Fyctia

J’observais mes mains et je les revoyais tachées du sang de Silas et des parents. Je ne pouvais pas me permettre d’abandonner ma vengeance. Son revirement de comportement me déstabilisait plus qu’il ne le devrait, mon regard bifurqua sournoisement vers lui, et Altaïr épiait avec un certain intérêt son environnement. Il semblait émerveillé du décor et son visage si inexpressif se réveillait d’émotions. Il ressemblait à un enfant face à son jouet préféré.

La brume se mouvait autour de nous et prenait forme. J’entendais au loin, dans mes souvenirs, la voix de Silas.

— Tu vas y arriver, petite sœur. Un pas après l’autre, m’encouragea Silas alors que je tentais de me tenir debout.

Il avait pour l’habitude de créer une patinoire pour les enfants d’Alpha Nemi. Et cette année-là, mes parents m’avaient donné l’autorisation de patiner. Leur rire chaleureux résonnait dans mes oreilles et je puisais en lui la force de me relever. Mon frère était si gracieux, il virevoltait tel un flocon de neige. Il paraissait insaisissable, je lui courais après sans jamais réussir à le rattraper. Il était fugace comme la vie d’un papillon. Silas posa ses mains sur mes joues rougies par le froid et son sourire me donna une nouvelle vague de volonté.

— N’oublie jamais, petite sœur, peu importe ce que tu choisis, je suis fière de toi.

Il me souffla ses mots en m’entraînant sur l’eau gelée par sa magie.

Peu importe ce que je ferais, Silas serait de mon côté. Je chassai mes larmes d’un revers de la main et me plantai devant Altaïr. Il me devança, son air hautain de nouveau plaqué sur son visage.

— Tu as parlé du “Tombeau des Flammes” ? Peux-tu éclairer ma lanterne ou la grande Caelia décide de se murer dans le silence ?

Je le fixai désabusée. Cet homme allait me rendre folle. Il pouvait se montrer doux comme un agneau et redevenir une sale bête en quelques instants.

— Où est passé le pleurnichard de tout à l’heure ? Demandai-je en arquant d’un sourcil.

— J’ai remis mes idées au clair. Et je n’ai pas pleurniché, j’ai juste émis des faits. Mon père a tué tes parents, je ne suis pas responsable. Et je n’ai pas tué Silas.

Je voulus ouvrir ma bouche et contester, mais je me ravisai. Il n’y avait aucune preuve concrète qu’il était l’assassin, hormis la possession du corps et mes vagues souvenirs de ce jour-là.

— Ton clan nous brise les vertèbres chaque matin. Répliquai-je.

— Qui aime bien, châtie bien.

J’allais simplement l’ignorer. Altaïr ne semblait pas sain. Cependant, je pris le choix de lui répondre.

— Le Tombeau des Flammes est un lieu important pour les phénix, et principalement de feu. Il est lié à notre essence même, et il est intemporel. Lui révélai-je quelque peu irritée.

J’avais décidé de le mettre dans la confidence, durant ma discussion avec Luell... Néanmoins, dans mon estomac persistait une certaine brûlure. Je n’appréciais pas lui dévoiler des informations aussi importantes et confidentielles, sur mon espèce.

— En somme, la base de vos pouvoirs et des vérités que vous possédez. Siffla Altaïr en scrutant l’imposante porte. Tu ne devrais pas me donner autant d’informations...

Je détournai le regarda avec un claquement de langue. Qu’est-ce qu’il m’agaçait.

— Tu commences sincèrement à m’énerver !

— Ce n’était pas déjà le cas ? Répliqua-t-il en croisant les bras.

— Il y a quelques minutes, tu quémandais ma confiance et maintenant, tu laisses planer un danger.

— Parce que le danger peut venir de n’importe où petit poussin. Je ne suis pas, plus, celui qui te veut du mal.

Je fronçai des sourcils et avant que je ne puisse le questionner, la brume s’intensifia. À mon réveil, Altaïr avait disparu et je n’étais plus proche du feu. Il avait dû reprendre conscience avant moi, et me déposer sur l’un des duvets qui était dans un abri. Luell dormait paisiblement à ma droite et Nolya se blottissait contre moi. Je tapotai le bout de son nez et le sylphe émit un gloussement dans son sommeil. J’avais envie de poursuivre le San Emie et lui arracher de la bouche, ce qu’il voulait dire, cependant mon corps s’alourdissait et mes paupières se fermaient seules. Avec un bâillement, je me laissai sombrer et mes songes furent animés de scènes étranges.

***

Le soleil était au zénith et le rythme de l’escouade filait tranquillement. Le territoire des Black Claws se trouvait à quelques centaines de kilomètres. Dans ma tête, les informations tournaient sans cesse. Il me fallait un Saule Pleureur, sauf qu’ils étaient principalement concentrés autour du château de la Reine Anaxarete. Ils se sentaient plus en paix avec la dryade qui régnait avec une main de fer sur les faés. Cependant, certains d’entre eux aimaient le calme et la solitude. J’osais espérer que les Black Claws en possédaient un sur leur territoire.

— Tu sembles perdue dans tes pensées. La voix d’Ainz me fit jurer tandis qu’Opal ricana.

— Je...oui. Ainz, comment est ton territoire ? D’origine, je veux dire.

Son rire doux contrastait avec celui du San Emie, qui détenait un timbre hautain.

— Il est sobre. Très calme aussi. Les gens ont peu d’ambitions, ils veulent juste vivre en paix. Je suppose que l’emplacement éloigné de la couronne leur correspond parfaitement.

— Et... le climat ? Tentai-je.

— Moins chaud qu’Alpha Nemi. Il connaît une certaine humidité comme Sweet Melody, grâce à ses nombreux cours d’eau.

Je m’exclamai mentalement. Un climat humide était favorable à l’implantation d’un Saule Pleureur.

— Depuis que nous nous connaissons, il s’agit de la première fois que tu me poses des questions sur mon clan d’origine. S’amusa Ainz.

Le dragon d’or n’était pas dupe... Il avait compris que j’avais un plan précis. Et je ne pus que lui témoigner la vérité. Il hocha la tête, de temps en temps, et ne m’arrêta pas une seule fois. Finalement, de sa licorne, Ainz leva le bras et tapota ma tête.

— Tu en as des secrets... Rit-il. Je vais te donner un coup de pouce. Il existe bien un Saule Pleureur sur mon territoire de naissance, mais il est très grincheux. Il est si aimable, que nous sommes accueillis par des roches coupantes. Lui adresser la parole est un miracle, entendre sa voix est... inestimable.