Karla VALON SANG ET SERMENT Chapitre 11

Chapitre 11

Luca

01 Juillet 2024


Je l’ignore. Deuxième sonnerie. Puis sa voix, rauque et endormie, perce enfin l’obscurité.


— Allô ?


Un instant, je me demande si je devrais m’excuser de la réveiller. Mais non. Pas cette fois.


— Ely, dis-je, d’un ton calme mais direct. C’est Luca Moretti.


Un silence suit. Je l’imagine fronçant les sourcils, se demandant pourquoi je l’appelle au beau milieu de la nuit.


— Luca ? répond-elle, sa voix encore confuse. Il est… il est deux heures du matin. Qu’est-ce que vous voulez ?


Je prends une grande inspiration pour ne pas laisser transparaître ma douleur.


— Mason et moi sommes dans votre immeuble. Dans l’ascenseur, pour être précis.


Son ton change immédiatement.


— Dans mon immeuble ? répète-t-elle, soudain plus alerte. Vous êtes blessés ?


Je laisse échapper un léger soupir, essayant de ne pas montrer combien cette conversation m’épuise déjà.


— On revient de Mexico, dis-je. Mason a pris une balle dans la cuisse, et moi, une dans l’abdomen. Rien que vous ne puissiez gérer.


Il y a un moment de silence, puis elle reprend, sa voix teintée de frustration.


— Une balle ? Luca, pourquoi vous n’êtes pas allé à l’hôpital ?


Je serre les dents. Pourquoi les médecins posent toujours cette question ?


— Parce que les hôpitaux posent des questions, réponds-je sèchement. Et nous, on préfère éviter.


Elle soupire. Ce genre de soupir qui dit clairement : "Vous êtes insupportable, mais je vais quand même vous aider."


— Très bien, dit-elle enfin. À quel étage êtes-vous ?


Je souris légèrement, malgré la douleur. C’est là que le bât blesse.


— Justement, je vous appelle parce que je n’en ai aucune idée. Vous êtes à quel étage, Docteur Hardford ?


Un long soupir répond à ma question. Je peux presque sentir son irritation à travers le téléphone.


— Quatrième étage, porte 403, dit-elle, sèchement. Et ne faites pas de bruit en arrivant.


— Reçu, dis-je avec un sourire en coin. Préparez vos affaires.


Je m’apprête à raccrocher quand elle ajoute, d’un ton froid mais clairement agacé :


— Et Luca… pas une goutte de sang sur mon tapis.


Je raccroche avant qu’elle puisse en dire davantage. Mason appuie sur le bouton du quatrième étage, et je range mon téléphone dans ma poche, grimaçant sous l’effort.

Mason me regarde, un sourire fatigué sur le visage.


— Elle a l’air ravie.


— Ravie ou pas, elle va nous soigner, répondis-je en ajustant ma veste.


— T’as de la chance qu’elle n’ait pas raccroché, ajoute-t-il, en secouant légèrement la tête.


Je laisse échapper un léger rire, bien que chaque vibration me lance dans l’abdomen.


— Elle ne l’aurait pas fait, dis-je, sûr de moi. C’est un médecin. Elle ne peut pas résister à l’idée de sauver des idiots comme nous.


Les portes de l’ascenseur s’ouvrent sur un couloir silencieux. La lumière tamisée éclaire le chemin jusqu’à la porte 403, où une lueur filtre sous l’embrasure. Je sais qu’elle est déjà en train de se préparer, même si elle m’en voudra probablement pour les prochaines 48 heures.


— Allons-y, murmuré-je, plus pour moi-même que pour Mason.


Chaque pas est une épreuve, mais j’avance, une seule pensée en tête : "Tu peux râler autant que tu veux, Hardford, mais tu ne me laisseras jamais tomber."


La porte s’ouvre brusquement avant que je n’aie eu le temps de frapper. Elysabeth se tient là, les cheveux en bataille, une trousse de secours dans une main et une expression à mi-chemin entre l’exaspération et l’inquiétude sur le visage.

Elle porte un débardeur gris et un pantalon de pyjama en coton, et pourtant, elle a cette aura qui la rend... captivante. Elle me fusille du regard, comme si elle regrettait déjà de nous avoir ouverts la porte.


- Vous êtes incapables de rester en dehors des ennuis, n’est-ce pas ? lance-t-elle, son ton aussi aiguisé qu’un scalpel.


Je ne peux m’empêcher de sourire. La colère lui va bien.


- C’est notre façon de garder la vie excitante, dis-je en me penchant légèrement contre le cadre de la porte pour soulager ma douleur. Vous devriez essayer, ça vous irait à merveille.


- Entrez, soupire-t-elle, en se décalant pour nous laisser passer. Mais ne touchez à rien. Et surtout, ne saignez pas sur mes meubles.


Mason claudique à l’intérieur, s’appuyant sur mon épaule. Je fais un pas en avant, mais je sens mes jambes trembler légèrement. Pas devant elle. Je serre les dents et avance comme si tout allait bien, mais je sens son regard détailler chaque mouvement, chaque faiblesse que je tente de cacher.


- Asseyez-vous là, ordonne-t-elle, en désignant le canapé avec un mouvement de tête.


- Vous invitez souvent des criminels blessés chez vous, ou est-ce une offre exclusive ? je demande en m’effondrant sur le canapé avec un grognement.


- Vous êtes mes premiers, répond-elle en posant sa trousse sur la table basse. Et probablement les derniers.


Mason s’installe sur le fauteuil, grimaçant en posant sa jambe blessée. Je m’appuie contre le dossier du canapé, observant Elysabeth alors qu’elle ouvre sa trousse. Elle est méthodique, concentrée, et pourtant, je vois la tension dans ses épaules. Elle ne veut pas admettre qu’elle s’inquiète pour nous.


- Bien, dit-elle enfin, en se tournant vers Mason. On commence par toi.


- Moi ? proteste-t-il. Il saigne encore, regardez-le !


- Et toi, tu peux encore parler. Donc tu peux attendre, réplique-t-elle en lui lançant un regard perçant.


Je ne peux retenir un sourire.


- Voilà ce que j’aime chez vous, docteur. Vous avez un don pour remettre les gens à leur place.


Elle ne répond pas, mais je vois un coin de ses lèvres se relever légèrement. Une victoire pour moi.

Elle s’agenouille devant Mason et commence à examiner sa cuisse. Il grimace lorsque ses doigts touchent la plaie, mais elle ne ralentit pas. Elysabeth, c’est le genre de femme qui ne recule devant rien. Je la regarde travailler, fascinée malgré moi.


- La balle n’est pas restée coincée, dit-elle après un moment. Mais il faudra désinfecter et recoudre.


- Génial, grogne Mason. Vous avez des trucs pour la douleur ?


- Non, répond-elle sèchement. Mais j’ai du café si ça peut compenser.


Je ris doucement, mais ça tire sur ma plaie, et je grimace. Elle se tourne vers moi, son expression s’adoucissant légèrement avant de redevenir neutre.


- Vous allez tenir le coup encore cinq minutes ? demande-t-elle, presque sur un ton de défi.


- Avec vous, je tiendrais toute la nuit, réponds-je sans hésiter, un sourire en coin.


Elle lève les yeux au ciel, mais ses joues prennent une légère teinte rosée. Intéressant.

Après avoir recousu Mason, elle se lève, se frotte les mains et se dirige vers moi. Ses yeux rencontrent les miens, et je sens qu’elle essaie de comprendre ce qui se passe dans ma tête. Bonne chance, docteur.

— À votre tour, dit-elle simplement. Enlevez votre chemise.


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