Yappae Sang Embrasé Chapitre 29 - Altaïr

Chapitre 29 - Altaïr

Je soufflai. Toute la tension contenue dans mon corps disparut. J’observais Caelia et Luell dormir paisiblement dans des lits de fortune.


— Normalement, ils vont bien. M’indiqua un médecin. Par contre, je ne sais pas combien de temps, ils vont mettre se réveiller. Ils sont désorientés... Je veux dire, leur pouvoir est désorienté. Mais ça devrait revenir. Ils doivent se sortir de là seuls.


La porte de l’infirmerie bricolée s’ouvrit pour dévoiler le chef des Black Claws. Je le détaillai de la tête au pied. Durant la réunion avec la Reine Anaxarete, je l’avais ignoré. Malgré son manque d’implication dans la sphère politique, il dégageait une noble prestance. Ses cheveux bruns et courts, sa cicatrice qui barrait son œil gauche et sa pupille droite d’un bleu métallique qui me fixait, accentuaient son aura. Il semblait même plus puissant sur son territoire, que face aux autres chefs. En cet instant, son apparence me remémorait à quelle espèce il appartenait. Le chef des Black Claws était un barghest. Des chiens monstrueux et immenses.


— Je m’excuse de cet accueil armé. Notre territoire n’est plus sûr... Je ne suis pas certain de mettre présenter, je suis-


— Le chef Tarahban des Black Claws. L’interrompis-je en me relevant, tout en baissant la tête.


Il répondit du même geste.


— C’est un honneur, d’avoir sur mon territoire l’héritier des San Emie et des enfants d’Alpha Nemi. Comment vont-ils ? S’enquit Tarahban.


— Bien mieux. Mais ils doivent encore se réveiller... C’est la partie la plus dure. Répliqua le médecin. Ils semblent absorber dans un rêve, ou un sort mental... Je n’arrive pas à savoir. Tout ce que je sais, est que ce n’est pas naturel.


Je me rassis sur le lit, pour me rapprocher de mon petit poussin.


— Vous semblez bien plus proche que ce que l’opinion publique pense. Remarqua Tarahban avec un sourire.


Mes doigts chassèrent du visage, les boucles de cheveux de Caelia. Mon index traça l’arête du nez du phénix et quelque chose me surprit. Je ne possédais plus la plume et pourtant la douleur de mes stigmates était presque effacée. Serait-ce notre lien qui permettait ce soulagement ou le phénix avait changé de pensées me concernant ? La porte se ferma derrière le médecin et Tarahban. Je pris en coupe le visage de Caelia et posai mon front contre le sien.


— J’attends que tu te réveilles, petit poussin... Nous devons encore rencontrer le Saule Pleureur. Soufflai-je contre ses lèvres.


Je m’éloignai avant de commettre un impair. Je ne voulais pas l’embrasser sans son consentement et sans que cela ne vienne d’elle. Cette nouvelle pensée me fit froncer des sourcils. Sans m’en rendre compte, j’évoluais. Avant, je n’aurais pas hésité à la capturer et à l’emprisonner, surtout dans un moment de faiblesse pareil. Je voulais m’améliorer pour que ses yeux cessent de fixer avec aversion. Je désirais voir cette lueur, cette fougue dans ses pupilles dorées. Celle qu’elle avait en m’embrassant ou pendant nos joutes verbales. Je souhaitais l’observer constamment. Ma main resta sur son visage, inquiet pour la rougeur de celui-ci.


Sauf que ma main quitta son visage quand cet ordre me revint. J’avais une mission. Je ne pouvais me laisser dominer par des émotions vaines. Une lourdeur s’appuya sur mes épaules et je me détournai de Caelia. Je n’avais pas le droit d’éprouver autre chose que de la haine pour elle. Je ne pouvais pas... J’étais voué à la détruire.


Mon père m’avait confié une tâche, celle de faire périr le phénix ou le capturer. Il avait besoin de son pouvoir et moi, je devais me venger des stigmates. Tel était le plan original...

Caelia avait semé la discorde dans mon esprit. J’avais l’impression d’être devenu fou et enivré par elle. Il n’y avait plus aucun doute, je devais garder mes distances avant que mon cœur ne se gonfle un peu plus pour elle. Ce tourbillon, qui saisissait en moi, s’intensifiait.


Je sortis de l’infirmerie et croisai de nombreuses personnes, des petits et des grands. Il semblait qu’une grande partie eût subsisté à l’attaque. Tarahban discutait, au loin, avec un vieillard borgne. Celui-ci me pointa du doigt et Tarahban m’invita à les rejoindre. J’enjambai des lianes et racines et grimpai sur la colline rocheuse.


— J’ai ouï dire que vous cherchiez à entrer en contact avec le Saule Pleureur. Déclara le vieillard, alors que j’acquiesçai. Bien. Cela va être difficile pour vous... Il est grognon, mais réfléchi. Il faudra persévérer... Puis-je vous demander pourquoi vous voulez le rencontrer ?


— ... Les deux phénix aimeraient échanger des mots avec lui. Il serait le plus ancien et celui qui a assisté à La Lune Noire. Répliquai-je en zieutant l’horizon, c’était fascinant la manière dont le camp s’échafaudait.


—... Je vois, il murmura en repositionnant sa canne.


— Plus très bien, du coup…gloussa Tarahban, ce qui lui valut un coup de canne dans le mollet.


Je hochai la tête sans grande réflexion, sans savoir où me mettre. Je ressentais de la gêne face à ce genre de complicité.


— Comment vous êtes-vous débarrassés de cette femme des glaces ? Reprit Tarahban.


— Elle m’a simplement posé une question sur la faiblesse des phénix... Ce que je trouve étrange.


—... Mon fils, poursuivit le vieillard, je ne sais pas dans quoi vous avez les pieds empêtrés, mais gare à vous. Rien n’est entrepris au hasard dans ce monde. Surtout en Féérie.


Je fronçai des sourcils, me questionnant sur ses dires. Il était vrai que cette question était en ma faveur. Si je bougeais correctement mes pions, je réussirais la mission de mon père. Je pourrais mettre à terre Caelia. Vlad désirait forcer Caelia à accomplir une action que seul un phénix pouvait réaliser, sauf que la nièce d’Axion n’accepterait pas. Il fallait donc l’affaiblir. De cette manière, mon autre pouvoir, contenu dans ma lignée, pourrait être usé. Il me permettait de manipuler mentalement une créature. Et maintenant, grâce à cette femme des glaces, je savais comment ébranler la puissance de mon petit canari.


— N’oubliez pas... parfois les ennemis sont plus proches que l’on le pense. Conclut le vieillard avant de s’en aller.


Tarahban me tapota l’épaule avant de suivre l’homme âgé. Mon regard divagua dans le décor et mes oreilles se laissèrent porter par les chants des enfants des Black Claws. Une chanson douce, rythmée et dramatique. Les paroles contaient une histoire d’amour et une trahison qui avait mené à la destruction d’un royaume. Je m’assis et me laissai troubler par les voix féeriques. Je me noyais dans le ciel parsemé d’étoiles et de nuages. Mon cerveau et mon cœur entraient en bataille, et pourtant, mon souffle était calme.


Quel était le bon chemin à suivre ? Mon père, mon mentor, celui qui m’avait tout appris ou celle qui avait égayé mes ténèbres.

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2 commentaires

Akame

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Il y a un an

Mon petit Altaïr tu semble t'enfoncer dans les méandres d'un amour qui va à l'encontre de tout ce que tu prévoyais Ton petit papa va te taper sur les doigts quand il va le savoir ma sangsue préféré ;)

Yappae

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Il y a un an

Il patauge même 😭 le pauvre. « taper sur les doigts » c’est mignon, Vlad peut être un véritable monstre même avec son fils unique.
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