Fyctia

Elle fait face à la fenêtre et observe la vie qui s’anime dans la rue, ses deux mains portant à ses lèvres un mug de café chaud dont une petite volute de fumée s’échappe.

Je reste suspendu à cette vision de ses lèvres tentantes qui troublent mon sommeil d'une douce tourmente depuis notre rencontre. Je me ressaisis et avance d'un pas.

Mon arrivée dans la pièce interrompe sa contemplation et son visage se tourne vers moi et un adorable sourire s'y dessine. J’aime ce regard de ses grands yeux gris insondables, comme s’il n’était fait que pour moi.

Elle pose son café et attrape un deuxième mug, y verse de l’eau chaude et ajoute un sachet de thé. Je m’approche pour le saisir et touche délibérément ses doigts en attrapant la tasse.

Décidément mes bonnes résolutions ont été de courte durée mais apercevoir le trouble dans son regard et voir cette si jolie coloration apparaître sur ses joues en valait la peine.

— Tu veux peut-être manger quelque chose ? Je dois avoir quelques biscuits ou du pain.

La précipitation dans sa voix traduit son trouble et le désire naissant que mon regard brûlant fait naître en elle. Je dois éteindre ce feu pour ne pas tout gâcher et me reprends d'un air qui se veut détaché.

— Non merci, un thé c’est parfait, et il faut que je repasse chez moi avant d’aller au bureau.

Elle acquiesce et s’appuie contre le plan de travail qui lui sert de table et me regarde d’un air intrigué.

— Je ne crois pas que tu m’aies dit ce que tu faisais comme boulot…

Sa question me fait sourire tout autant que la réponse que je vais lui donner.

— J’aime les jolies choses, les jolies formes… je suis architecte.

— Tu te moques de moi…me dit-elle d’un air sceptique.

— Tu ne me crois pas ?

— Des preuves…me répond-elle dubitative.

Le sourire aux lèvres, je secoue la tête en sortant de mon portefeuille une carte de visite sur laquelle apparaît le nom du cabinet d’architecte que nous avons créé avec Jack.

Elle s’en saisit et lève les yeux au ciel devant mon air satisfait.

Je jette un coup d’œil à l’horloge derrière elle et me rends compte qu’il est grand temps que j’y aille.

— Merci pour le thé, dis-je en finissant ma tasse d’un trait manquant de me brûler. Il faut vraiment que je parte.

Elle acquiesce et me suit dans le salon pour récupérer ma veste que j’enfile rapidement. Elle m’accompagne dans l’entrée et je reste là immobile, je ne veux pas la quitter comme ça.

Je ne sais pas ce que j’attends et c’est elle qui me donne la solution.

— Je peux, me demande t’elle en me montrant alternativement son cou et le haut de ma veste.

Voyant que je ne réagis pas à sa demande elle se hisse sur la pointe des pieds et réajuste le col de ma veste.

Le contact de ses doigts fins sur ma nuque m’envoie un frisson et j’incline légèrement la tête pour lui laisser d’avantage d’espace le long de mon cou.

Je ne sais si elle s’en rend compte mais sa main semble s’attarder plus que nécessaire. La sensation de cette caresse même innocente ravive les sens de notre baiser lors de notre première rencontre et de sa main sur ma nuque lorsque nous nous embrassions.

Je rouvre les yeux que j’avais fermés inconsciemment et elle doit lire le désir dans mon regard que je suis incapable de dissimuler.

— Tu dois y aller, me dit-elle en enlevant une poussière imaginaire sur mon épaule fuyant mon regard.

— Oui, je sais, dis-je en remettant les cheveux qui masquent son regard derrière son oreille.

Et ce que j’y vois me rassure, cette étincelle que je sais avoir dans les yeux je la retrouve dans les siens, du désir, une promesse.

— A vendredi, dis-je en ouvrant la porte.

— Vendredi… ?

— Tu m’as proposé de nous voir vendredi, ça tient toujours ?

— C’était avant que tu ne viennes contrôler mes habitudes alimentaires…

— Et maintenant ?

Je sors sur le palier et attends sa réponse, je vais être en retard mais le jeu en vaut la chandelle.

— Va pour vendredi, mais je te fais à dîner…pour lever le doute sur un éventuel trouble du grignotage… !

Je lui fais un signe de tête pour sceller mon accord et pars rapidement alors qu’elle m’adresse un petit signe de la main avant de refermer la porte.