Fyctia

— Tu passes la soirée avec un homme sexy en diable!

Je jette un coup d’œil à Wendy dont le sourire illumine le visage. Je sais d’où vient la fuite des informations.

— Soirée au cours de laquelle vous vous êtes étroitement rapprochés puisqu’à peine une heure après votre rencontre vous étiez déjà dans les bras l’un de l’autre…

Je reste interloquée par ses paroles, puis je me souviens du moment où il m’a prise dans ses bras lorsque je lui ai parlé de l’accident.

Mon cœur se serre au souvenir de l’apaisement que j’ai ressenti lovée contre lui alors que nous nous connaissions à peine.

— Il te raccompagne chez toi, poursuit-elle un sourire forcé aux lèvres pour donner le change auprès des quelques clients encore curieux mais elle garde les dents serrées en une grimace qui déforme son joli minois et traduit son agacement.

— Tu m’envoies à peine un message pour m’assurer que tu es bien rentrée alors qu’un inconnu, …UN INCONNU… si charmant soit-il, est rentré avec toi à ton appartement.

Je tente de l’interrompre devant le regard amusé de Wendy qui ne m’est d’aucune aide. Mais c’est sans compter sur l’entêtement de mon amie qui m’inflige le silence d’un geste vif de la main tout en poursuivant son incrimination.

— Et j’apprends à la première heure hier, par un pauvre SMS, encore, que tu me raconteras tout aujourd’hui parce que tu passes la matinée avec lui…tu n’avais plus de batterie ? il n’y avait pas de réseau ? les journées ne sont-elles pas assez longues pour prendre le temps de passer un coup de fil ?

Le silence reprend ses droits après cette tirade chargée de tension. Je n’avais pas mesuré l’inquiétude qu’avait pu susciter le silence radio que j’avais imposé à mes amies.

Je prends seulement conscience des films que Jane a dû se faire. Elle qui a toujours été là pour moi, mon roc depuis tant d’années.

Je tente un regard vers Wendy et je m’aperçois derrière son sourire qu’elle a dû, elle aussi, s’inquiéter de mes micros réponses à leurs nombreux messages. Je les regarde avec chaleur en leur prenant chacune une main en signe d’apaisement.

— Je suis désolée, dis-je avec sincérité. Si j’avais su que vous vous seriez angoissées je vous aurais appelé. Je ne pensais pas à mal. J’ai juste été dépassée…

Je sens la main de mes amies se resserrer sur les miennes et leurs visages se détendre. C’est le moment que choisit notre serveur pour venir prendre notre commande, le regard encré sur nos mains jointes.

Wendy qui intercepte son regard, et assurément très joueuse ce matin, retient ma main que je m’apprête à récupérer et en caresse le dessus de son pouce d’un geste suggestif.

Le trouble de notre serveur ne se fait pas attendre et il finit par prendre tant bien que mal notre commande, les joues cramoisies, sans plus oser nous regarder dans les yeux.

Jane, de nouveau décontractée, retient un fou-rire qui éclate dès que ce dernier prend congés suivie de près par Wendy qui essuie avec sa serviette le bord de ses yeux pour éviter que son rimmel coule.

— Tu exagères…dis-je moi-même en me retenant de rire.

— Si on ne peut plus s’amuser…dit-elle mi-boudeuse mi-amusée, je te rappelle que les hommes sont pires.

Son sourire s’efface en une fraction de seconde et son regard s’assombrit lorsqu’elle regarde par-dessus mon épaule.

— Tiens quand on parle du loup…

Nous nous retournons avec Jane d’un seul bloc pour comprendre l’objet de son animosité soudaine.

Un homme grand, brun, ténébreux, en jean sombre, chemise noire remontée aux manches et veste de costume négligemment posée sur l’épaule, vient d’apparaître à la réception. Son charisme n’a d’égale que son éclatante arrogance, le bras posé sur une jeune femme à la tenue peut-être un peu courte pour un endroit aussi sophistiqué, qu’il exhibe tel un trophée.

Son visage m’est familier mais je ne le remets pas. Je me tourne vers Wendy.

— C’est l’un des amis de Matthew, répond-elle sans que je n’aie besoin de lui poser la question.

Je me retourne pour l’observer de nouveau mais je ne pense pas que je l’aurais reconnu sans l’aide de mon amie.

Il accroche alors mon regard et lui, par contre, semble savoir qui je suis puisqu’après quelques paroles échangées avec l’un des serveurs il s’approche de nous d’un pas décidé en arborant un sourire plein d’assurance.

Il se poste devant nous et nous dévisage – ou déshabille du regard serait plus juste- à tour de rôle accentuant l’air renfrogné de Wendy qui ne daigne même pas lui adresser un regard.

— La fabuleuse et mystérieuse Joe en personne… lance-t-il à mon attention. Heureusement qu’il t’a retrouvée, ça en devenait navrant…

— Euh…oui, je suppose, dis-je décontenancée ne sachant quoi répondre devant une telle remarque.

Je cherche l’inspiration auprès de mes amies pour trouver quelque chose à dire après ça mais mon salut vient de la jeune femme qui l’accompagne. Elle a un corps magnifique même s’il est dommage que sa tenue ne laisse que peu de place à l’imagination. Elle nous adresse à chacune un sourire chaleureux.

— Salut, moi c’est Hannah.

— Salut, moi c’est Joe, et voici Jane et Wendy, dis-je en désignant mes amies qui la saluent d’un petit signe de la main.

— Hannah, tu peux peut-être nous présenter ton ami, enchaîne Jane d’un ton posé sous le regard amusé de Wendy qui accepte enfin de relever le regard sur lui avec jubilation.

Une fraction de seconde son masque d’arrogance tombe et son regard ombrageux se porte sur Jane qui vient de lancer la pique puis sur Wendy sur laquelle il s’attarde un peu trop au goût de son amie qui le rappelle à l’ordre en lui posant une main sur le bras.

— Stephen, dit-il avant que la jeune femme n’ait le temps de répondre. Enchanté mesdemoiselles, poursuit-il en inclinant légèrement la tête puis en reportant son attention sur Wendy. On se connait, non ?

— Je ne crois pas, on s’en souviendrait, n’est-ce-pas ? lui répond-elle avec un sourire amer.

— Incontestablement, finit-il par dire après un silence, intrigué par ses paroles, les sourcils froncés et les yeux accrochés à ceux de la belle Wendy qui met un point d’honneur à ne pas détourner le regard.

Le serveur nous sauve de cet échange tendu en s’annonçant avec nos plats.

Stephen et Hannah s’excusent pour rejoindre leur table après nous avoir souhaité un bon appétit.

Leur table est suffisamment éloignée pour que nous puissions parler sans crainte d'être entendues mais assez proche pour que je les ai en ligne de mire.

— Tu n’as pas l’air de le porter dans ton cœur celui-là !

Jane lance la question qui me brûlait les lèvres.

Wendy est une jeune femme agréable et sociable. D’un sang froid à toute épreuve il est rare qu’elle cherche la confrontation.

C’est bien la première fois que je la vois témoigner une telle hostilité vis-à-vis de quelqu’un, encore moins si l’homme en question est aussi séduisant que peut l’être l’objet de son courroux.

Car on ne peut pas se voiler la face, Stephen a la beauté des mauvais garçons, sûr de lui et de son pouvoir de séduction, d’une beauté agaçante.