fyctia

Jessy me sert un café en attendant qu’Ashley se décide sur sa tenue, je crois que je vais bien en avoir besoin pour tenir la distance.

Je ne me rappelle pas la dernière fois où je suis sortie en boîte de nuit. Si ça ne remonte pas à huit ans, je ne dois pas être loin du compte.

Nous nous sommes connu en troisième année de fac avec Marc, nous étions dans les mêmes groupes de TD en économie et j’étais tombée sous son charme.

Nous avions bien profité de nos années d’étudiants et des sorties mais après nos diplômes, nous nous sommes rapidement installés ensemble lorsqu’il a obtenu son premier contrat.

Nous étions heureux, avions les mêmes ambitions, les mêmes programmes de vie : être stables professionnellement, acheter une maison, se marier, fonder une famille, pas forcément dans cet ordre mais la base était là.

Malheureusement le destin en a décidé autrement, ce qui explique peut-être pourquoi j’ai du mal aujourd’hui à me projeter et à considérer les choses comme acquises.

Je ne peux m’empêcher de jeter un coup d’œil à Matthew. Aaron et lui discutent sur la terrasse d’un projet de maison d’architecte pour l’un des associés de son cabinet d’avocat avec lequel il veut le mettre en relation.

Matt est en mode professionnel, plein d’assurance et outrageusement sexy. Il doit sentir que je l’observe car il relève les yeux sur moi.

Prise en faute je dois virer au rouge écarlate et m’empresse de répondre à Jessy qui vient de me poser une question.

Tout en tachant de suivre le fil de la conversation je me souris à moi-même, on n’a pas besoin de faire des projets d’avenir pour être heureux, il faut simplement profiter du moment présent, carpe diem, si je me souviens bien le mantra d’un film de mon enfance.

— Ça y est, je suis prête, claironne Ashley en descendant les marches.

Je me retourne en voyant l’air ahuri de Jessy qui regarde sa fille, bouche bée.

Et il y a de quoi. La très jeune femme porte une robe seconde peau noire dans une matière imitation cuire.

Je me demande en la voyant si elle ne l’a pas mise derrière-devant tant le décolleté est échancré mais à mon grand damne, et à celui de sa mère si j’en juge son aire effaré, je constate que ce n’est pas le cas lorsqu’elle virevolte sur elle-même pour nous montrer l’ensemble de sa tenue et nous dévoile un décolleté plongeant dans le dos.

Avec sa longue chevelure brune étalée en vagues sur ses épaules, cette tenue provocante et son maquillage ombrageux, smoky eyes, lèvres pulpeuses rouges sanguines, pommette seyantes, on ne sera pas assez de trois adultes pour la protéger d’une horde de jeunes hommes en rut.

— Alors ? dit l’intéressée ravie de son effet.

— Aaron ??? lance Jessy pour attirer l’attention de son mari.

Les deux hommes reviennent dans la maison mais stoppent net sur le palier. Aaron manque de faire une attaque devant la vision de sa fille, transformée, on peut le dire en une jeune femme de peu de vertus.

— Où crois-tu aller accoutrée comme ça ? lui lance-t-il après avoir repris des couleurs.

— Mais tout le monde s’habille comme ça pour aller en boîte…

— Ah non surement pas et toi encore moins, on dirait, on dirait… tu montes te changer ou tu restes ici, finit-il par lâcher pour ne pas prononcer des mots qu’il regretterait.

Ashley, au bord des larmes, tente un regard vers sa mère, qui secoue la tête fermement mettant un terme à tout espoir de soutient.

— Je te déteste, dit-elle alors à son père en se précipitant dans les escaliers pour monter se réfugier dans sa chambre, les larmes traçant des traînées noires le long de ses joues.

Matt et moi restons interdits face à cette situation, Jessy pose une main réconfortante sur l’épaule de son mari qui ne quitte pas des yeux la cage d’escaliers, tiraillé entre l’envie de la punir et de la consoler.

— Elle ne peut tout de même pas sortir comme ça ! se rassure-t-il en demandant l’assentiment à sa femme.

— Tu as bien fait, ne t’inquiètes pas, elle ne le pensait pas…elle va bien retrouver la raison…

— Je peux monter lui parler ?

Mon intervention les surprend un peu mais Jessy me fait un signe de tête pour m’encourager.