Fyctia

Je me suis réveillée plus sereine ce matin, la nuit a été calme et reposante, aucune ombre au tableau.

Je suis d’excellente humeur et je m’empresse de me préparer et me hâte pour sortir de mon appartement et rejoindre les filles à Soho.

C’est aujourd’hui qu’a lieu l’anniversaire de Lily et nous allons partir en quête d’un cadeau pour la petite fille de 5 ans.

Matthew était désolé de ne pouvoir m’accompagner mais je lui ai assuré que les filles s’en donneraient à cœur joie. Il doit repasser à son bureau ce matin pour y déposer des dossiers, traiter les quelques messages en retard des suites de son absence et finaliser une affaire urgente. Nous devons nous retrouver en début d’après-midi en ville pour rejoindre la fête familiale.

Même si je connais la plupart des membres de cette famille et que l’accueil qu’ils m’ont réservé était plus que chaleureux j’appréhende tout de même cette nouvelle rencontre.

Je vais en effet faire la connaissance des parents de Matthew qui n’étaient pas présents lors du pique-nique. Ce n’est pas tant qu’ils m’impressionnent, je ne suis plus une adolescente et à la description que Matt m’en a faite, ils semblent être des personnes adorables.

J’ai surtout cette crainte de ne pas être à ma place dans cette réunion de famille. J’ai peur qu’ils se méprennent sur la nature de notre relation.

Je ne suis pas sûre de le savoir moi-même. Nous sommes amis, je crois que je peux l’assurer. Est-ce qu’il veut qu’on devienne d’avantage ? Certains gestes, certains regards me laissent à penser que oui. Mais ne suis-je pas bernée par mes propres désirs.

J’avoue que l’idée a fait du chemin dans mon esprit. Là où mon corps a déjà compris l’attirance que j’ai pour lui, je ne peux empêcher ma tête d’imaginer l’hypothèse (elle prend des pincettes quand même) de voir en lui plus qu’un ami.

Cette résolution à aller de l’avant, en dépit des peurs intimes qui subsistent, fait apparaître sur mes lèvres un sourire déterminé.

Voyant s’annoncer mon arrêt de métro je me lève et m’engage vers la sortie de la rame. Le soleil qui m’éblouit annonce une journée radieuse et fait écho à mon humeur joviale.

Mes amies m’attendent à quelques pas et me font signe en s’approchant.

— Ouah tu m’as bien l’air enjoué.

— Oui c’est le weekend, il fait un temps magnifique, et je vais faire les boutiques avec mes meilleures amies…

— Mais bien sûre, me répond Jane, dis surtout que tu vas revoir le beau Matthew.

Je me rends seulement compte que mes deux amies, même si elles essaient de donner le change, n’ont pas l’air tout à fait dans leur assiette. Jane a les traits tirés, des cernes sous les yeux et j’ai beau chercher, aucune touche d’excentricité à la ronde. Quant à Wendy son sourire a du mal à masquer une certaine morosité.

— D’accord, alors vous ça va pas fort ! Aller, on va aller s’asseoir prendre un café et vous allez me raconter tout ça.

J’en prends une à chaque bras et nous avançons toutes trois vers le premier café du coin sous l’œil incrédule de mes amies.

— Et le cadeau ? me dit Wendy.

— Ne t’inquiète pas, on a tout le temps d’y aller après. Et puis de toute façon, là tout de suite vous n’êtes pas dans l’état d’esprit qu’il faut pour aller dans un magasin de jouets, je me trompe ?

Wendy me fait un faible sourire en coin et Jane ne daigne même pas relever les yeux sur moi.

Nous rentrons dans le café, passons commande avant de nous installer à une table près de la fenêtre.

— Bon par qui on commence…

— Moi je suis juste mal lunée, nous dit Wendy en s’appuyant sur le dossier de sa chaise et en croisant les bras sur sa poitrine.

— D’accord, dis-je lentement en plissant les yeux, dubitative, puis je porte mon attention sur Jane.

— Et toi, c’est quoi ton excuse ?

— Rien, c’est juste…Ted ! Je crois qu’il avait raison.

— Comment ça ?

— Et bien, depuis qu’on s’est embrassés, rien n’est plus pareil au boulot, répond-elle à Wendy qui s’est avancé dans une attitude plus ouverte.

— Oui j’ai remarqué…mais je ne vois pas en quoi il avait raison, lui dis-je.

— Il ne voulait pas qu’on entame une relation parce qu’il craignait l’impact que ça pourrait avoir sur nos relations de travail et sur l’efficacité de l’équipe. Depuis que c’est arrivé, je dors mal, je suis fatiguée, irritable. Je suis tellement mal à l’aise face à cette situation que j’évite tout contact avec lui… ça ne peut pas durer.

— Je te confirme, dis-je avec amusement bien décidée à conserver ma bonne humeur. Il faut que vous ayez une franche discussion.

— Non je pensais plutôt quitter la boîte.

— Quoi ?! mais tu plaisantes…

Je ne m’attendais tellement pas à sa réponse que j’en suis restée bouche bée. Wendy a été plus prompte à réagir.

— C’est n’importe quoi ! ça va changer quoi que tu partes ?

— J’y ai longuement réfléchit, ça aide de ne pas dormir… si la seule chose qui nous empêche d’être ensemble c’est qu’il soit mon patron alors je veux bien prendre le risque et tenter ma chance avec lui tout en travaillant ailleurs. Par contre si ce n’est qu’une fausse excuse alors je préfère démissionner plutôt que de le voir tous les jours et ne plus pouvoir me concentrer, c’est devenu ingérable et tellement gênant…

Nous nous regardons avec Wendy, incrédules. Elle hausse les épaules à court d’arguments me passant le relais d’un signe de tête en direction de Jane qui garde les yeux fixés sur sa tasse en touillant son thé d’un geste mécanique.

— Tu ne peux pas faire ça, tu as travaillé dur pour avoir ce poste et tu es un pilier de la boîte, tu le regretterais. Ça va s’arranger tu vas voir, il faut simplement que vous parliez tous les deux et que vous mettiez les choses à plat…

— Mmm…

— Promets-moi de patienter encore et de ne rien faire d’irréversible avant de m’en parler ! j’appuie mes dires en posant ma main sur son bras pour attirer son attention.

— D’accord, me dit-elle légèrement accablée.

— D’accord, dis-je en écho à mon amie qui finit par me sourire d’un air reconnaissant. Et maintenant à nous, Miss « mal lunée », dis-je en faisant un clin d’œil à Jane avant de me tourner vers Wendy.