Fyctia
Joe
Une semaine. Ça fait presque une semaine qu’il s’est absenté.
Il a tenu sa promesse, il m’a appelé lorsqu’il n’était pas pris par un repas d’affaire ou un rendez-vous.
On a beaucoup parlé. De son travail, de sa famille, de la mienne.
On a beaucoup ri aussi. J’aime son sens de l’humour.
Nos conversations m’ont fait ressentir plus vivement le vide créé par son absence.
Il s’est intensifié lorsque mon frère est reparti même si Alex a rallongé son séjour chez moi.
Je ne suis pas dupe. Je sais que maman l’a envoyé pour s’assurer que j’allais bien et pour lever certains mystères. Il est reparti mardi, laissant mon appartement en champ de bataille et me donnant de quoi m’occuper. Il a bien tenté de me soutirer quelques informations mais comme il n’y avait rien à révéler il s’en est allé, bredouille.
Enfin presque, mon placard s’est trouvé soulagé de deux tee-shirts et j’ai retrouvé quelques vestiges de sa visite dans ma panière à linge sale, au moins ce sera ça de moins à acheter pour sa prochaine visite.
Matthew rentre ce soir assez tard et pendant deux jours il était à des conférences suivies de cocktails.
Cela fait trois jours que nous ne nous sommes pas parlé et la nuit dernière j’ai de nouveau cauchemardé. Ce n’est qu’en me réveillant en sursaut, transie de sueurs froides, que je me suis rendu compte que ça ne m’était plus arrivé depuis qu’il m’avait tenu dans ses bras la nuit où je lui avais demandé de rester.
Des flash-back de mon cauchemar me reviennent et j’en frisonne. Ce n’est pas tant de revoir Marc dans son cercueil le jour de l’enterrement qui me trouble, malheureusement j’y suis habituée, mais le fait que ce soit le visage de Matthew que j’y ai vu.
Je remonte le plaid sur moi pour apaiser le froid qui m’envahit. Je suis sur mon canapé, devant l’écran de télévision qui diffuse une série que j’ai déjà vu et à laquelle je ne prête pas attention.
Il est déjà tard mais je n’ai pas envie d’aller me coucher. J’appréhende de fermer les yeux. Nous nous sommes beaucoup rapprochés depuis notre rencontre qui s’est faite sur les chapeaux de roue et il ne faut pas être Freud pour comprendre que je tiens à lui plus que je ne veux bien me l’avouer.
Un signal sonore m’indique que je viens de recevoir un message sur mon portable. Je m’en saisis et la chaleur m’envahit de nouveau lorsque je reconnais l’émetteur.
Je regarde l’heure sur mon portable, il est bientôt minuit, un vendredi soir, je pourrais être de sortie mais je n’avais pas le cœur à ça.
Je vois sur le fil de discussion qu’il tape sa réponse qui s’affiche presque instantanément.
Mon coeur manque un battement et je me sens rougir. Bien sûr que je veux qu’il m’appelle mais je ne lui laisse pas le temps de le faire en prenant les devants.
— Salut…dit-il en répondant aussitôt. Sa voix suave et le sourire que je décèle me réchauffent immédiatement.
— Salut, dis-je presque intimidée et regrettant d’avoir été aussi prompte à l’appeler révélant ainsi mon empressement. Ton voyage s’est bien passé ?
Je m’installe confortablement dans mon canapé, coocoonée dans ma couverture.
— Oui mais je suis épuisé. Tu ne dormais pas ?
— Non, je…j’allais y aller, dis-je dans un souffle.
Je ferme les yeux pour réprimer les frissons qui parcourent mon corps ravivés par l’appréhension de revivre mon cauchemar. J’ose espérer qu’il n’a pas senti le trouble dans ma voix mais c’est sans compter sur son intuition.
— Ça va ?
— Oui, je crois que je suis moi aussi un peu fatiguée.
Après un silence qui me semble durer une éternité, il reprend la parole mais son intonation a changé. Son sourire a disparu et je ressens une certaine inquiétude dans sa voix.
— Ecoute Joe, je sais qu’on ne se connait pas depuis très longtemps mais j’ai vraiment le sentiment que quelque chose ne va pas… c’est peut être la fatigue, la tienne, la mienne, mais dis moi si je me trompe…
— Je… j’ai fait un cauchemar.
— Tu veux en parler ou une épaule confortable ?
— Ni l’un ni l’autre, dis-je avec un sourire, mais si tu n’es pas trop fatigué, on peut, peut-être parler un peu avant que je ne m’endorme.
— Avec plaisir…
Sa voix chaude et rassurante me met du baume au cœur. Après avoir éteint la télé et plié grossièrement la couverture je me dirige vers ma chambre et me glisse dans mon lit, bercée par ses paroles.
Pendant un quart d’heure nous parlons de tout et de rien et, épuisés comme nous le sommes, le sommeil se fait sentir.
— Merci de m’avoir appelé, ça m’a fait du bien de te parler.
— Techniquement c’est toi qui m’as appelé…
— C’est vrai, je te l’accorde, mais d’ailleurs tu voulais me demander quelque chose ?
— Non, je voulais juste entendre ta voix.
Je m’emmitoufle d’avantage dans mes couvertures qui me donnent l’illusion d’être enlacée par les bras réconfortants d’un homme, de cet homme qui en une phrase sait rendre à mon corps toute la chaleur qui lui manquait tant. Comment peut-il en quelques mots me chambouler de la sorte.
— Bonne nuit Matthew, dis-je dans un murmure.
— Bonne nuit Joséphine.
Après avoir raccroché, je ferme les yeux, un léger sourire aux lèvres et me laisse envahir doucement par le sommeil qui me gagne.
12 commentaires
ÉmilieC28
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Il y a 3 ans
Jess Swann
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Il y a 3 ans