Fyctia
Chapitre 5
Joséphine
Je suis arrivée très tôt au bureau ce matin, bien avant tout le monde pour tout dire. J’avais besoin de ce calme dans un environnement neutre, et le voir progressivement s’animer, à mesure de l’arrivée de mes collègues.
Ted est le premier à rompre le silence des lieux. Il ne manque pas de venir me remercier de la bouteille que j’ai déposée sur son bureau. J’en profite pour lui donner les recommandations du vendeur, qu’il ne respectera probablement pas, comme à son habitude. Il s’enquiert brièvement de mon voyage puis me fait un bref topo des dossiers dont j’ai la charge.
Même si je sais qu’il connait les raisons qui m’ont fait quitter la France - Jane m’a avoué lui en avoir parlé un soir qu’il s’inquiétait pour moi -, il n’y a jamais fait allusion. Cependant, il se montre toujours plus attentif et arrangeant à chaque fois que je dois partir, ou que je reviens d’un de mes retours aux sources. C’est pour cette raison qu’il n’a pas sourcillé lorsque j’ai demandé à faire ma reprise un vendredi plutôt que le lundi suivant.
Aujourd’hui tout particulièrement, j’avais besoin de m’occuper l’esprit. Me retrouver seule dans mon appartement, était au dessus de mes forces. Il m’avait accordé cette reprise décalée sans me poser de question.
C’est une personne que j’apprécie beaucoup. Très charismatique, il impose le respect. Il peut s’avérer impitoyable en affaires mais il est l’une des personnes les plus loyales que je connaisse. Avec son style de dandy chic, ses cheveux savamment négligés, sa barbe taillée de près et son regard sombre, je comprends aisément ce qui peut attirer Jane chez lui.
Et justement, nous sommes interrompus dans notre échange par mon amie. Elle débarque telle une tornade dans le bureau, les bras chargés de boissons chaudes et de muffins. Comme a son habitude, sur des vêtements plutôt sobres, elle arbore une touche d’excentrisme. C’est ce qui fait son style. Aujourd’hui, c’est un bandeau dans les cheveux avec une grosse fleur de tournesol, dans un mélange charleston-hippie qui, bien sûr, lui va à ravir.
Au coup d’œil que lui lance Ted et à son sourire en coin, je devine que Jane ne le laisse pas indifférent. Après avoir accepté un muffin, il s’apprête à retourner dans son bureau. Il se ravise et se retourne vers moi en me posant la main sur l’épaule, en un geste attentionné.
— Ça va aller !? me demande-t-il.
Je comprends le double sens de sa phrase et acquiesce en le remerciant.
Il sonde mon regard pour s’assurer que je vais bien, puis sort de notre bureau, non sans avoir jeté un dernier coup d’œil à mon amie, qui semble tout à coup très occupée à remettre de l’ordre sur son bureau.
— C’était quoi ça ?
— Quoi donc ? me dit-elle plongée dans le tri quasi existentiel des trombones et élastiques de sa boîte fourre-tout.
— Il s’est passé un truc avec Ted pendant que je n’étais pas là ?
— Non, non, me lance-t-elle sans même lever les yeux sur moi.
Donc à l’évidence, je vais devoir attendre qu’elle se décide à m’en parler. Je lui lance un « ok » et m’affaire à poursuivre le cahier des charges sur lequel je travaillais avant que Ted n’arrive. Je vois ses épaules se détendre lorsqu’elle comprend que je n’insiste pas.
— Et toi comment ça s’est passé ? me demande-t-elle avec précaution.
Je lui trace les grandes lignes de mon séjour. Je dois lui avouer, non sans étonnement, que ce n’était pas si terrible que l’idée que je m’en faisais. Bien sûr, j’avais eu cette chape de plomb qui ne m’avait pas quittée de tout mon séjour, mais nous avions eu des moments agréables : le rire de mes neveux, les instants de complicité avec ma sœur, les gaffes incessantes de mon frère et la cuisine réconfortante de ma mère.
— Je me sens tellement coupable, finis-je par dire dans un souffle. Ils ont fait tellement d’efforts et pourtant, je n’avais qu’une envie, c’était de repartir. J’avais en permanence une boule dans la gorge qui m’empêchait de respirer.
— C’est normal tu sais, me dit-elle avec compassion. Et la signature ? demande-t-elle d’une voix hésitante.
— Je ne sais pas, fais-je en secouant la tête, les coudes sur le bureau et le visage dans les mains.
La main apaisante de mon amie qui se pose sur mon épaule, m’invite à continuer.
— J’étais tellement triste, accablée… mais aussi en colère et soulagée, c’est terrible, non ? soufflé-je en relevant la tête vers elle.
— Non, c’est… naturel, je pense, dit-elle en pesant ses mots et en tentant un sourire réconfortant.
— Merci d’être là pour moi, et de supporter mon air lugubre depuis des semaines.
— Toujours, ma belle, finit-elle avec un clin d’œil et en m’étreignant rapidement. Mais j’ai hâte de retrouver ma Joe pétillante et joyeuse.
Je la remercie de nouveau avec un sourire sincère et nous nous remettons chacune au travail.
22 commentaires
iris monroe
-
Il y a 3 ans
Jess Swann
-
Il y a 3 ans
Ellover
-
Il y a 3 ans
ElsaBianchi
-
Il y a 3 ans
Mary Cerize
-
Il y a 3 ans
Lili Adams
-
Il y a 3 ans
Sandra MALMERA
-
Il y a 3 ans
I.H Mey
-
Il y a 3 ans
Soleil7
-
Il y a 3 ans
Lil Evans
-
Il y a 3 ans