Fyctia
Chapitre 30 - Caelia
La situation était plus que loufoque. Le dernier souvenir, que je possédais, était cette ombre m’engloutissant. Et au lieu de me trouver dans un estomac, j’étais à l’entrée d’une grotte. Luell faisait les cent pas derrière moi.
— C’est pour le moins étrange... Nous ne sommes là que de manière spirituelle. Révéla mon frère en passant la main devant son visage. Nous sommes transparents, mais nous ne pouvons pas traverser des objets...
— Serait-ce un autre lieu coupé de la trame temporelle ?
— Le seul moyen de le savoir et de passer ce portail... grinça-t-il.
Il était vrai que le portail, ou plutôt, le vortex violet, encastré dans un mur en pierre, ne présageait rien de bon. L’énergie, qui s’en dégageait, était sombre.
J’approchai ma main du vortex et il crépita, de minuscules éclairs s’échappèrent et le vortex prit la forme d’un miroir... Non, d’une vitre. Je voyais à travers.
— Un tunnel ? Je refuse de mettre les pieds là-bas ! Pesta Luell.
— Je pense que nous n’avons pas le choix. Il faut sûrement avancer pour nous réveiller.
Je tirai de force mon frère et nous traversâmes le vortex. Un tunnel ancien, construit il y avait longtemps. Des gouttes d’eau s’écoulaient des fissures dans la roche.
— Soit le lieu est enchanté, soit quelqu’un y est passé peu de temps avant nous. Enquêta Luell en fixant les torches enflammées.
Après quelques minutes de marche, un pont brisé nous accueillit. De l’autre côté, le chemin continuait. Un torrent puissant dévalait des fractures rocheuses et rejoignait une rivière. Certaines îles flottaient dans l’air. Et encore une fois, cette magie ténébreuse se fit ressentir.
— Je suppose que nous devons prendre notre forme de phénix ?
— Non. Il y a énormément d’eau ici. Notre pouvoir sera altéré. Il doit y avoir un autre moyen de traverser. Répondis-je.
Luell me poussa au sol et plaqua sa main sur ma bouche et d’un geste de la tête, il m’indiqua une direction. En contre bas, proche de la rive, des ombres virevoltaient.
— Nous sommes en terre ennemie ? Chuchota Luell, je haussai des épaules.
Grâce à Luell et son magnifique plaquage, j’avais un angle de vue différent, et cela me permit de voir cet éclat doré. Je tournai la tête de mon petit frère pour qu’il le voie aussi et il écarquilla des cils en me faisant face. Il avait pensé à ma même chose que moi. Un mécanisme entouré de magie lumineuse. Nous rampâmes jusqu’au mécanisme. Il s’agissait d’un verrou magique. Il fallait juste insuffler un brin de magie et le pont avait une chance de se reformer.
— Ils vont nous remarquer, non ?
— Prépare-toi à courir alors.
Sans lui laisser le temps de répondre, j’envoyai un jet de flammes sur le mécanisme, il aspira la magie et s’activa. En une fraction de seconde, des blocs de pierre s’assemblèrent pour construire un pont. Luell bondit en même temps que moi alors que les voix ombreuses résonnaient. A chaque pas, le pont s’effritait et les pierres tanguaient sous nos pieds. Une fois de l’autre côté, je pivotai et crachai des flammes violettes. Les créatures hurlèrent et périrent dans le feu.
— Ca va ? S’enquit Luell en palpant ma gorge, je hochai en déglutissant.
Cracher des flammes aussi brûlantes sous une forme humanoïde engendrait une sensation dérangeante. Je suivis Luell en haletant, chaque respiration me piquait. Le décor avait changé, l’antre rocheux s’était métamorphosé pour un environnement plus luxueux. Le sol en marbre brillait et renvoyait nos reflets. Un son métallique se répercuta contre les murs parfaitement polis et nous nous cachâmes dans une alcôve, derrière une armure lustrée. Une femme vêtue de noir, arpentant des cicatrices noirâtres et possédant ma plume de phénix passa devant nous.
— Il est arrivé quelque chose à Altaïr ? S’exclama Luell si violent que l’armure tomba dans un fracas.
La femme s’arrêta et recula lentement pour observer l’armure, puis l’alcôve. Luell s’apprêta à frapper lorsque je le stoppai. La femme ne nous voyait pas, et pourtant, nous étions face à elle. Elle s’éloigna en marmonnant.
— Depuis le début, nous nous cachons alors qu’ils ne peuvent pas nous voir ! S’insurgea Luell en frappant dans le casque de l’armure, qui percuta un pilier.
— Dans tous les cas, tout est énigmatique. Dans le Tombeau des Flammes, nous n’avons pas cette apparence fantomatique, et ici, oui. Nous ne savons même pas comment revenir à nos corps.
— Je suppose que nous devons explorer ?
— Un vortex nous a menés à cet endroit, un autre devrait nous faire sortir... Enfin, je pense ! Pas besoin de me regarder comme ça ! Il roula des yeux massant sa nuque.
— Je suppose que nous devons suivre cette magie ténébreuse...
— Je pense que tu as raison pour “suivre la magie”. Mais pas la ténébreuse, la lumineuse. Celle qui englobait le mécanisme. Et puis, il doit avoir un but. Ca doit être une opportunité pour nous. Si nous sommes en terre ennemie et presque invisible-
— Nous devons récolter le plus d’informations possibles, sourit Luell. Cela reste une affreuse idée.
Pendant des heures, nous arpentions l’environnement. D’après les observations et les écoutes, il s’agissait d’un château maudit, en dehors du Royaume de la Reine Anaxarete. Autrement dit, un lieu interdit. Nous étions entrés dans la bibliothèque de ce palace pour prendre du repos. Les livres étaient anciens et vivaient dans la poussière. J’éternuai et une ombre se tourna vers moi. Elle glissa vers moi et accusa sa collègue avant de partir. Une révélation me frappa à ce moment et je vis que Luell me pointait la même chose. Les ombres de ce palais avaient forme humaine, pas comme celles de le Forêt des Songes ou celle qui nous avait avalé.
Mes rétines captèrent cette lumière lumineuse, elle brillait dans une aile repoussée de la bibliothèque. Une fois devant, la magie étincelante s’étouffa et dévoila une peinture. Je plissai des cils. Encore une langue ancienne.
— Celle du Tombeau. Annonça le neveu d’Axion.
Je levai la tête pour découvrir la peinture. Elle montrait un très bel homme, le menton levé, il respirait le pouvoir. Un teint halé, des cheveux noirs, des yeux dorés. Il portait une couronne argentée incrustée d’onyx et autres pierres sombres. Quand mon regard croisa celui de la peinture, une sensation grouilla dans mon être, suivi d’un frisson qui me fit chanceler.
— Luell ! Nous y allons ! Maintenant ! M’affolai-je.
— Je dois finir d’écrire le cartel de l’œuvre ! Pour le Saule Pleureur.
— Vite, je n’aime pas cette peinture.
Une fois la retranscription réalisée, nous tournâmes le dos à la peinture, tandis que Luell disparaissait devant. Mon instinct me poussa à échanger un dernier regard à l’art et mon sang se glaça. L’homme de la peinture m’offrait un sourire mauvais, Luell réapparut en me pressant, et les lèvres du portrait bougèrent. Un vent martial souleva les étagères et les livres, dévastant tout sur son passage. Lorsque le vent nous toucha, mes yeux s’ouvrirent. Un plafond inconnu.
1 commentaire
Akame
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Il y a un an