Fyctia

Dans un coin de la salle, une table vient de se libérer. Wendy nous propose de nous y installer pour manger quelque chose. Nous passons commande et partageons des fish and chips dans la parfaite tradition des pubs londoniens. Je lui pose quelques questions sur son travail, elle me parle de ses coins préférés de la ville, de ceux qu’elle aimerait découvrir. Elle y ajoute quelques anecdotes du temps où elle était serveuse ici. La conversation est légère et le temps passe vite.

Cela fait plus de trois heures que nous discutons lorsqu’elle reçoit un message sur son portable. Elle y jette un coup d’œil et sourit.

— C’est mon amie qui s’inquiète que je ne l’ai pas appelée, m’explique-t-elle. Il faut que je lui réponde avant qu’elle ne lance les recherches, ajoute-t-elle en haussant les épaules en guise d’excuse.

— Je vous en prie, je pense que j’aurai assez de Bob à gérer, dis-je en plaisantant.

Elle pianote sur son portable tout en souriant puis vérifie l’heure.

— Je ne pensais pas qu’il était si tard. Je suis désolée mais la journée a été éprouvante et…

— Je comprends.

Je fais signe à Wendy pour régler l’addition et nous nous levons pour partir. Je salue Bob de loin qui me répond d’un signe de tête sans l’ombre d’une animosité.

Joe embrasse Wendy et fait un signe de la main à Bob puis nous sortons du bar dans l’air frais printanier.

Nous nous toisons quelques instants, privés de la chaleur et de l’ambiance cosi du pub.

— Je vais vous raccompagner ou vous arrêter un taxi si vous préférez, me souvenant de notre première rencontre.

Je la vois embarrassée puis hésitante, comme une enfant prise en flagrant délit.

— En fait, je n’habite qu’à deux rues d’ici, avoue-t-elle en penchant la tête de côté.

Je fronce les sourcils essayant de comprendre, et devant mon air surpris elle poursuit :

— Je ne tenais pas à ce que vous me suiviez !

— Et maintenant ?

— Maintenant ? Et bien je vous connais un peu mieux… Et puis, Bob a votre nom, votre photo… rajoute-t-elle d’un ton léger et en tournant les talons, m’invitant à la raccompagner.

Ce que je m’empresse de faire.

Nous nous éloignons doucement du quartier animé pour déboucher sur des rues résidentielles, plus paisibles, au style Victorien. Nous avançons d’abord en silence et j’en profite pour l’observer discrètement. Son allure est élancée et sa jupe met en valeur ses jambes fines. Elle surprend mon regard et je détourne les yeux un sourire aux lèvres.

— Vous appréciez ce que vous voyez, me dit-elle.

— Oui, j’admire l’architecture, je réponds sans me détacher de mon sourire.

— Bien sûr l’architecture, dit-elle en levant les yeux au ciel et en secouant la tête.

Nous faisons encore une cinquantaine de mètres et elle s’immobilise enfin devant les marches d’une maison, que je comprends être la sienne.

— Voilà, nous sommes arrivés. J’habite l’appartement du rez-de-chaussée, m’informe-t-elle se rendant compte immédiatement que la précision n’est pas réellement utile. J’ai vraiment passé une agréable soirée, ajoute-t-elle d’un air sincère.

— Tout le plaisir était pour moi. Et j’espère m’être fait pardonner mon comportement de notre première rencontre… Même si je ne regrette rien. Sans ça, je ne vous aurais probablement jamais abordée.

— Et je ne vous aurais jamais renversé un verre sur la tête, enchaîne-t-elle avec malice.

— C’était un mal pour un bien, je réponds avec un clin d’œil. J’aimerais vous revoir…

— Vous savez comment me retrouver, répond-elle espiègle.

Je ne cache pas ma déception alors qu’elle s’approche de moi pour me déposer un baiser sur la joue, en murmurant « merci » près de mon oreille.

J’apprécie l’instant et respire son parfum fruité et envoutant. À regret, elle s’écarte mais je retrouve le sourire lorsqu’elle me tend un bout de papier sur lequel est noté son numéro de téléphone.