Fyctia
Chapitre 3
Joséphine
Je suis réveillée par la lumière du soleil qui filtre à travers les rideaux. Ce rayon me réchauffe dans mon demi-sommeil, mais ce bien être est vite assombri par cette sensation qui me hante depuis bientôt quatre ans.
Ce matin, pourtant, j’ai une impression étrange. En une fraction de seconde, l’épisode d’hier soir me revient à l’esprit : le bar, le baiser, le verre… Je me cache le visage dans un oreiller, tout à fait réveillée à présent.
Comment ai-je pu me comporter comme ça ? Comme une fille qui ne me ressemble pas. Je suis plutôt quelqu’un de réservée et raisonnable d’habitude. Alors, quoi ? Ai-je été nourrie par un élan féministe, une sorte de vengeance de l’arroseur arrosé… Cette image si proche de la réalité me fait sourire, alors que je me revois verser mon cocktail sur ce pauvre garçon.
Je me redresse dans mon lit pour remettre de l’ordre dans mes idées, mais mon regard se pose sur le réveil. L’heure qu’il indique me fait sauter de mon lit, je n’ai pas dû l’entendre sonner ! Je me précipite sous la douche. Je vais devoir faire l’impasse sur mon petit déjeuner, si je ne veux pas être en retard.
J’aurais pourtant bien besoin d’un café. Mes nuits sont agitées, et les cauchemars s’intensifient à mesure que les jours passent. Je chasse cette pensée en secouant la tête, et me concentre sur l’eau chaude qui me réchauffe l’âme et le corps. J’enfile une tenue habillée mais confortable. Je n’aurai pas le temps de repasser par l’appartement ce soir avant de partir pour Paris. Je sèche rapidement mes cheveux, me maquille légèrement, mets mes escarpins et me saisis de ma valise avant de me diriger vers la porte de mon appartement. Je prends le temps d’un dernier regard en arrière pour m’assurer que tout est en ordre, et que je n’ai rien oublié.
Arrivée dans la rue, je jette un coup d’œil à ma montre et constate avec soulagement que j’ai juste le temps de faire un détour au Starbuks. Il y a un peu de monde, mais à cette heure-ci le service est rapide et efficace. Je commande mon expresso et le latte de Jane, et finis par arriver pile à l’heure au bureau. Mon amie m’accueille et se confond en excuses pour le lapin qu’elle m’a posé hier soir. Je range mes affaires dans un coin, et lui tends avec un sourire son gobelet encore chaud, pour lui faire comprendre que je ne lui en veux pas.
Nous nous connaissons depuis des années. C’est grâce à elle si j’ai obtenu ce poste chez T. Parker’s, lorsque j’ai quitté la France pour m’installer ici sur un coup de tête. Ted, Mr Teodore Parker pour les clients, m’a d’abord donné ma chance avec un poste à la réception du cabinet de maîtrise d’œuvre. Mais avec mon expérience et sur l’insistance de Jane, il m’a rapidement proposée d’assister mon amie sur des dossiers. Cela fait maintenant deux ans, que nous partageons ce bureau, dans cette petite entreprise d’une dizaine d’employés.
Nous nous installons quelques instants pour finir nos boissons. Elle m’explique, qu’hier soir, elle a été retenue par un dossier urgent à finaliser avec Ted. Mon amie s’est, soi-disant, aperçue de l’heure tardive que lorsqu’elle a vu mon message. J’accueille son explication avec un sourire entendu, connaissant son faible pour notre patron. Déchiffrant mon sourire, elle m’assène une tape sur l’épaule et attrape son gobelet pour en boire une gorgée, le rouge aux joues.
Ses yeux se posent sur ma valise, et elle remonte sur moi un regard intrigué.
— Tu me sembles étonnamment… sereine ! finit-elle après réflexion. Et ce n’était pas un sourire dans ta voix, lorsque tu as laissé ton message sur mon répondeur hier soir ? Il s’est passé quoi chez Bob ?
Je ne sais pour quelle raison, mais c’est à mon tour de sentir mes joues s’échauffer. Je lève les yeux sur Jane qui en reste estomaquée.
— Mademoiselle Joséphine Dubois, je veux tout savoir !
Je me lance dans le récit de ma soirée. Je ne m’interromps que pour finir mon café et prendre le temps d’observer mon amie suspendue à mes lèvres. Grande, brune et élancée, avec sa coupe à la garçonne, elle arbore toujours un petit air mutin.
— Tu as fait quoi ? me dit-elle hilare, alors que je viens d’achever mon histoire.
— Je lui ai renversé mon verre sur la tête !
— Non, tu l’as embrassé…
— Oui, et j’ai renversé mon verre sur sa tête, ça faisait partie du concept, de la morale ou de ce que tu veux.
— J’adore ce concept ! Et il était comment ? enchaine-t-elle toute excitée.
— Trempé…dis-je en haussant les épaules.
— Tu vois bien ce que je veux dire, grogne-t-elle en levant les yeux au ciel. Il est quoi ? Petit, gros et boutonneux ?
Sa description me fait sourire, et l’espace d’un instant, je replonge dans l’ambiance du bar. Je le revois, debout devant moi à m’observer. Grand, châtain clair, les cheveux en bataille, des épaules larges, yeux noisette je crois. Plutôt bel homme, je dois avouer.
— Joe ? souffle Jane, me tirant brutalement de mes pensées.
— Pas mal : grand, plutôt sportif et non, pas boutonneux pour tout te dire, finis-je en rassemblant rapidement quelques documents sur mon bureau pour passer à autre chose.
Tout en m’affairant, je relève les yeux sur Jane qui, les coudes sur la table, la tête posée dans ses mains en coupe, m’observe tendrement comme si j’étais un adorable petit chat.
— Arrête ! lui asséné-je en lançant une gomme qu’elle esquive de justesse. Ce n’était qu’une farce idiote avec un inconnu… Et ce n’est pas le moment, dis-je plus froidement en fixant ma valise.
— Ma belle, me dit-elle avec compassion en se levant et en me caressant doucement l’épaule. Ce ne sera jamais le bon moment. Tu dois aller de l’avant. Et ce petit coup de folie signifie peut-être que tu es prête… finit-elle d’un ton encourageant.
Un coup de folie ? Jane a probablement raison. Donner une leçon à ces hommes pour leur pari idiot, au détriment de la gente féminine, avait été ma première motivation. Mais ce baiser, notre étreinte même brève, m’avait bouleversée en un savant mélange de culpabilité et d’insouciance. Lorsque ses mains s’étaient posées sur moi, je m’étais sentie électrisée. Notre baiser était devenu plus profond. Je secoue la tête pour chasser ces pensées ambigües et revenir à la réalité.
— De toute façon, je ne le recroiserais probablement jamais, dis-je tout bas.
— Probablement… reprend mon amie d’un air espiègle le nez plongé dans un dossier.
Je secoue la tête cette fois d’exaspération et me remets au travail.
La journée passe relativement vite, entrecoupée de la pause déjeuner et de notre réunion hebdomadaire sur les dossiers en cours avec tout le staff. Au moment de partir, Jane me serre dans ses bras et me propose une énième fois de m’accompagner jusqu’à la gare, mais je refuse et la remercie d’une nouvelle étreinte.
Je croise Ted dans le couloir qui me rappelle de lui rapporter un « souvenir culinaire » qui ne serait ni du fromage ni des grenouilles… du vin, pour résumer. J’affiche un sourire de façade, sentant la tension de ce voyage de nouveau m’accabler, et lui promets d’y penser. Je fais le trajet jusqu’à la gare puis jusqu’à ma place dans l’Eurostar en pilotage automatique, perdue dans mes pensées, en appréhendant les jours à venir.
31 commentaires
Concetta Weber
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Il y a un an
iris monroe
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Il y a 3 ans
KBrusop
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Jess Swann
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