Fyctia

La carte en main, je dirigeais mon escouade, nous touchions enfin la fin du territoire de Sweet Melody. Je savais que Black Claws débutait à l’orée du paysage montagneux, si agréable pour les dragons et autres créatures en quête de tranquillité. Cependant, le chef de ce clan ne gouvernait pas réellement son territoire, il le laissait vivre sans s’en soucier. De ce fait, il ne contrôlait pas l’entièreté de sa terre. Certaines parties étaient donc plus ou moins dangereuses et désertes. Les brigands y étaient présents et les monstres aussi.

— Grande sœur ! Regarde. S’exclama Luell tout sourire.

Au loin, les pointes des montages se dessinaient, elles fendaient la canopée dans un silence perturbant.

Tu devrais redoubler de vigilance... Je n’aime pas ce territoire.

Je fronçai des sourcils. Qu’est-ce qu’Opal voulait dire ? Je me penchai vers sa tête tout en caressant son encolure. Son iris jaune me transperça et il tourna sa tête pour épier les montagnes qui prenaient plus de place dans le paysage. Je déglutis et un malaise ondula dans mes organes. Une fois, au pied des massifs montagneux, les montures s’excitèrent et Grim tomba de la sienne.

Petit phénix... Ce territoire...

Une masse pourfendit les nuages et fondit sur moi. Kiki battait des ailes, affolé, désorienté. Son plumage était ébouriffé et sale. Il croassa violemment, prit dans une transe totale. Chaque cri strident perça mon cœur alors je palissais à vue d’œil. Un frisson me parcourut et je vis que Luell me cherchait du regard. Quant à Ainz, il était perplexe. Lui aussi, en tant que faé sauvage le ressentait, de la même manière que les montures se rebellaient. Le territoire de Black Claws n’était plus.

Je retins un haut-le-cœur et descendis d’Opal. Je lui ordonnai de calmer les Dévoreurs d’Âmes, les licornes et pégases.

— Les sauvageons ? On peut avoir une idée de ce qu’il se passe ? Questionna Izak avec un mauvais sourire.

— Très simple. Le territoire des Black Claws est tombé. Révéla le dragon d’or, une fois le choc diffusé.

— Co-comment ça ? S’enquit Nolya qui s’assurait que Grim aille bien.

— Il faut prévenir la Reine, expulsa de sa pensée Luell. Il faut rentrer !

— Même si le territoire n’est plus, comme vous dites, il doit quand même rester des survivants ! Riposta Grim.

Je sursautai lorsqu’Altaïr posa sa main sur mon épaule. Qu’est-ce que je devais faire ? J’avais besoin de parler au Saule Pleureur, mais il y avait plein proche de la Reine... Des survivants, il devait en avoir. Mais je devais privilégier la survie de mon groupe...

— Caelia, calme-toi. Murmura le San Emie en resserrant sa poigne sur mon épaule. Tu es la cheffe du groupe. Peu importe ce que tu choisiras, nous te suivrons. Et personne ne te jugera. Personne.

Je me tenais, fébrile, face à eux et Kiki se posa sur ma tête. Les Créatures de l’Ombre avaient gagné plus de terrain que nous le pensions. Nous aurions dû nous rendre à Black Claws dès la nouvelle de l’apparition de ces créatures. Non. Cela n’aurait rien changé. Il fallait que je réfléchisse. Il y avait de fortes chances qu’un traître aide les Créatures de l’Ombre. Que gagnerait-il en s’alliant à elles ? Je n’en avais aucune idée. Que cherchaient-elles ? Luell et moi, non, elles en étaient après le Tombeau des Flammes. Pourquoi s’attaquer en premier à un territoire éloigné, sans ambition ? S’en prendre à un territoire tel qu’Alpha Nemi ou San Emie pencherait la balance en leur faveur. A moins que...

— Ainz, quel âge a le Saule Pleureur ?

Un silence s’instaura et Izak fronçait des sourcils, tout comme Nolya et Grim. Le dragon d’or ouvrit la bouche pour la clore. Il ne savait pas et cela ne faisait que renforcer mon idée. Si la pensée qui germait s’avérait être la vérité, alors je me devais de risquer l’inimaginable.

— Je te suis ! S’exprima Luell.

Décidément, mon petit frère était bien malin, il avait conclu la même solution que la mienne. Il nous fallait ce Saule Pleureur.

— Nous allons nous enfoncer sur le territoire. Mais vous pouvez vous désister maintenant, car une fois derrière ces montagnes, nous serons livrés à nous-même. Nous devrons marcher, car les montures ne suivront pas. Et ni la Reine, ni les autres clans ne pourront nous aider. Menaçai-je.

Je voulais qu’ils comprennent parfaitement le danger qui planait sur nos têtes. Nous pouvions y laisser nos vies.

— Je propose deux groupes en cas de séparation, intervint Altaïr. Le dragon ira avec Luell, Grim et Nolya. Et Caelia restera avec moi et Izak.

Je penchai la tête et plissai des paupières. Je voulais le contredire, mais la sangsue avait murement réfléchi. En cas de souci, Ainz pourrait les faire sortir rapidement du territoire et les protéger. Je hochai de la tête.

— Opal, rentre aux écuries avec les montures et conte la situation à la Reine. Kiki, tu vas avec lui. Je refuse que tu traverses de nouveau ce terrain. Ainz. A toi de passer devant.

Il acquiesça et se faufila dans une crevasse, je claquai des doigts et des flammes flottèrent autour de nous. La lézarde se referma dernière nous. Le regard vif d’Opal fut la dernière chose que je vis.

Nous étions maintenant en terre ennemie