Fyctia

De nombreuses minutes s’écoulèrent alors que nous progressions dans la fente de la montagne. Mes flammes s’éteignirent nous laissant dans le noir complet. Nolya poussa un cri lorsqu’une flamme bleutée flotta autour de sa tête et virevolta entre nos jambes. De petits yeux blancs brillaient au milieu de cette petite flamme.

— Un feu follet, souffla Izak, étonné.

Les feux follets apparaissaient rarement, ils étaient éphémères. D’autant plus que sur le territoire des San Emie, les chances d’en apercevoir étaient aussi fines qu’une aiguille. Je comprenais la stupéfaction d’Izak. Ils demeuraient dans des habitats en paix et en harmonie avec la vie. J’en avais déjà observé sur mon territoire et proche du château de la Reine.

Bien que mal, j’attrapai la main de Grim qui s’apprêtait à toucher le feu follet. Je le grondai du regard et Altaïr prit la parole.

— Ne jamais toucher un feu follet, si tu n’es pas un faé lié au feu. La lumière verte ou bleue qu’ils émettent montre le degré de température à laquelle ils brûlent. Les flammes de ces teintes se trouvent juste avant la violette, qui est la plus puissante. Il faut être suffisamment à l’aise avec ses flammes pour les manifester et les maitriser. Même le faé peut se blesser.

— Oh. Donc ce sale piaf arrive à contrôler parfaitement ses flammes. Maugréa Izak en m’épiant, et je lui répondis dans un sourire.

— Si mes flammes t’avaient touché, tu ne serais plus de ce monde, c’est pour ça que ton maître s’est interposé. Sois heureux.

Le brun pesta et fixa la créature qui se posa dans le creux de ma main. Je lui tapotai la tête de la pulpe de mon index.

— A part être une veilleuse à quoi sert cette bestiole ? S’enquit Izak, alors que Nolya, Luell et Grim la cajolaient des yeux.

— Les feux follets peuvent prévenir du danger, guider une âme et pleurer la mort d’épargner. Enumérai-je.

La flamme bleue sauta de ma main et vola au loin, elle voulait que nous la suivions. Je me plaçai proche du dragon d’or pour lui murmurer quelques mots. Il mordit sa lèvre et secoua sa tête. De multiples feux follets apparurent à chacun de nos pas. Certains curieux s’approchaient, d’autres fuyaient.

Le tout premier feu follet à s’être présenté à nous, sautillait d’impatience pour que nous accélérions le pas. J’avais dit qu’ils pouvaient “guider une âme”, mais cela dépendait où elle voulait se rendre. Autrement dit, en suivant un feu follet, il n’y avait aucune certitude de survivre. Certains vous forçaient à surpasser vos obstacles, à observer la vérité avec la même clarté qu’un miroir ou à comprendre le souhait de votre esprit. Les feux follets étaient neutres, ils reflétaient la lumière fugace mais réelle que ce monde diffusait.

Si j’avais eu le temps et le moral pour contempler, j’aurais apprécié ce ballet de feux follets dansants et s’amusant, malgré la noirceur et l’humidité de ce chemin rocailleux, un magnifique spectacle s’offrait à nous. Le feu follet s’arrêta face à une brèche qui filtrait une lumière. Il était temps de découvrir le paysage des Black Claws, ou du moins, ce qu’il en restait.

Izak décocha un coup puissant pour grandir l’ouverture et les feux follets s’atrophièrent pour disparaître définitivement. Une onomatopée nous parcourra tous, lorsque le paysage se révéla à nous. J’avais juste l’impression d’avoir posé les pieds en enfer. Une chaleur insupportable nous prit à la gorge. Le paysage montagneux et rocailleux était strié et tacheté de lave. L’eau des lacs, rivières et points d’eau bouillaient dans une couleur orange. Heureusement qu’aucun faé de l’eau était avec nous. Je voyais mes camarades devenir rouge pivoine et suer à grosses gouttes. Seul Luell était épargné, tout comme moi.

— Nous devons vraiment avancer ? Questionna Nolya, fébrile.

Le sylphe avait noué ses cheveux en un chignon et manipulait l’air, de ses mains, pour rafraîchir nos camarades. Par petites vagues, elle propulsa de l’air sur nos visages.

— Je vais mourir... pleura Grim en s’écroulant au sol.

Le pauvre Dark Night tirait la langue et succombait peu à peu à la chaleur. Je tirai le bras d’Altaïr et pointai Grim du doigt. Il grimaça et capitula. L’héritier des San Emie s’agenouilla et posa sa main sur le front du wendigo. Le masque en forme de crâne de cerf glissa de sa tête et se brisa. Grim ne réagit point, il se concentrait sur les sensations qui se répandaient en lui.

— J’ai ralenti ton rythme cardiaque et j’ai baissé la température de ton corps. Dit Altaïr en se relevant. Garde tes forces et ne t’agites plus bêtement.

— … Donc le but de la mission est de trouver votre arbre ? Pourquoi ? Demanda Izak en revenant vers nous. D’ailleurs, il y a un chemin en dessous.

— Nous pensons que le Saule Pleureur est celui de la légende. Divulgua Luell.

Le doute traversa mon groupe.

— Nous allons miser nos vies sur une déduction ? Rouspéta Izak.

— Une certitude. Répliquai-je. J’en suis certaine. Izak, tu m’insupportes autant que l’animosité que tu ressens pour moi. Mais je te demanderai de me faire confiance. Je ferai tout pour chaque personne de mon escouade vive une longue vie. Et peu importe ce que je ressens pour vous.

Izak interrogea du regard son maître et Altaïr afficha un fin sourire et acquiesça. Ses iris bleutés se plantèrent dans les miens et son ordre me déstabilisa.

— Attache mes cheveux ? Il commence à faire chaud.

Luell explosa de rire, suivi d’Ainz et de Nolya. J’étais désabusée, et je me pinçai l’arête du nez. La Diva était de retour. Je devrais peut-être changer définitivement son surnom, passer de “sangsue” à “princesse”... Le pire était qu’Altaïr attendait sérieusement. Je soufflai et m’exécutai rapidement.

— J’attends une belle coiffure.

— Continue à me casser la tête, et je coupe ta chevelure. Pestai-je.

— J’aurais planté mes crocs dans ta gorge avant que tu ne puisses faire quoi que ce soit. Rétorqua la sangsue.

Je m’éloignai de lui une fois sa queue-de-cheval faite, il me l’envoya en pleine figure et sa voix résonna :

— Bien, le temps de récupération est terminé. Mettons-nous en route.