Fyctia
BONUS 1 - IORE
“Ce n’est toujours pas mon prénom !”
Des jours plus tard, je me remets encore de cette délicieuse et copieuse humiliation. Ça m’apprendra à ne pas me méfier des jolies filles. Je devrais être agacé, beaucoup de mes camarades le seraient, mais je préfère de loin perdre face à une adversaire de taille, que gagner contre une personne plus faible. Et cette fille… Pfiou, on peut dire qu’elle en a dans le ventre ! Je crois pouvoir affirmer sans mal qu’elle m’a tapé dans l'œil – et pas que dans l'œil si j’en crois la bosse sur ma tête et les bleus sur mon torse.
– Iore ? Ioooore ? Mais c’est pas possible, cet abruti est sourd ou quoi ?
La voix de ma douce et charmante meilleure amie envahit l’espace et anéantit le calme, le remplaçant par le chaos de ses cris enragés. Cette fille est un vrai goberon, ces petites créatures proches des rongeurs, qui hurlent pour se déplacer car elles sont aveugles. Sauf qu’Anastazia n’est pas aveugle, elle n’a aucune raison valable pour beugler de la sorte en dehors de son propre plaisir.
– “Cet abruti” t’entends parfaitement Zia, merci de t’en préoccuper.
– Ah bah enfin ! Viens voir !
Sa main glacée se pose sur mon avant-bras et elle se met à me tirer sans ménagement. Les mèches arc-en-ciel de ses longs cheveux me fouettent le visage, cependant je préfère ne pas me plaindre, cette furie serait capable de m’agresser volontairement avec. Nous parcourons le dédale de couloirs à peine éclairés où la température avoisine le zéro. Enfin, Zia s’arrête, je manque lui rentrer dedans.
– Regarde !
De son doigt fin à la manucure flashy, elle m’indique un petit groupe d’étudiants. Ils doivent avoir quelques années de plus que nous, mais pour ce que j’en sais, ils pourraient très bien être dans une classe de niveau inférieur. Contrairement aux autres écoles, tous les âges se mélangent en fonction de leur année d’arrivée. Pour ma part, je suis entré à Nova lorsque j’avais quatorze ans, il y a déjà quatre ans, juste après m’être métamorphosé pour la première fois par accident. Avant ça, je vivais tranquillement à la campagne, loin des mages et de leurs histoires. Savoir quelle école devait m’accueillir a été un véritable casse-tête : j’étais vieux, pas du tout initié, et possédant un don trop rare pour qu’un Institut spécialisé existe. Heureusement, Nova a proposé de s’occuper de mon cas. Cependant, j’ai conscience d’être une exception.
– Qu’est-ce que je suis censé regarder au juste ? chuchoté-je.
– T’es bête ou quoi ?
Je lève les yeux au ciel mais je ne fais pas la moindre remarque. Zia a toujours été ainsi, et malgré tous ces défauts, c’est une bonne amie – même si j’admets que là comme ça, on ne dirait pas du tout.
– Ils sont en train d’apprendre de nouvelles runes ! finit-elle par s’exclamer.
– Et donc ?
– “Et donc ?” Mais Iore enfin ! C’est super excitant ! Quand ils auront fini, on pourra aller leur demander de nous les montrer, ça pourrait être des outils super utiles pour la prochaine épreuve. Et puis qui sait, ça te permettra peut-être de ne pas te faire écraser aussi facilement !
– Qui te dit que je n’ai pas envie de me faire écraser une nouvelle fois ?
Bon d’accord, je n’ai pas spécialement envie de finir couvert de bleus et humilié publiquement. À moins que ça ne soit cette fille qui s’en charge bien sûr, là je ne serai peut-être pas contre.
En vérité, je me moque d’apprendre de nouvelles runes, tout comme je me moque de ce qui touche à la magie. J’aime me transformer, vraiment. Mais c’est tout. Le reste m’importe peu. Et à présent que je sais le faire sur commande et sans ressentir la douleur des débuts, je n’attends plus qu’une chose : finir mon cycle d’études pour commencer une vie simple loin de tout ça. Alors observer des adolescents faire mumuse avec des runes lors de leur temps libre, très peu pour moi ! Ce qui n’est pas le cas de Zia.
– Roh mais arrête Iore, la magie est fascinante et en apprendre plus devrait te ravir !
– Si tu le dis…
– Tss, tu sais, je doute que Blondie apprécie un mec qui ne prend pas la magie au sérieux. Tu ne l’as pas vue, mais moi j’ai pu assister à toute sa course grâce aux écrans ! Et je peux te dire que cette fille est douée. Tout comme sa camarade aux cheveux bleus d’ailleurs. Ça m’étonnerait qu’elles accordent de l’importance à quelqu’un qui soupire dès qu’il faut mettre un orteil en cours.
– C’est faux. Je ne soupire pas dès que…
Son regard me fait taire. Cette femme est tout bonnement terrifiante.
– Voilà, j’aime mieux ça. Maintenant regarde et apprend. Et ensuite, tu pourras aller draguer la petite demoiselle.
– Je ne vois pas en quoi ça te reg…
– Chut, j’ai dis.
Le groupe d’étudiants continue son micmac. Je ne comprends absolument rien à ce que je suis censé regarder. Nan vraiment, je ne pige pas. Je sais que beaucoup admirent la magie runique, mais pour moi c’est du charabia. Devant mon air blasé, Zia ajoute :
– Tu me désespères. J’abandonne, t’as gagné. Mais ne t’étonne pas si miss je-vais-t’embrocher t’ignore tel le gros naze que tu es.
– “Miss je-vais-t’embrocher” ? Sérieusement Zia ?
– Bah quoi, tu préfères que ça soit l’inverse ?
– L’in…
Nan. Ne me dites pas qu’elle a voulu dire…
Je ne termine pas ma phrase. Jamais. Au lieu de ça, je m’étouffe.
– Tu es indécente Zia. Terriblement déplacée.
– Mais non, mais non. Par contre, si tu réussis à marquer des points avec la blonde, je veux bien que tu me trouves le contact de la petite sauterelle aux cheveux bleus. J’adooore comme elle a mis son adversaire k.o et mon petit doigt me dit qu’elles sont amies.
Je me retiens de lui rappeler que son petit doigt a très souvent tort et qu’à cause de lui, on se retrouve toujours dans des situations improbables. Comme cette fois l’année dernière, où elle a voulu aller se baigner malgré mes protestations et alors qu’il faisait approximativement moins mille dehors. Elle était persuadée qu’il s’agissait de sources d’eau chaude. Soit disant que son auriculaire le lui aurait soufflé. Si quelqu’un demande mon avis, son auriculaire devrait être coupé et ses âneries avec !
– Enfin bon, c’est quand même dommage que tu ne veuilles pas apprendre de nouveaux sorts. Vu le climat actuel et vu les épreuves du tournoi… Je t’ai dit ce que je pensais du tournoi n’est-ce pas ? Et des épreuves ? Je t’ai dis que je pensais qu’elles étaient en fait des…
Anastazia continue sa logorrhée durant un long, très long moment, et comme j’ai pitié, j’épargne à mes oreilles cette conversation de l’enfer. Surtout, ne me remerciez pas.
46 commentaires
Gottesmann Pascal
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Il y a 4 mois
LiliJane
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Il y a 4 mois
Emmy Jolly
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Il y a 4 mois
LiliJane
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Il y a 4 mois