LiliJane Runes 7.2 LYRA

7.2 LYRA

Son ton est apaisant. Il me contourne, et vient se positionner dans mon dos. Ses bras se referment sur mon corps qu’il serre, maintenant une pression rassurante, contenante.


Ma respiration se cale sur la sienne. Son torse se soulève lentement. Son souffle contre mon cou est chaud. J’inspire lorsqu’il inspire. Bloque l’air quelques secondes. Expire.


– Voilà, c’est bien.


Tandis que mon rythme cardiaque ralentit, je sens qu’il m’entraîne quelques mètres plus loin. Au frais. Je peux prétendre maudire cet homme autant que je le souhaite, le fait est qu’il a toujours été là, aussi bien pour sa sœur que pour moi. Il attend que j’aie arrêté de trembler pour me lâcher et reculer de quelques pas. Je me retourne vers lui.


– Merci…

– C’est normal. Tu te sens mieux ?


Je hoche la tête sans rien dire.


– Qu’est-ce qui s’est passé ?


Dans d’autres circonstances, je l’aurais envoyé promener, mais sa gentillesse mérite bien une réponse.


– J’ai reçu une lettre de ma mère…

– Je vois. Qu’est-ce qu’elle te voulait cette fois ?

– La routine.


Je tente d’éluder la conversation, mais Adriel n’est pas dupe.


– La routine ne t'aurait pas mise dans cet état. En plus, je sais très bien que tu ne parles presque plus à tes parents, donc j’imagine qu’elle a une bonne raison pour t’écrire.


Il a raison et ça m’énerve. Je déteste qu’il me connaisse si bien. Je déteste qu’il se montre si prévenant. Et par-dessus tout, je déteste ce que je ressens. Parce qu’il est bien plus aisé de le détester que d’admettre que mon traître de cœur bat pour lui depuis des années. Je pense qu’Adriel est au courant, en fait j’en suis persuadée. Alors il entre dans mon jeu. Ce qui est d’autant plus agaçant.


– Ouais bon… grommelé-je Peut-être, oui.

– Je comptais voir ma sœur, mais ses volets sont fermés, j’imagine qu’elle dort encore ?


Je confirme tandis qu’il se met à marcher, je le suis. Je profite du vent froid sur mes joues, mes angoisses s’envolant aussi sûrement que mes cheveux. Adriel semble avoir à cœur de maintenir une distance raisonnable entre nous, comme s’il ne venait pas de me prendre dans ses bras quelques minutes plus tôt. Enfin, nous arrivons devant la maisonnette qu’il occupe avec deux autres de ses camarades.


– Eustache et Val sont rentrés chez eux pour le week-end, tu veux entrer ?


J’hésite quelques secondes avant de finalement accepter. Je n’ai pas envie de retourner dans mon cottage où la solitude m’attend, Calypso ayant besoin de sommeil. En ce moment, ma colocataire est d’une humeur changeante, je n’ai donc aucune intention de la réveiller.


Une fois à l’intérieur, je m’assois sur le canapé au centre du salon. En dehors de quelques détails, il est identique au nôtre. Je suis déjà venue ici plusieurs fois, mais jamais seule. Le jeune homme me rejoint. La proximité avec Adriel me perturbe. Mon coeur accélère, mais cette fois je sais que ça n’a rien à voir avec une quelconque angoisse. Ressent-il la même chose ? Calypso se moque régulièrement de nous, jugeant notre relation “ambiguë” et nos comportements “suspects”, mais qu’en est-il vraiment ? Mon instinct me souffle que cette attirance étrange est parfaitement réciproque.


– Bon, maintenant raconte moi.


Je lis dans ses yeux une certaine douceur. Ça a beau ne pas être une question mais un ordre, je sais que si je souhaitais ne rien dire et partir, il n’y verrais pas d’objection. Je pousse un long soupir avant de finalement prendre la parole.


– Tu sais que mes parents ont eu une autre fille avant moi, n’est-ce pas ?

– Oui, confirme-t-il. Annabeth.

– Et tu sais qu’elle était très malade.

– Tu m’avais raconté oui, ils ont tout essayé mais rien ne pouvait la guérir.

– C’est ça.


Adriel a déjà entendu mon histoire. Avant que ce petit jeu malsain ne s’installe entre nous il y a des années, nous avons été très amis. J’ai passé un temps infini chez les Du Lac, ils sont les seuls à tout connaître de moi.


– Et comme ils ne pouvaient rien faire, ils ont fini par se tourner vers un inconnu, poursuis-je.


Le jeune homme se contente de m’encourager à poursuivre. L’exprimer à voix haute me fait du bien.


– Cet inconnu leur a conseillé d’avoir un autre enfant, et d’attendre le plus de temps possible que l’enfant grandisse : moi. Ils avaient pour consigne de lui faire signe lorsqu’Annabeth ne pourrait plus tenir.

– Elle a tenu près de quatre ans non ?

– Oui, le temps que je vienne au monde et que je grandisse un peu. Après ça…


Ma voix se brise.


– Tu n’es pas obligée de le dire si c’est trop douloureux.


Sa main vient se poser sur la mienne, il la serre. Je la fixe.


– Nan… J’ai besoin d’en parler. Après ça, il m’a arraché ma vitae, il l’a siphonnée.


La vitae. Une force de vie. Alliée à la force magique, elle forme un équilibre complexe chez chaque individu, même ceux dont la magie n’a pas été déclenchée par une rune. Casser cet équilibre est mortel. Parfois, comme ce fut mon cas, il est possible que la force magique soit suffisamment puissante pour maintenir le corps en vie, temporairement. Mais pour combien de temps encore ?


– J’ai perdu connaissance, et lorsque je me suis réveillée, l’inconnu avait disparu, ma sœur était morte et mon père m’avait marquée de la rune familiale.


Le fait d’avoir été marquée si jeune m’a sans doute sauvée. Habituellement, les enfants ne reçoivent une rune que peu avant leur entrée en préparatoire, soit à six ans. Chaque famille possède une rune qui lui est propre, un peu comme un blason. Seuls les anciens non-mages, tatoués illégalement, possèdent un symbole peu travaillé : un cercle. La mienne, qui se trouve sur mon bras droit, est une sorte de double vague striée par trois traits, et agrémentée de deux ronds plus petits au-dessus des creux.


– Et maintenant, mes parents cherchent à retrouver cet homme… conclus-je.

– C’est pourtant une bonne chose, non ? S’ils le retrouvent, ils pourront peut-être te rendre ta vitae.


L’espoir, naïf, qui teinte la voix d’Adriel me fait mal. J’aimerais pouvoir y croire. J’aimerais pouvoir me dire que, oui, nous allons trouver une solution et que tout ira bien. Sauf que je n’y crois pas. Devant ma grimace, le mage presse un peu plus ma main, toujours dans la sienne.


– Lyra, cet homme détient le secret de ta guérison, lui mettre la main dessus serait…

– Et s’il n’y avait rien à faire ? le coupé-je.

– Ne dis pas ça.


Ses yeux s’ancrent dans les miens. Il lâche ma main et la pose sur ma joue. Ses doigts sur ma peau m’électrifient.


– Regarde-moi, on…


TOC TOC TOC.


– Adriel, tu es là ? résonne une voix féminine que je ne connais pas.


Comme s’il m’avait brûlée, je recule. Adriel grogne et se lève.


– Qu’est-ce qu’il y…


Il s’interrompt au moment où il voit la personne sur le pas de la porte.


– On avait rendez-vous, tu as oublié ?

– Oh merde… C’est vrai.


Le regard que je jette au jeune homme est meurtrier. Bien sûr qu’il a un rendez-vous. Qu’est-ce que j’ai cru ? Je suis vraiment trop bête.


– Je vais vous laisser. Bon rendez-vous.


Furieuse, je quitte le cottage.

Tu as aimé ce chapitre ?

23

23 commentaires

WildFlower

-

Il y a 4 mois

Mais quelle horreur ! Ses parents sont des monstres 😭 C'est vrai que c'est un peu ambigu avec Adriel 🤔

LiliJane

-

Il y a 4 mois

Niveau maltraitance ils sont pas mal c’est claaair, et oui TRÈS ambigu même 😏

Gottesmann Pascal

-

Il y a 4 mois

Pauvre Lyra, elle est vraiment marquée à vie. Ça se comprend d'ailleurs.

LiliJane

-

Il y a 4 mois

Ui la pauvre bichette

Emmy Jolly

-

Il y a 4 mois

C'est un chapitre très intéressant ou on en apprend un peu plus sur le passé pas facile de Lyra.

LiliJane

-

Il y a 4 mois

💕💕
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.