Fyctia
Chapitre 28 - Altaïr
La femme leva ses ongles noirs vers moi, m’incitant à saisir sa main. Avec un rictus, je plaquai en arrière les mèches de cheveux qui chatouillaient mon front. Elle pouvait toujours courir. Sa main rejoignit sa hanche, rythmée par un ricanement.
— Méfiant ? Voyons, je ne vais rien te faire.
— Venant d’une personne qui vient de me menacer de faire de moi son esclave, c’est culotté. Répliquai-je.
— Tu devrais comprendre mon envie... Tu as... avais exactement la même envie avec ce magnifique phénix.
Je fronçai des sourcils et son rire mauvais s’accentua.
— Tu te questionnes, n’est-ce pas ? Comment le sais-je ? Si tu m’offres un baiser, je veux bien y répondre.
Je la dévisageai en arquant un sourcil. La folie devait être sérieusement agrippée à son être.
— Que suis-je bête ! La seule créature que tu veux dorloter est actuellement captive...
L’arrogance et la condescendance de cette femme suintaient à des kilomètres. Avais-je le même comportement face à Caelia ?
— Pour revenir à mon petit jeu... il s’agit juste d’une devinette, une question. Elle te permettra de mieux concevoir la situation.
Son sourire me provoqua un frisson si intense que je reculai d’un pas. Elle pencha la tête et ses cheveux bleu-nuit glissèrent sur son visage. Elle frappa dans ses mains, telle une enfant, et prit son inspiration.
— Qu’est-ce qui peut retenir un phénix captif ?
Je plissai des paupières. Il y avait bien ce matériau étrange qui avait neutralisé Caelia, plus d’une fois. Mais ce serait trop simple... Dans leur forme animale, l’eau demeurait un danger important pour eux, mais ils en mourraient rarement. Il y avait aussi la complexité de leur flamme. Un cri m’aspira de mes réflexions. Dans la glace, mes souvenirs continuaient de défiler et la femme les regardait avec grand intérêt. Le cri, qui avait été émis, provenait de ma bouche d’enfant.
La douleur inondait ma joue qui gonflait au fils des minutes. Mon père, Vlad, m’observait d’un œil froid alors que ma mère tissait des fils d’or, sans se soucier de moi.
— Altaïr ! Comment oses-tu fricoter avec une créature des Alpha Nemi !
Je venais à peine de revenir de la Marche des Etoiles. Après de nombreux jours, éloigné de mon sang, voilà la manière dont j’étais accueilli du haut de mes six ans. Je reniflai ravalant mes larmes, qui je savais allaient enrager mon géniteur. Ma mère souffla en posant enfin sa toile.
— Quel gâchis... J’avais prévu de l’user pour tes funérailles... Tu aurais pu revenir plus tôt, Altaïr, j’avais entamé mon deuil. Ma foi, je suis heureuse que tu sois parmi nous. Je n’avais pas envie d’avoir un autre enfant.
Je l’avais toujours su. Je n’étais qu’un pion pour mes parents. Le parfait enfant, le digne descendant et l’héritier. A la différence des parents de Caelia, qui m’avaient offert un foyer avant que je ne m'en fuie, je grandissais dans une famille sans amour. Du moins, ma mère m’offrait un minimum d’affection, mais seul le but importait. C’était la raison du mariage de mes parents : avoir un héritier sans défaut.
— Si tu avais été intelligent, tu aurais pu forcer cet oiseau à venir à San Emie... Marmonna Vlad. Sais-tu combien les phénix de feu sont rares et presque indestructibles !
— Tu te trompes... Pour blesser un phénix, il faut l’attaquer à une autre échelle. Répondit ma mère calmement.
Étant petit, j’admirais souvent la beauté froide de ma mère. Ses cheveux argentés, sa peau blanche et pâle, et ses yeux similaires au mien. A quelques différences près, j’avais hérité des gênes de ma mère.
— Que veux-tu dire, Arista ?
Ma mère se leva et me saisit la main, tout en m’entraînant vers la porte.
— Tu n’as qu’à réfléchir, Vlad. Cracha Arista, ce qui me fit sursauter. Et... Si tu touches encore la joue de mon fils, Vlad, tu peux être marié à moi, je te ferai vivre l’enfer. N’oublie pas qui tu es.
La femme claqua des doigts devant mon visage.
— Ta mère est telle une lionne. Elle me fait presque peur ! As-tu ma réponse ?
Je déglutis. Je ne savais pas si cette femme avait aiguillé mon souvenir ou non, ou si mon esprit avait projeté ce qu’il me fallait pour répondre.
— Ses émotions. Les émotions que les phénix ressentent sont leurs pires ennemies, et surtout pour les phénix de feu. C’est ce qui peut retenir captif un phénix.
— L’as-tu compris grâce à ton souvenir ou...
— Mon souvenir m’a aidé, mais il faut dire que l’histoire de Khanos, ce phénix de feu dont les flammes étaient devenues noires, m’est toujours resté en tête. Ses émotions haineuses l’ont rendu prisonnier au point de corrompre ses propres flammes.
La femme rit et tourna sur elle-même, les bras parfaitement tendus, je l’épiai en fronçant des sourcils. La glace disparut et l’ombre, qui avait dévoré les deux phénix, jaillit de terre. D’un bond, je m’éloignai évitant la lave. L’amas de noirceur régurgita, et avec de la bave, Caelia et Luell s’écoulèrent au sol. Je m’agenouillai à leur côté, ignorant la chaleur du sol. Ils respiraient. Mon corps chercha automatiquement le contact de celui de Caelia, ma main se plaça sur sa joue et mon pouce caressa sa pommette.
L’étrange femme tendit la main et la plume de phénix de Caelia, celle injectée de mon sang, atterrit dans la paume de sa main. Je me mordis la lèvre.
— Si tu me le permets... Je vais garder cette plume. Expira douloureusement la femme.
Mes cils s’écarquillèrent. De nombreuses cicatrices arpentèrent son corps. Elle semblait être atteinte de la même malédiction que moi. Le mal d’un phénix. Sauf que ses stigmates offraient un liquide noir et non doré comme les miennes. Un sourire triste se logea sur son visage.
— J’espère de tout cœur que vous le délivrez... Vous en avez l’étoffe, cette plume en est la preuve... Le Saule Pleureur est derrière moi, à quelques kilomètres...
— … Pourquoi nous aider ? Demandai-je incertain.
— Nous méritons la paix... Lui encore plus.
Sur cette dernière phrase, du corps de la femme ondula de la fumée et elle disparut dans l’air. L’ombre se volatilisa aussi, avec un grognement doux.
Ma stupeur s’arrêta lorsque Caelia bougea contre ma main. Elle papillonna des cils et murmura mon prénom dans un demi-sommeil. Mon cœur s’emballa et je ne pus empêcher un sourire d’apparaître sur mes lèvres. D’une main, j’installai Luell dans mon dos et portai Caelia assise sur mon autre avant-bras. J’avais l’impression d’être un âne...
Un pas après l’autre, j’arrivai enfin au territoire rocailleux du Saule Pleureur. Ainz avait raison, l’arbre avait réussi à se protéger. J'esquivai difficilement une flèche qui frôla mon pied et de nombreux archers se dévoilèrent.
— Qui êtes-vous ? Tonitrua une voix forte.
2 commentaires
Ria Victory
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Il y a un an
Akame
-
Il y a un an