LiliJane Runes 7.1 LYRA

7.1 LYRA

– Bien, on va commencer, dit l’homme.


Papa hoche la tête. Maman fait de même. Je reste figée, pleurant toutes les larmes de mon corps. Près de moi, sur son lit dans le coin de la pièce, Annabeth se met à tousser. Un postillon rouge vient éclabousser ma joue. Je ne bouge pas. Je ne l'essuie pas. Papa et maman m’ont demandé d’être sage. Je suis trop petite pour comprendre ce qui est en train de se passer. J’ai peur.


L’homme étrange sort une fiole de son manteau, avant de l’ouvrir. L’odeur est désagréable. J’ai envie de partir. Des mots que je ne comprends pas, dans une langue inconnue sont prononcés. Je me recroqueville sur moi-même. Peut-être qu’ils ont oublié que j’étais là ? Peut-être que je ne devrais pas me trouver ici ? Le regard noir de l’inconnu se pose sur moi. Je serre ma peluche si fort que mes petites mains me font mal.


– Viens ici, petite.


Sa voix est froide. Encore plus froide que la neige qui tombe dehors en cette période de l’année. Je ne bouge pas. Mes yeux se posent sur papa. Il me fait signe d’obéir. Alors j’obéis. J’avance. J’ai envie de vomir à cause de l’odeur. Avec la préparation dégoûtante que contient la fiole, l’homme dessine un symbole sur le sol et me place dessus. Je crois que c’est une rune. Mais elle est différente de celles que papa utilise pour son travail de poseur de marques. On dirait un entremêlement de plein de cercles. Il pose une main sur mon front.


Soudain, j’ai très mal. Je n’arrive plus à respirer. Mes yeux s’ouvrent en grand et j’essaye d’appeler maman à l’aide. Elle ne me regarde pas. Elle fixe Annabeth. Papa aussi. Ma peluche tombe. Je griffe mon cou. J’ai l’impression qu’on arrache quelque chose à l’intérieur de moi. Je vois une mèche de mes cheveux bruns perdre sa couleur, virant au blond polaire. Ça fait si mal. Je veux que ça s’arrête. Je tombe. Mes genoux s’écorchent sur le sol. L’odeur de mon sang se mêle à celle déjà affreuse de la mixture.


Pourquoi papa et maman n’interviennent-ils pas ? Je suis en train de mourir. J’ai trois ans, je sais peu de choses sur la mort, mais je sens que c’est ce qui m’arrive. Un vide s’installe dans le creux de ma poitrine. Je convulse. La douleur est insupportable. Mes yeux sont brouillés de larmes. Les formes floues de mes parents sont toujours tournées vers ma soeur. Ma grande sœur. Celle qui est malade depuis si longtemps, bien avant ma naissance. C’est pour elle qu’ils font tout ça. Pour la sauver. Sauf qu’elle n’a pas l’air d’aller mieux, au contraire. Un cri retentit. Ma tête tourne. L’obscurité s’abat sur moi.


Debout près du canapé, je fixe la lettre que je viens de recevoir. Celle qui vient de me replonger dans l’un des pires moments de ma courte vie. J’ai longuement hésité avant de l’ouvrir, sachant pertinemment de qui elle provenait. Il faut dire que je ne connais pas grand monde en dehors de l’Académie, et que l’écriture brouillonne de ma mère est reconnaissable entre mille. Je ne m’étais pas trompée. Les mots s’alignent sous mes yeux mais je ne parviens pas à leur trouver du sens. Non pas parce que je ne saurais décrypter les pattes de mouches de ma génitrice, mais plutôt parce que penser à elle me fait mal. Physiquement. Émotionnellement. De toutes les façons possibles et inimaginables. Mes mains tremblent, ma tête me lance, je suis nauséeuse. Les flashs de cette nuit me reviennent. J’ai besoin de m’asseoir.


Pourtant, je me suis levée du bon pied ce matin. Encore un peu faible du contre-coup du tournoi, mais de bonne humeur. J’ai ouvert mes volets, laissé l’air frais aérer ma chambre, me suis habillée. J’ai ensuite voulu faire du thé. J’ai fait bouillir l’eau, ai sorti trois tasses, commencé à préparer la dose idéale de sucre pour chacun, et puis… Et puis j’ai réalisé que nous n’étions plus trois, que la tristesse qui paralyse Calypso fait que nous ne sommes plus vraiment deux non plus. Alors j’ai nettoyé et rangé les tasses, et j’ai laissé l’eau refroidir. Je me suis blottie dans le canapé, tentant de retenir des sanglots pour ne pas réveiller ma colocataire. J’ai repensé aux mots de Galatée, la peur a serré mon cœur et noué mon ventre. C’est à ce moment que la lettre est arrivée. Comme si je n’étais pas dans un état assez lamentable.


Et maintenant, je me contente de la fixer, la respiration courte et la boule au ventre. Ma mère me souhaite de passer une bonne année. Ce qui s’annonce compromis. Dans un semblant d’inquiétude, elle me demande des nouvelles de mes amis, ne mentionnant même pas leurs noms. Je doute que l’un de mes parents ai pris la peine de les retenir… Elle étale sa joie d’avoir trouvé une piste concernant l’Étranger. Ce nom renforce ma migraine et mon mal-être général. Mon corps sait de qui il s’agit. L’Étranger. Cet homme qui a volé ma vitae, ma force vitale, grâce à l’appui de mes parents. Cet homme qui a ensuite pris la fuite, nous laissant pour mortes, ma soeur et moi. Cet homme qui détient des réponses. J’ignore son véritable prénom, personne ne le connaît. Tout ce que je sais, c’est qu’il vient d’un autre continent et pratique une magie inconnue à Estia. Peu sont ceux qui s’aventurent au-delà de nos frontières. Certains prétendent que c’est parce que les différents continents qui composent notre monde sont trop éloignés les uns des autres. Mais qu’importe le pourquoi, nous n’avons presque pas d’informations concernant nos voisins, ou la magie qu’ils utilisent.


Quoi qu’il en soit, je sais que ma mère ne cherche pas à retrouver l’Étranger pour moi, pour mon bien. C’est par culpabilité qu’elle le fait. Tout ce que mes parents désirent, c’est laver leur mauvaise conscience. Et ça, c’est douloureux. Plus que les migraines ou les nausées.


J’ai besoin d’air.


Je me lève, enfile mes bottes et m’empresse de quitter le cottage. Alors que j’ouvre la porte en grand, je manque de me prendre un coup. Super ! Face à moi se trouve Adriel. Le point levé, il s’apprêtait clairement à toquer à la porte. Heureusement, sa main s’arrête à un centimètre de mon visage.


– Eh beh, on est passé à ça d’un accident, plaisante-t-il.


Sauf que je ne suis pas d’humeur à rire. La nécessité de sortir est plus forte que tout, je sens ma tête tourner. J’ai vraiment besoin d’air.


– Lyra ? Tout va bien ?


L’inquiétude le gagne. Je ne réponds pas. Cette fois, il ne s’agit pas d’un jeu, je ne peux tout simplement pas répondre. Mon corps tremble. Mon coeur bat vite. J’hyperventile. Le contrôle m’échappe. J’ai honte d’être dans cet état, mais plus que tout, j’ai honte que l’on puisse me voir ainsi. Pourtant, ce n’est pas la première fois. C’est sans doute pour ça qu’Adriel sait comment réagir. Ses mains viennent se placer sur mes hanches, m’empêchant de basculer. Doucement, il me tire vers lui, vers l’extérieur.


– Ça va aller, d’accord ? Tout va bien. Tu es en sécurité Lyra.

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33 commentaires

Lu La Morinie

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Il y a 4 mois

Beaucoup trop horrible ce qui arrive à Lyra 😭😭😭 heureusement qu’Adriel était la hein 👀

LiliJane

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Il y a 4 mois

Heureusement oui 👀

Emmy Jolly

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Il y a 4 mois

Les réminiscences qui ressurgissent chez Lyra sont bouleversantes elle a tellement de douleur en elle, et on sent bien toute sa fragilité. Adriel est là il va la soutenir💖

LiliJane

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Il y a 4 mois

Ui, heureusement qu’Adriel est la 🥹

Julie Emilie M

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Il y a 4 mois

Ce souvenir était vraiment super intense. J'ai mal au cœur pour elle, c'est horrible

LiliJane

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Il y a 4 mois

Ui elle a vécu des trucs pas ouf 🥲

Lullolaby

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Il y a 4 mois

MAIS PARDOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON è_é EXCUSE ME BITCH !La calotte de leurs grands morts que si je les retrouve, la vie de ma vie, que je leur retourne tous leur arbre généalogique circulaire ’ ̿’\̵͇̿̿\з=(ಥДಥ)=ε/̵͇̿̿/’̿’̿. Au nom du ciel éternel, des crevures comme ça, aaah, j'vais les buter ̿’\̵͇̿̿\=(•̪●)=/̵͇̿̿/’̿̿ ̿ ̿ ̿, j'vais les retourner (ノಠ益ಠ)ノ彡┻━┻ et je termine en pirouette pichenette la con de leur morts è_é

LiliJane

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Il y a 4 mois

Oh mon dieu merci du fou rire !!!! ET OUI ILS MÉRITENT !

oriaé la pluie

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Il y a 4 mois

JE M’ÉTOUFFE HAHA

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 mois

Mais, pauvre Lyra. C'est terrible ce qui lui est arrivé. Il lui en a fallu de la force et du courage pour passer outre tout ça et devenir une jeune femme.
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