Fyctia
Chapitre 12
J’entre dans la cuisine et me délecte de la douce lumière du soleil qui beigne la pièce à travers la grande fenêtre qui donne sur la rue.
Les meubles sont d’origine mais ont été repeints en blanc ce qui donne une certaine luminosité à la pièce très appréciable.
Un îlot central en pin fait office de table, avec ses tabourets, et de plan de travail.
J’allume le four et sors quelques croissants du congélateur qu’un ami boulanger expatrié me fournit à l’occasion et les dispose sur un plateau, la French touch dont j’aime faire profiter mes invités. Je sors les tasses et un sachet de thé ainsi que le sucre. Je déniche un pot de confiture, prends le beurre dans le frigo et installe le tout sur l’îlot, satisfaite.
Le four est chaud et j’y mets les croissants à cuir. Une agréable odeur de viennoiserie se répond dans la pièce et je profite des quelques minutes nécessaires à la cuisson pour aller vérifier que rien ne traîne dans le salon.
En traversant le couloir j’entends l’eau de la douche s’arrêter de couler. Je retourne dans la cuisine et sors une assiette pour pouvoir y mettre les croissants le moment venu.
Je me prépare un café dans ma machine à expresso, premier investissement quand j’ai emménagé. J’en prends une gorgée et ferme les yeux pour en apprécier toute la saveur. Je ne suis jamais moi-même tant que je n’ai pas pris mon café du matin.
Le bip du four me ramène à la réalité et je me retourne munie de maniques pour en sortir les croissants dorés et croustillants à souhait.
— Mmh, ça sent bon par ici, dit une voix derrière moi.
Je me retourne, fière de moi, le plateau dans les mains, et le vois appuyé contre le chambranle de l’encadrement d’un air nonchalant, les bras croisés.
Ses cheveux sont encore humides et coiffés négligemment, la lumière qui se reflète dans ses yeux noisette fait étinceler des éclats dorés et un sourire gourmand se dessine sur ses lèvres.
Jane avait raison, il n’est pas charmant, il est purement et simplement séduisant. Pour cacher mon trouble je détourne les yeux de son visage et mon regard se pose sur son pull fin. Gris anthracite, quelques boutons au col, je devine le motif dans son dos, je le reconnais immédiatement.
Je pousse un cri de stupeur et en lâche le plateau que je tenais dans les mains. Celui-ci fait un vacarme épouvantable en tombant sur l’îlot, renversant le sucrier. Quant aux maniques, elles glissent de mes mains et s’échouent à terre.
Il se précipite vers moi et prend mes mains dans les siennes pour les observer.
— Tu t’es brûlée ? Il faut les mettre sous l’eau froide.
— Non, non, je ne me suis pas brûlée, dis-je sans pouvoir détacher les yeux du vêtement. C’est… c’était le sien.
Il suit mon regard et comprend immédiatement.
— Je suis désolé, dit-il vraiment navré. Je vais l’enlever.
Il commence à soulever le bas du pull laissant entrevoir la naissance de ses anches et le v de son ventre musclé. Je me ressaisis et pose mes mains sur les siennes pour retenir son geste frôlant au passage le dessin de ses abdominaux.
— Non ! dis-je en fermant les yeux et en tentant de reprendre ma respiration que j’avais perdue, troublée tant par ce contact inopiné que par la vue de ce vêtement.
Avec le recul, ce vêtement n’a aucune valeur sentimentale à mes yeux. Marc ne l’a jamais mis.
Pendant les premiers temps j’avais erré en portant certains de ses pulls qu’il affectionnait particulièrement, aspergés de son parfum, tant pour rester proche de lui que pour me réchauffer du froid qui ne me quittait plus depuis leur disparition.
Je me réveillais le matin les bras serrés autour du doudou de Nina, allongée du côté du lit où Marc dormait, le visage encore humide des larmes qui n’avaient cessé de couler pendant la nuit.
Après plusieurs mois d’errance, ma sœur Lise, ne supportant plus de me voir dans cet état, m’avait aidé à remplir les cartons et m’avait accompagnée pour faire don de ses affaires. Ça avait été radical, mais j’avais eu besoin de cet électrochoc pour reprendre le dessus.
— C’est ridicule, repris-je en levant les yeux sur lui et m’écartant pour mettre de la distance entre nous. Je l’avais acheté la veille de son décès et il ne l’a pas porté et même jamais vu. Je ne me souvenais même plus que je l’avais gardé, je pensais l’avoir donné avec le reste de ses vêtements.
— Tu es sûre, je peux me changer, j’en ai pour un instant, je ne veux pas te mettre mal à l’aise, me dit-il inquiet, les yeux plongés dans les miens pour sonder mes réactions.
— Non, je t’assure, il te va très bien, il est neuf ce serait dommage de le laisser au fond d’un placard, ajoutais-je avec un sourire pour le rassurer.
— Sûre ?
— Sûre ! dis-je en posant ma main sur la sienne et en la pressant légèrement pour appuyer mes dires.
Ces yeux se portent sur nos mains puis remontent se fixer sur les miens. Je suis troublée par son regard et recule d’un pas, retirant ma main peut-être un peu rapidement comme si le toucher était devenu insoutenable.
Je lis la confusion dans ses yeux et il marque son malaise en passant la main dans ses cheveux encore humides, geste qui doit être une manie chez lui.
— Je peux t’aider ? dit-il en me désignant la table et le sucre renversé.
— Non, non, c’est bon, dis-je en ramassant les maniques, c’est presque prêt.
Je dispose les croissants encore chauds dans l’assiette et pose le plateau pour le laver plus tard.
Matthew met la bouilloire à chauffer, il vide le café froid de ma tasse dans l’évier et m’en fait couler un autre. Il entreprend ensuite de ramasser le sucre qui s’est étalé sur le plan de travail tandis que je sors des petites cuillères et des verres pour nous servir du jus d’orange.
Chacun à sa tâche, comme si cela était naturel, j’apprécie la quiétude de ce moment après les bourrasques de la tempête d’émotion que j’ai l’impression d’avoir vécue. Pourtant je continue à me morigéner d’avoir cherché son contact et de l’avoir touché plus que je n’aurais dû.
Je ne suis pourtant pas une personne tactile en temps normal. Est-ce la nuit que nous avons passée ensemble qui me confère une certaine liberté dans ma conduite ou ce sombre anniversaire qui me laisse à fleur de peau. Je ne saurais le dire mais je dois m’efforcer de garder mes distances.
— Un petit-déjeuner à la française je présume ! me dit-il avec un sourire et un clin d’œil en s’installant face à moi et en portant la tasse à sa bouche.
— Ah non, pour ça il faudrait que tu boives un café et qu’on mange des tartines de baguettes beurrées pour coller au stéréotype, lui répondis-je en prenant une bouchée de mon croissant et en lui faisant un clin d’œil à mon tour, ma bonne humeur retrouvée.
Il secoue la tête en souriant et porte de nouveau sa tasse à ses lèvres. Un silence serein s’installe entre nous alors que nous poursuivons notre repas dûment gagné. Je me délecte de le regarder par-dessus ma tasse dévorer son croissant avec ravissement. Notre moment de quiétude est cependant interrompu par la sonnerie d’un téléphone que je ne connais pas.
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Jess Swann
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