Fyctia

Ma phrase assomma mon escouade, mes ennemis jurés me regardaient désabusés. Je n’avais pas prévu d’enterrer notre rancune, juste de la masquer.

— Puisque nous devons nous dire la vérité, débuta Grim, lorsque Silas est mort, nous les Dark Night avons détecté des intrus sur notre territoire.

Je me tournai vers le jeune homme qui dévia son regard, presque honteux de sa révélation. Il hocha doucement la tête. Malgré son apparence désastreuse, Grim était comme étranger à ses coutumes et ses origines. Les wendigos n’étaient pas des enfants de cœur. Et lui semblait trop innocent pour ces pourritures.

— L’avez-vous dit à la Reine Anaxarete ? S’enquit Ainz d’une douce voix, pour le mettre en confiance.

L’enfant des Dark Night déglutit et secoua la tête.

— Pourquoi ? Questionna Nolya.

— Pour instaurer la haine. Répondis-je en même temps qu’Altaïr.

Il me sourit et je roulai des yeux.

— Vous avez attaqué Silas, dans tous les cas.

— Oui... Mais en réfléchissant, pourquoi tuerons-nous un délicieux pi-phénix ? Nous pouvons le séquestrer et le gaver pour récupérer son sang. Par rapport, aux wendigos du clan Dark Night, nous ne dévorons pas la chair de nos victimes, seulement le sang. Acheva Altaïr en tapotant sa canine de sa chevalière.

— Par ailleurs, je trouve étrange que tu ne t’inclues pas en tant que victime dans cette attaque ? Ajouta Izak. Comme si, tu savais qu’une part de noirceur persistait dans cette histoire.

— Votre baratin m’irrite les oreilles. Si vous étiez si peu tâchés, pourquoi ne pas révéler la vérité ? Sur votre présence sur un autre territoire ?

Je poussai de l’index le torse d’Izak, il fronça les sourcils.

— Ce n’est qu’un détail parmi toutes les immondices que San Emie a commis. Feulai-je en appuyant mon doigt sur son torse.

— Tu l’as dit toi-même, nous devons nous faire confiance... Ou instaurer un climat qui nous permettra de travailler en paix. Alors, je vais te le dire. Avoua Altaïr en attrapant mon index. J’étais à la recherche de la Fleur de Glace.

La Fleur de Glace était aussi rare que les trèfles à quatre feuilles. Elle avait des propriétés guérissables. Je dégageai ma main de la sienne, non sans un regard à son acolyte. J’accepterai cette version pour l’instant. Je repris la tête du cortège.

— Nous allons entrer dans la Forêt des Songes. Faites attention, surtout vous. Je m’adressai aux trois plus jeunes. Vous allez être les premières victimes des effets.

— Il s’agit d’une forêt, qui par ses plantes, diffuse une senteur. Elle peut avoir différentes actions. Cela dépend de chaque individu. Dès les premiers signes, approchez-vous d’une autre personne. Précisa mon frère.

Lorsque mon pied foula le sol de cette forêt mystique, le décor changea, il permutait sans choisir exactement la forme qu’il voulait revêtir pour nous. Finalement, un chemin parfaitement tracé apparut, et de chaque côté une forêt dense, tantôt chatoyante, tantôt épouvantable. Des rires dérangeants s’élevaient dans l’air.

— Qu’est-ce donc ? Sursauta Nolya en agrippant mon bras.

— Il ne vaut mieux pas le découvrir. Souffla Grim.

Nos montures avançaient sans soucis, la forêt n’avait aucun effet sur elles. Et tant mieux, je n’avais pas envie de rattraper l’une d’entre elles.

— M’as-tu parlé ? Murmura Luell.

— Regardez devant vous et ne vous préoccupez de rien d’autre ! Ordonnai-je les pressant.

***

Le soleil commençait à disparaitre à l’ouest et la pire des situations était de se retrouver coincés dans ce lieu. Mon escouade semblait avoir de plus en plus de difficulté à différencier la vérité du mensonge. Luell et Grim entendaient de voix, Nolya avait perdu la vue, Izak sentait des mains l’effleurer et Ainz titubait et grommelait. Je le soutenais et chaque pas devenait plus difficile, son poids m’écrasait. Il allait bientôt s’évanouir. Ses paupières se fermèrent sur ses yeux dorés et Altaïr passa sa tête sous son bras pour le relever. Il siffla et la licorne d’Ainz se mit à notre hauteur.

— Tu as l’air de te porter bien ? Chuchota Altaïr avec un sourire teinté d’une douleur, une fois Ainz installé sur sa monture.

— … Je vois des choses et toi ?

— Je sens des sensations affreuses ?

— Plus que ma malédiction ? Ironisai-je.

Son regard brillait d’une lueur insaisissable, la pulpe de ses doigts frôla ma joue et remit une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

— Ta malédiction est un supplice délicieux pour moi...

Il vrillait complètement. La manière dont il me détaillait m’embarrassa et je repoussai sa main.

— Que vois-tu ?

Le souffle de sa parole caressa mon oreille. Quand s’était-il rapproché autant ?

— … Mon frère Silas. Il m’attend en dehors du sentier (je désignai un endroit entre les arbres.) Mes parents aussi.

— Je suis désolé, petit poussin. S’inclina sincèrement le San Emie.

Je pivotai brusquement vers lui. Altaïr venait de s’excuser ? Ma main toucha son front. Il était brûlant et la sueur noyait son visage. En le regardant de plus près, sa respiration était plus difficile que le reste du groupe.

— Attention ! Crie Altaïr en me plaquant au sol.

Une pluie de flèches brumeuses vola vers nous. Des ombres dansantes se dessinèrent sur les arbres et le sol. Les mêmes qu’avec Silas ! Je projetai un jet de flammes pour protéger mon groupe.

Ils viennent pour toi...

Le visage de Silas apparut devant moi et du sang s’échappa de sa bouche, de ses yeux et de ses oreilles.

Caelia... Réveille-toi ! Maintenant !

Mes paupières se descellèrent et j’étais au milieu de la forêt, je me relevai prestement et scrutai l’horizon. Mon escouade avait disparu. Kiki aussi. Avais-je rêvé ?

Une douleur fusa dans ma jambe et un faisceau de sang dégoulinait. Je n’avais donc pas imaginé... Un râle de douleur résonna et je le vis. Altaïr était en sang, et une flaque rouge s’infiltrait dans le sol.