Fyctia
Chapitre 33 - Caelia (1/2)
Je soupirai tout en resserrant le plaide contre mon corps. Mes paupières s’alourdissaient à chaque seconde. Je m’approchai en tâtant le sol, et pour réponse, le Saule Pleureur frémit. Ce vieil arbre refusait de nous parler. Mais il était ouvert au fait que je dorme au pied de son tronc. L’atmosphère, qui régnait autour de lui, était tellement apaisante, qu’il semblait couper de son territoire. Les animaux s’étaient recueillis auprès de lui, brisant la chaîne alimentaire. Prédateurs et proies vivaient en harmonie.
— Dis, tu ne veux toujours pas discuter ?
Ma voix n’était plus qu’un murmure, et une branche fournie de feuilles se posa sur mes yeux. Il semblait que le Saule Pleureur veuille que je dorme, ou que je me taise. Cela m’arracha un sourire, suivi d’un bâillement. Je sentais mon corps s’enfoncer dans le sol et telle une goutte rejoignant la mer, je sombrais. Mon sommeil était de nouveau charcuté de sons et d’images. Et je le vis. Son regard doré et son visage baigné de larmes. Son calme, trahissant une sourde douleur. Son cri déchira le ciel qui répondit à son écho. Les éclairs pleuvaient et il regardait ses mains, avant de plonger son regard dans le mien. Mon cœur rata un battement. Il semblait si réel. Brusquement, des dizaines de mains jaillirent du sol et l’entraînèrent dans un trou béant, qui venait de s’ouvrir sous ses pieds. Il susurra une parole.
J’ouvris les paupières, le souffle court. Le soleil était couché et le peu d’étoiles éclairait la nuit. Je m’enveloppai dans la couverture, sentant des vagues de sueurs froides me submerger. Je posai ma main sur le tronc du Saule Pleureur, un léger vent chaud me caressa.
— J’ai besoin que tu me réponds... Ou au moins à Luell...
Une feuille chatouilla ma joue et je saisis la branche. Malgré son entêtement, le Saule Pleureur tolérait et aimait ma présence. Il semblait vouloir dissimuler un lourd secret.
— Tu penses que je ne suis pas prête à entendre la vérité...
Son feuillage s’épaissit, à tel point, qu’un mur de branches et de feuilles nous encerclait. Ses feuilles se mirent à étinceler, virant à un vert vif. Je ressentais de diverses émotions, cependant, celle qui ressortait du lot, était la peur.
— De quoi as-tu peur ?
Des branches s’allièrent pour former deux oiseaux.
— Tu as peur pour Luell et moi ?
Les branches retombèrent, ainsi que mes épaules. J’étais dépassée par la situation, je me battais face à... Je ne savais même pas contre qui et pourquoi ces créatures attaquaient le royaume. C’était comme me débattre dans l’eau. Je pouvais battre des membres tel un oisillon cherchant à apprendre à voler. La finalité demeurait la même. Je me noyais.
— ... Même si je ne le montre pas. Je suis... Fatiguée ? J’étais certaine de la ligne d’arrivée en débutant l’expédition, et maintenant, (mon rire trancha mon élocution.), vais-je y arriver ? Je suis malade, du moins, je le crois. Ça se trouve que je vais mourir.
— Non ! Tu ne vas pas mourir ! Pesta Luell en se frayant un chemin dans le mur de végétation.
Je relevai les yeux vers lui et mon regard dériva vers le reste du groupe. Altaïr, Tarahban et le vieillard du nom d’Olp se tenaient derrière lui. Luell pouvait dire ce qu’il voulait, je sentais l’intérieur de mon être, être tiraillé. Chaque réveil était plus douloureux que le précédent, et chaque sommeil était aussi tempétueux que l’ancien. Même si je dormais, je ne me reposais pas. J’étais épuisée.
— Depuis quand tu te laisses aller à ce point ? M’attaqua Altaïr. Tu fais pitié. J’ai envie de te faire mordre la poussière, mais tu t’y prends déjà assez bien comme ça. Bouge-toi, sale piaf !
Tarahban lui décocha un regard noir, que le San Emie ignora. En quelques pas, il fut à ma hauteur et me souleva par le col. Je le regardai en haussant un sourcil. Luell tenta de lui faire lâcher mon vêtement et ainsi me reposer au sol.
— Quand je te vois comme ça, ça m’irrite. Où est ta fougue ? Maugréa Altaïr en me secouant un peu plus.
— Altaïr, pose ma sœur !
— Finalement, les faés sauvages devraient avoir un maître.
Altaïr me plaqua au tronc de l’arbre, me provoquant un hoquet de douleur. Mon manque de réaction redoubla sa colère. Ses yeux bleu nuit brillaient d’une violence.
— Altaïr, ça suffit. Ordonna Tarahban.
L’héritier des San Emie me libéra et je m’écroulai au sol comme une poupée de chiffon. Il me toisa de son regard et s’en alla en marmonnant.
— Il faut l’excuser, intervint Olp. Il veut-
— Susciter une réaction de ma part, je le sais bien. Lui coupai-je la parole. J’ai envie d’abandonner... mais, je suis certaine que ce que je vis actuellement à un sens. Alors je vais attendre. Un phénix peut attendre indéfiniment.
Le tronc frémit dans mon dos. Lui aussi, pensait que je devais attendre.
— Cependant, Altaïr aurait pu être plus doux... Marmonna Luell.
— Qu’est-ce que tu espères d’un San Emie ? Et surtout en lui ? Ris-je en regardant mon frère.
— Mon enfant, il faudrait que tu ailles dormir dans un vrai lit, tu ne peux pas rester au pied du Saule Pleureur, m’invita Olp.
— Je préfère être ici. J’aime l’harmonie de ce lieu. J’ai l’impression-
— D’être morte ? Lança Tarahban en croisant des bras. Justement, ce n’est pas sain.
Je contins un rire de justesse. Le chef des Black Claws me faisait rire. Il avait l’apparence d’un bûcheron, d’un papa ours. Et quand il me regardait avec cet air si... dubitatif, je ne pouvais que sentir ma poitrine se réchauffer.
— J’ai l’impression d’être en paix, le corrigeai-je avec un sourire. Sincèrement, je me sens mieux ici qu’à l’infirmerie. D’ailleurs, comment va le reste du royaume ? J’ai complètement oublié...
— C’est normal ! Et puis nous n’allons pas vous imposer des nouvelles assommantes alors que tu es un état...disgracieux. Toussota Olp.
Merci de me rappeler que je devais sûrement ressembler à un macchabée. Je refusais de croiser un miroir, rien que d’imaginer ma tête me suffisait. En revanche, je devais rectifier un certain point.
— Olp, je me lave hein. Derrière le Saule Pleureur, coule une petite rivière. Et Luell m’apporte des vêtements propres.
Le vieillard acquiesça à demi-mot. Il ne me croyait pas.
— D’où vient cette odeur de... (L’une de ses mains quitta sa cane pour me pointer.) bête ?
Je retroussai mon nez. Altaïr n’avait pas réussi à susciter ma colère, mais cette vieille vipère y arrivait très bien.
— Vous ne voyez pas les animaux autour ? Ils dorment proche de moi, c’est normal que je-
— Ma chère, si l’odeur de phacochère ne vous dérange pas, grand bien vous fasse.
Sa cane s’enflamma et il jura en la lâchant. Olp dépoussiéra ses vêtements et s’en alla aussi. Il n’y avait pas à dire le courant ne passait pas en nous. Ce qui expliquait pourquoi il s’entendait aussi bien avec l’autre sangsue. Tarahban explosa de rire en s’asseyant.
— Cela fait bien longtemps qu’Olp n’avait pas fui une bataille verbale.
— Comment réussissez-vous à supporter cet homme ?
1 commentaire
Akame
-
Il y a un an