Fyctia
Chapitre 1
2 mois auparavant.
Jude.
Lorsque ton travail est d'être dans une bibliothèque toute la journée, tu sais observer les personnes, les étudiants. Tu les regardes prendre une encyclopédie ou un manuel pour travailler un concours d'entrée dans une école prestigieuse. Tu les regardes lire, prendre des notes, être concentrés. Il y en a qui travaille sans s'arrêter, puis d'autres, qui prennent une pause-café. Ces personnes-là ont les yeux fixés sur leur ordinateur mais rien ne transparait. Certains ont les cernes visibles, d'autres ne semblent jamais fatigués. Certains se bécotent en secret dans les allées les moins fréquentées de la bibliothèque.
Voilà en quoi consistait mon travail quand mon binôme, Mme. McBride, avait terminé de ranger les livres dans la bonne allée. J'étais installée sur mon bureau en train de dévorer un livre de romance. Comme d'habitude pensais-je. C'était mon genre préféré et je m'imaginais à la place de l'héroïne : celle qui est trop timide pour oser parler à des garçons, celle qui est bien trop sage pour faire le mur la nuit, celle qui ne se sent pas assez belle pour plaire aux populaires de sa classe, celle qui n'y connaît rien en l'amour. Du moi tout craché.
Du haut de mes vingt-quatre ans, je n'ai jamais connu l'amour véritable. J'ai déjà eu des amourettes de vacances, mais, comme son nom l'indique, ce n'était que des relations éphémères qui duraient un temps. Je n'ai jamais su construire une relation amoureuse. Pour quelle raison, me demanderiez-vous. Je suppose que j'étais plus intéressée à terminer ma PAL – pile à lire – , à écrire qu'à sortir et qu'à rencontrer du monde.
Mes meilleurs amis, Molly et James, me poussaient à me sociabiliser et à avoir des crushs. Cependant personne ne me plaisait plus que ça, et je ne me sentais pas... assez et légitime pour démarrer quelque chose avec quelqu'un. En effet, je n'étais pas très grande, pas très mince, avec des formes là où je n'en voulais pas. Ma peau n'était pas glowy, mes sourcils n'étaient pas non plus on fleek et je ne portais que du mascara en guise de maquillage. Mes cheveux étaient sans cesse attachés en un chignon ou une queue de cheval. Ils étaient trop bouclés et trop épais pour les laisser tomber en cascade sur mes épaules, puis, cela me gênait pour travailler.
De toute évidence, j’étais partie du principe que les relations n’étaient pas pour moi. Jusqu’à ce que je voie James flirter avec un jeune homme de sa classe, jusqu’à ce que j’assiste au renouvellement des vœux de mes parents, jusqu’à ce que ma sœur me montre sa bague de fiançailles, et jusqu’à ce que Molly me parle des super matchs qu’elle avait eus sur son application de rencontres. C’est alors que j’ai réalisé que je risquais de me retrouver seule. Juste mes livres et moi, mes films et moi, mon imagination et moi. Et il était hors de question que je devienne une vieille fille, comme disait ma grand-mère. Même si, à bien y réfléchir, il vaut mieux être seule que mal accompagnée…
Je ne me sentais pas spécialement prête, mais je savais que j’avais très envie d’aimer et de partager ma vie avec quelqu’un. Lorsque j’ai confié mes réflexions à mes amis et à ma sœur, ils étaient tous ravis et m’ont vivement conseillé d’installer FindLove, une application de rencontres, sur mon téléphone. J’étais sceptique : en général, les personnes inscrites sur ce genre de plateforme ne cherchent pas vraiment une relation durable, mais plutôt des rencontres purement physiques et superficielles. Un concept qui ne m’attirait pas du tout.
Et pourtant… me voilà en train d’installer FindLove.
Sous les méticuleux conseils de Molly, je cherchais quelques photos qui me représentaient : des selfies, des clichés pris par d’autres, et des images liées à mon métier ou mes passions. Quatre furent sélectionnées et approuvées par ma meilleure amie : un selfie où je porte mes lunettes avec un livre à la main, une photo de moi sur la plage, une photo de ma bibliothèque, et l’affiche de mon film préféré, About Time. Une fois mon profil publié, je lâchai mon téléphone comme s’il était brûlant. Je ne voulais ni consulter mon profil ni parcourir ceux des autres. Pour le moment, je préférais attendre.
Ma journée fut productive, entre l’archivage des livres et l’enregistrement des étudiants sur le site de la bibliothèque. Je constatai qu’en fin de compte, les livres n’étaient pas démodés. Malgré ce que l’on dit sur cette nouvelle génération ultra-connectée, les gens aimaient encore lire. Je voyais leur sourire lorsqu’ils tournaient une page, puis une autre. Je percevais leurs émotions à l’approche du plot twist. C’était très agréable à observer, presque satisfaisant. Cela me donnait envie de redécouvrir la lecture et les livres en général. Honnêtement, dans ma petite vie, j’ai dû lire au moins une centaine de livres, si ce n’est plus. Pas mal pour vingt-quatre ans d’existence.
Soudain, mon téléphone vibra plusieurs fois. Heureusement, ma journée de travail était terminée. Sans attendre, je le pris et consultai mes notifications : j’en avais huit, toutes provenant de l’application de rencontres. Étonnée, je m’arrêtai de marcher un instant pour lire. J’avais reçu plusieurs superlikes et même un message. Je haussai les épaules avant de m’installer dans ma voiture. Je déciderais de regarder ça une fois rentrée, bien que ma curiosité me titillât déjà.
Tout au long du trajet, je ne cessai de jeter des coups d’œil à mon téléphone, une sensation étrange dans le ventre. J’avais hâte de lire ce fameux message. Quelqu’un s’intéressait à mon profil. Je n’arrivais pas à y croire. Ma biographie avait été rédigée par Molly, à qui j’avais tout de même demandé de rester fidèle à ce que je suis. Au final, lorsqu’elle m’avait montré le résultat, j’avais été très satisfaite. Elle avait écrit mon prénom, mon âge, mon métier, mes passions, et ce que je recherchais, le tout accompagné d’une citation tirée de mon film préféré :
"I just try to live every day as if I've deliberately come back to this one day, to enjoy it, as if it was the full final day of my extraordinary, ordinary life."
Cela m’avait profondément touchée.
Une fois rentrée dans mon appartement, je jetai mes clés dans le bol, posai mon sac à main et m’installai sur mon canapé. Téléphone en main, je cliquai sur l’application. Lorsqu’elle s’ouvrit, plusieurs profils apparurent, mais je n’étais pas intéressée pour le moment. Une petite cloche en haut à droite indiquait que j’avais des notifications. J’avais reçu un message. J’appuyai dessus et découvris l’identité de la personne qui m’avait contactée.
Freddie Whitemore.
Intriguée, je cliquai sur son profil, qui s’afficha devant mes yeux.
Pas mal, pensai-je en faisant défiler ses photos.
Intriguée, je cliquai sur son profil, qui s’afficha devant mes yeux.
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