KBrusop Saveur Citron Chapitre 10

Chapitre 10

Elle monte les quelques marches du perron et sort les clefs de son sac. Elle s’apprête à les insérer dans la serrure mais s’immobilise.

Je l’observe, elle semble réfléchir, hésitante.

— Matthew, je…, commence-t-elle en se retournant les yeux fixés sur ses clefs.

— Oui ? dis-je pour l’encourager.

Sans oser lever son visage sur moi, elle hésite à terminer sa phrase, puis semble se raviser.

— Non, c’est une mauvaise idée, dit-elle en secouant la tête et en faisant signe de se retourner.

— Joséphine, dites-moi ! ajouté-je en m’avançant sur la première marche.

Son regard se pose enfin sur moi. J’y décèle une certaine mélancolie, une tourmente que j’aimerais apaiser.

— C’est une période difficile pour moi, reprend-elle après quelques secondes d’hésitation, et je ne veux pas rester seule cette nuit.

Ses yeux sont dorénavant rivés sur les fenêtres plongées dans l’obscurité de son appartement. Comprenant l’ambigüité de ses paroles, elle tourne précipitamment son visage sur moi et reprend.

— Enfin d’une façon tout à fait platonique, je veux dire. J’ai besoin… qu’on me prenne dans ses bras, ajoute-t-elle en pesant chaque mot.

Je suis à la fois surpris par sa demande et honoré par la confiance qu’elle me témoigne. J’acquiesce en montant encore deux marches pour me rapprocher d’elle.

Elle est torturée entre son besoin presque vital de ne pas être seule ce soir face à ses démons, et cette peur instinctive devant l’inconnu.

Je monte la dernière marche qui nous sépare, et pose doucement ma main sur son épaule dans un geste qui se veut rassurant. Elle relève lentement la tête.

— Je ne suis ni un psychopathe…

— Ni un tueur en série… finit-elle.

— Non, ni un tueur en série, et il s’avère que je suis très doué pour passer la nuit avec une jolie femme de façon tout à fait platonique, ajouté-je d’un ton très sérieux.

Cette réplique saugrenue me vaut un sourire. Ses prunelles grises me sondent du regard, et semblent trouver ce qu’elles cherchent car elle se retourne, ouvre la porte et m’invite à entrer.

Je la suis et nous nous retrouvons dans un couloir. L’escalier face à nous doit desservir les appartements des étages supérieurs, et nous entrons dans celui situé sur notre gauche.

Elle allume la lumière, ferme la porte derrière nous et dépose machinalement ses clefs sur la console près de l’entrée.

La décoration est sobre mais chaleureuse avec des murs couleur crème, des contours de portes et des plinthes bleu pastel, qui mettent en valeur le plancher d’origine. De part et d’autre du couloir de l’entrée, se trouvent de grandes ouvertures donnant sur la cuisine d’un côté, et le salon de l’autre. Les teintes sont là encore claires et le mobilier contribue à donner à l’ensemble une atmosphère accueillante.

Sans un mot, elle m’invite à la suivre dans le couloir qui doit mener à sa chambre. Elle allume la pièce puis la lampe de chevet et se retourne vers moi. Je lis la confusion sur son visage. Je m’approche doucement du lit et m’assois sur le bord.

— Je dormirai sur les couvertures.

Je prononce ces mots pour la rassurer mais me rend compte que ce sont les premiers que nous échangeons depuis que nous sommes entrés dans l’appartement.

— D’accord, me dit-elle en fuyant mon regard pour cacher son trouble.

Elle se dirige vers une armoire et en sort un plaid qui, j’imagine, me servira de couverture, et le pose à côté de moi.

— Je vais me changer, me dit-elle le rouge aux joues en me désignant la porte qui se trouve en face dans le couloir - surement la salle de bains.

Elle prend quelques vêtements dans un tiroir et sort de la pièce. J’entreprends d’enlever mes chaussures ainsi que ma veste mais décide de conserver mon jeans et mon t-shirt pour ne pas la mettre mal à l’aise.

Elle réapparait quelques minutes plus tard. Quand je lève les yeux sur elle, j’en reste sans voix. Vêtue d’un débardeur et d’un pantalon de yoga, les cheveux détachés en cascade sur ses épaules, elle est involontairement mais indéniablement sexy, ses formes voluptueuses mises en valeur. Je détourne les yeux pour me reprendre et je commence à entrevoir la difficulté de la tâche.

Elle me tend une serviette et je vais à mon tour dans la salle de bains. À l’image de l’appartement, elle est rénovée avec goût mais tout en simplicité. Un sol de jonc de mer tressé, une simple vasque moderne sur un meuble en bois clair et une douche italienne à mosaïque noire et blanche.

Sur le rebord du lavabo, je trouve une brosse à dents neuve encore dans son emballage. Je m’en saisis et souris en me disant que la prévoyance doit être un trait de son caractère. Je me brosse les dents, me mets un coup d’eau sur le visage pour me rafraîchir et relève la tête. Les bras tendus de part et d’autre du lavabo, je me fixe dans le miroir, des gouttes dégoulinant sur mon visage. Je reste quelques instants dans cette position, pensif, puis je retourne dans la chambre.

Elle a éteint la lumière du plafond, nous laissant sous l’éclairage tamisé de la lampe de chevet. Elle est assise d’un côté du lit sous les couvertures, et m’invite silencieusement à la rejoindre de l’autre côté. Je m’y installe et étale le plaid sur moi tandis qu’elle s’allonge et se met sur le côté, dos à moi.

— Vous pouvez me prendre dans vos bras, murmure-t-elle.

Je ne sais si c’est une question ou si elle m’en donne la permission, mais sans un mot, je m’installe pour imiter sa position. Je passe maladroitement un bras sous son cou. Elle repositionne son oreiller pour être plus confortable. Je pose mon autre bras sur sa hanche tout en prenant soin de respecter une certaine distance.

— Ça va comme ça ?

Elle acquiesce et tend la main vers la lampe pour l’éteindre. Dans l’obscurité, je la sens reculer légèrement pour se blottir plus encore contre moi. Sa main vient se poser sur la mienne pour enserrer un peu plus sa taille.

— Merci, susurre-t-elle, sa voix teintée d’émotion.

J’acquiesce sachant qu’elle sentira le mouvement de ma tête, ne voulant plus troubler le silence. Ce contact est inédit pour moi. J’ai bien sûr déjà tenu des femmes dans mes bras de la sorte, mais jamais en dehors d’une relation amoureuse.

À l’exception de la vue, tous mes sens me semblent décuplés. Le doux murmure de sa respiration, les senteurs de son shampoing, de sa peau, la douceur de sa main sur la mienne. C’est à la fois surprenant et grisant, et je dois me concentrer pour ne pas ressentir la chaleur de son corps au travers des couvertures qui nous font obstacle. Je suis bientôt bercé par sa respiration qui ralentit et je m’endors envoûté par les effluves de son parfum.


Tu as aimé ce chapitre ?

23

23 commentaires

Fmusset4

-

Il y a 2 ans

Un texte bien construit, instructif et captivant ! n'hésitez pas à regarder mon profil

Ellover

-

Il y a 3 ans

Ouhhh tu y vas fort ! Perdre son compagnon et son enfant c'est... il n y a pas de mots. Je comprends mieux le début, les cauchemars, tu joues bien sur le fait qu'elle pense ne pas pouvoir se reconstruire

Jess Swann

-

Il y a 3 ans

Très beau chapitre, c'est bien amené, l'émotion sonne juste, tu n'en fais pas trop, c'est parfaitement dosé. La pauvre Joe, pas étonnant qu'elle fuit sa famille : ça doit lui rappeler tout ce qu'elle a perdu. Il est aussi normal qu'elle ne pense pas pouvoir se reconstruire. Je trouve que Matt a la bonne réaction, lui non plus ne verse pas dans les plaintes à outrance. Les deux et leur relation sonnent juste

KBrusop

-

Il y a 3 ans

Merci c’est ce que je cherchais à faire passer☺️

ElsaBianchi

-

Il y a 3 ans

Mon cœur de guimauve est en train de couler…

Guyanelle

-

Il y a 3 ans

mamma mia! pauvre Joe! Tu m'étonnes qu'elle était triste! Quel courage de pouvoir évoquer ce malheur sans flancher plus que ça... Tu as su glisser de la pudeur et de la grâce dans tout cela. C'est un bien joli chapitre.💕

Christellaa

-

Il y a 3 ans

🙂

JennyLY

-

Il y a 3 ans

Coup de pouce ! Si tu as le temps de passer sur mon histoire ce serait top 👍

Lili Adams

-

Il y a 3 ans

Je ne m'attendais pas à ça ! Perdre l'amour de sa vie doit déjà être difficile. Mais perdre 1 enfant mon Dieu je pense que c'est la pire chose qui puisse arriver à quelqu'un. Si Matt veut vraiment avoir une relation avec elle, il a intérêt à s'armer de patience car elle porte le poids du monde sur ses épaules 🥺

iris monroe

-

Il y a 3 ans

un nouveau petit coucou accompagné d'un like et d'un partage.
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.