Fyctia
Chapitre 9 - Caelia
La fenêtre s’ouvrit dans un souffle ardent et ma serre foula le sol de la chambre. Je repris forme humaine dans un mouvement d’ailes amplifié. La pièce était plongée dans les ténèbres. Ma vision s’adapta en un clin d’œil. Je fermai derrière moi l’ouverture vitrée et explorai la chambre. Des tons froids gouvernaient le lieu attribué à l’héritier des San Emie.
Je saisis le petit pot noirâtre et pouffai. Ce n’était pas cette mixture qu’il anéantirait les effets de ma malédiction. Je continuais mes fouilles. Vêtements, armes, parchemins et livres. Telle une pie, mon regard fut attiré par une brillance. Un médaillon en argent. Mes ongles s’acharnèrent à extraire de son enclos la vérité, cependant, je compris qu’un sort de scellement liait la serrure. Je reposai l’objet avec un soupir de déception. La sangsue devait vouloir cacher un secret...
Mon corps frémit et je fondis dans le feu de la cheminée que j’allumai de ma présence au moment où la porte battit le mur.
— As-tu trouvé ce dont je t’ai demandé ? Pesta Altaïr.
L’héritier se figea et scruta sa chambre en allumant la lumière des chandeliers.
— As-tu démarré le feu ?
Izak le dépassa avec un regard pour l’alcôve et secoua la tête.
— Peut-être, les servants du Palais... Pour reprendre, je n’ai pas pu obtenir des informations sur le lanceur de la flèche, qui visait le phénix. Il s’agissait d’une marionnette en papier.
— Donc... ils camouflent leur arrière... Intéressant, les Unseelies ne l’auraient jamais fait. Serait-ce créatures ?
Je l’épiais, observais le moindre de ses mouvements. Son bras droit se dirigea vers la salle de bain privé, le son de l’eau s’écoula et une douce odeur de citron et de vanille embaumait la pièce. Drôle de senteur pour un homme aussi machiavélique. Sans prévenir, il retira sa chemise, non sans râle de douleur. Le liquide mielleux dégoulinait de ses cicatrices. Il tangua et se rattrapa sur une chaise. Altaïr palissait à vue d’œil.
— Maître, le bain est près ! Je vais vous aider.
Izak s’activa et lui retira le reste des vêtements. En cet instant, Altaïr était faible. Vulnérable. Une proie parfaite. Izak ressortit de la salle d’eau et s’en alla. Quelle grave erreur.
Je me dissociai des flammes crépitantes, m’étirai tel un chat et roulai des hanches en direction du bain. Je n’avais plus qu’à cueillir l’amaryllis. J’entrouvris la porte, une buée m’agressa les sens de la vue et de l’odorat. Il n’y avait pas que la vanille et du citron, des herbes médicinales étaient incluses dans ce mélange improbable.
La salle de bain était immense, une dizaine de personnes auraient pu s’y baigner. Des marches en marbre permettaient de rejoindre l’eau. Celle-ci était cristalline et Altaïr m’offrait son dos jonché de cicatrices. Marquage de ses anciens affrontements. Ses longs cheveux argentés ruisselaient sur ses épaules et son torse. Le San Emie semblait issu d’une peinture, il était la représentation d’un dieu vivant. Mais le charme fut atténué : il toussa et un liquide doré tapissa sa main.
Le mal que j’avais implanté avait pris du terrain, je n’y croyais presque plus avant de le voir ce soir. Jusqu’à présent, aucun faé n’avait survécu plus de deux ans avec la marque d’un faé sauvage. Altaïr m’étonnait, il était aussi résistant qu’un nuisible. Cela faisait une dizaine d’années...
Je reportai mon attention sur son dos. Devrais-je le noyer ? Ou bien lui trancher la jugulaire ?
Je tendis la main et mon corps réagit avant ma pensée, lorsque j’aperçus une ombre. Je bondis et plaquai Altaïr, ses omoplates heurtèrent le sol du bain et l’eau chaude nous éclaboussa. Ma dague trouva sa gorge. Il écarquilla des cils, et il simula presque une biche capturée par un prédateur. Pendant un instant, son apparence me déboussola. Je n’avais jamais vu ses cheveux naturels. Ils étaient légèrement ondulés et le San Emie possédait une wolf cut. Une coiffure inexistante sous ses cheveux lissés et plaqués en arrière.
Ma main agrippait son pectoral gauche et je sentais les vibrations sous son muscle. Son cœur tambourinait d’une manière irrégulière. Craignait-il la mort ?
— Comment oses-tu, sale sauvage ! Cracha-t-il nullement gêné par sa nudité.
— Ferme la, chauve-souris. Je viens de te sauver la vie, à défaut de te l’arracher.
Il suivit mon regard, une flèche fumante prônait sur le mur blanc et le trou de la fenêtre fit glisser la morsure du froid.
— Pourquoi ? Me questionna-t-il incrédule.
— Je pense que nous avons le même désir : s’ôter mutuellement la vie. Je refuse qu’un autre te fauche.
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