Fyctia

Il faut vraiment que je me dépêche si je ne veux pas arriver en retard.

Jane doit m’attendre de pied ferme puisque je ne l’ai pas appelée hier. Je redoute moins la réaction de Wendy qui a un caractère plus tempéré.

Je presse le pas mais j’y vais mollo, ma cheville est encore un peu douloureuse.

Je sens encore la chaleur de sa main sur ma peau lorsqu’il s’est accroupi pour s’assurer que je n’avais rien de cassé. Je suis encore grisée par ce contact doux et attentionné et le rose me monte aux joues que je tâte pour en éprouver la chaleur.

J’ai l’impression de ne plus avoir de contrôle sur mon corps. Il lui suffit de me regarder avec cette intensité, ce regard sexy, pour que m’on visage s’embrase.

J’ai l’impression d’être l’adolescente complexée que j’étais face au plus beau garçon du lycée. Et beau il l’est à n’en pas douter.

Au moindre de ses regards, au moindre de ses contacts, mon corps s’est allumé comme s’il appuyait sur un simple bouton. Je suis perdue dans l’océan de sensations qu’il a su faire renaître en moi.

C’est pour cette raison que je n’ai pas appelé les filles hier soir. J’avais besoin de prendre du recul et, j’avoue, j’étais encore dans ma bulle après qu’il m’ait déposée chez moi.

Par réflexe, je retrace le chemin de sa main qui s’est attardée sur ma joue après avoir replacé une mèche de cheveux derrière mon oreille.

Ça y est, mon visage est de nouveau cramoisi !

Il faut vraiment que je trouve une solution avant d’affronter le regard inquisiteur de Jane.

Je regarde ma montre, il est presque 11h et j’arrive tout juste au Club où nous avons rendez-vous.

A minima toutes les deux semaines, l’une d’entre nous choisit un restaurant pour faire un brunch.

Aujourd’hui c’était au tour de Jane d'organiser le brunch.

Le lieu sur lequel s'est porté son choix est chic et stylé. Malgré son côté anti-conventionnel je sais qu’elle aime ce genre d’endroit, raffiné et romantique.

Je m’annonce au réceptionniste ce qui me laisse le temps de reprendre contenance et à mes joues de retrouver une couleur naturelle.

— Salut les filles, dis-je en les enlaçant l’une après l’autre.

Elles ont adopté le dress-code du restaurant. Wendy a opté pour un chemisier blanc cintré dont le décolleté met en valeur ses formes de femme voluptueuse sur une jupe noir crayon, chaussée sur des talons aiguilles. Ses cheveux sont relevés en un chignon sophistiqué et à ses oreilles pendouillent de fines boucles.

Elle est jolie naturellement et se maquille rarement mais elle a fait un effort en appliquant un trait d’eyeliner, du mascara pour mettre ses yeux de biche en valeur et une touche de gloss sur ses lèvres déjà pulpeuses.

Ses charmes mettent à mal le pauvre serveur qui devient rouge pivoine dès qu’elle lui adresse un sourire.

(Merci ! Je me sens moins seule…)

Jane, quant à elle, porte une robe noire simple qui lui tombe au dessus des genoux. Un petit foulard en soie turquoise est noué autour de son cou. C’est le petit détail qui lui donne une classe folle avec sa coupe courte et la mèche de cheveux qu’elle a coiffée en une frange à la discipline quasi militaire. Ses yeux smoky et ses lèvres rouge vif font d’elle une femme fatale.

Nous sommes habituées, Wendy et moi, aux choix de Jane pour nos brunchs bimensuels.

Nous avions appris ses goûts à nos dépends la première fois qu'elle en avait été l'organisatrice.

Nous étions toutes les deux arrivées en jean baskets, ce qui n’avait pas été du goût du réceptionniste.

Depuis, nous avions une petite idée du choix vestimentaire que nous devions faire. Je m’étais moi aussi vêtue, aujourd'hui, d’une robe noir, près du corps en haut et bouffante en bas avec une petite ceinture rouge assortie à mes escarpins.

Le jeune serveur profite que je sois installée pour revenir à notre table me proposer une carte non sans jeter discrètement une œillade à mon amie qui lui répond d’un sourire sans équivoque.

Il en perd ses mots lorsqu’il me demande si je veux boire quelque chose avant de passer commande et se répand en excuses en s’éloignant.

— Laisse le tranquille, le pauvre ! dis-je à Wendy en le regardant s’éloigner.

Jane lève les yeux au ciel, tandis que l’intéressée suit du regard sa pauvre victime.

— Il est trop mignon…je peux bien m’amuser un peu !

— Bon d’accord, ajoute-t-elle devant mon regard insistant. Promis, j’arrête.

Je me plonge alors dans la carte posée en éventail devant moi alléchée par la multitude de mets qui s’offre à moi.

Je n’avais pas trop faim hier soir et j’ai à peine grignoté sans trop savoir pourquoi.

Enfin si, je sais, probablement la profusion de nourriture pendant le pique-nique même, si je n’ai pas touché à grand-chose, ou plutôt – je dois être honnête avec moi-même - le trop d’émotion de ces derniers jours.

En tout cas maintenant je meurs de faim d’autant que je n’ai pas pris de petit-déjeuner en prévision du brunch.

Je souris bêtement en repensant à Matthew dévorant les croissants que je nous avais préparé…hier.

J’ai l’impression que ça fait une éternité. Il s’est passé tellement de choses en quelques jours.

Un léger raclement de gorge – nous sommes tout de même dans un endroit distingué – me tire de mes pensées et deux paires d’yeux sont braquées sur moi.

— Tu vas cracher le morceau, finit par lâcher Jane n’y tenant plus.

Wendy cache un sourire derrière sa main, surprise comme moi de la réaction de mon amie, en tout cas dans un lieu comme celui-ci, où l’ambiance feutrée vient d’être brisée par son éclat de voix. En témoignent les regards intrigués des autres clients autour de nous.

Elle se reprend et adresse un sourire enjôleur à l’assistance qui se désintéresse de nous rapidement.