Fyctia
1.2 LYRA
– Bonjour Miss Violette, la salué-je.
– Bonjour Lyra, ta rentrée se passe bien ?
Un joli sourire orne son visage rond, illuminant des yeux aussi bruns que sa peau. Professeure pour les étudiants les plus jeunes, je n’ai plus eu l’honneur d’assister à ses cours depuis plusieurs années. Plus depuis quatre ans, quand j’ai quitté le préparatoire pour entrer en spécialisation.
– Pour le moment ça va, mais ça irait sans doute encore mieux si je savais où est passé Calypso. Vous ne l’auriez pas vue par hasard ? Et Gidéon, aussi.
– Je ne les ai pas vus, non, désolée… Mais les directeurs ont une annonce à faire sur la place, je te conseille de t’y rendre. Peut-être qu’ils sont déjà là-bas ?
– D’accord, merci beaucoup.
Je ne perds pas une seconde et me joins aux autres. Une fois dehors, l’air frais de ce mois de janvier me frappe de plein fouet, je frissonne. Les dalles de pierres sont rendues glissantes par une fine couche de givre. Je sors la cape que j’avais coincée sur mon sac afin de m’en vêtir. Je déteste le froid. Ironique quand on sait que mes dons me permettent de produire de la glace… Je n’ai qu’une hâte : que l’été pointe enfin le bout de son nez. L’Académie est magnifique en cette saison, lorsque les fruits gorgés de soleil décorent les nombreux arbres du campus. En hiver, ils semblent bien morts, même si de nombreuses lanternes et guirlandes lumineuses ornent leurs branches nues. À la manière d’un petit village, les habitations sont réparties dans le campus, sous forme de cottages et de dortoirs. L’Académie se dresse en son centre, imposant bâtiment de pierres et couvert de lierres. À l’extérieur, la place fait office de cœur : vibrante, vivante.
D’un pas rapide, je gagne le lieu de rendez-vous bondé. C’est sans le moindre mal que je repère la chevelure turquoise de l’intenable mage. Et pour cause : debout sur un banc, sa minie robe volant, une main en visière, elle aussi est à la recherche de quelqu’un. Gidéon sans aucun doute.
– Descends de là ! Tu vas te rompre le cou à sautiller comme ça.
– Oh tiens Lyra, tu es déjà là ?
Sainte Madaleina, donnez moi la patience.
– Oui, comme tu peux le constater, grommelé-je. Je suis ravie de voir que tu m’as attendue.
Elle va pour me répondre, mais sa – faible – capacité attentionnelle est prise par l’arrivée de nos directeurs. Parcourant les quelques mètres qui séparent la porte de l’Académie de la place, M et Mme Desboix – deux frère et sœur qui ont hérité de la direction de l’école il y a quelques années – nous saluent. Sur leur passage, les étudiants se décalent. Lorsqu’ils atteignent enfin l’immense brasero au centre, le silence se fait. Ils n’ont pas besoin de le réclamer, de l’exiger ou que sais-je. Sont réunis autour d’eux près de la moitié des élèves, soit plus de deux cents mages âgés de six à vingt-cinq ans.
– Étudiants… commence Mme Desboix.
–... étudiantes… poursuit son frère.
–... nous sommes ravis de vous retrouver pour cette nouvelle année.
– Bien que les événements récents aient chamboulé le Royaume d’Estia, nous tenons à ce que votre scolarité ne soit en rien impactée.
– Comme vous le savez, le responsable de ce terrible incident qui a frappé l’Institut Gadanya a été arrêté…
–... aussi les autorités ont pu certifier que le danger est écarté.
– Vous avez déjà pu le constater, mais nous accueillons cette année quelques étudiants de l’Institut, en attendant qu’elle soit reconstruite.
– Vous connaissez sûrement déjà certains d’entre eux, pour avoir été en cours préparatoire ensemble.
– Nous vous prions de les traiter avec tout le respect et la bienveillance dont vous êtes capables.
– Également, afin de renforcer l’amitié et la solidarité entre écoles…
– … les directeurs des onze autres établissements et nous avons décidé d’organiser un grand tournoi.
Un brouhaha commence à se faire entendre. D’habitude si disciplinés, les étudiants de l’Académie Druidique se mettent à jaser. J’ignore ce qui de l’annonce du tournoi ou de la mention des onze établissements est à l’origine de ce vacarme. Sans doute un peu des deux. À l’origine, il n’y avait que douze établissements. Puis, une treizième école a vu le jour, controversée et sujette à protestations. Avec la destruction de Gadanya, cela nous ramène à douze. Aussi, nous pouvons supposer que, pour la première fois de l’histoire, la treizième école participera aux activités inter-établissements. Cela promet de l’agitation…
– S’il vous plaît, tousse M Desboix, réclamant le silence.
– Nous savons que cette nouvelle est des plus palpitantes.
– Le tournoi se déroulera sur l’intégralité de l’année scolaire, à hauteur de douze épreuves.
– La compétition est purement amicale. Pour vous inscrire, nous vous invitons à vous diriger vers vos professeurs référents lorsque nous vous l’indiquerons.
– Pour chaque épreuve, cinq élèves de chaque école participeront. Les cinq premiers inscrits. L’objectif étant que tous aient leur chance.
– Bien sûr, vous pouvez participer à plusieurs épreuves.
– Seuls les étudiants en spécialisation peuvent prétendre concourir, pour ceux en préparatoire et en renforcement, nous vous réservons d’autres surprises cette année.
Des cris enthousiastes brisent une nouvelle fois le silence. C’est avec un grand sourire que je me tourne vers Calypso. La jeune femme est descendue du banc et se tient à mes côtés. Je me demande comment elle fait pour ne pas mourir de froid. Sa robe blanche possède certes des manches longues, et son corset vert est certes doublé de fourrure, mais elle est tout de même jambes nues. Enfin, pas entièrement si l’on considère que ses bottes jaunes en caoutchou lui remontent jusqu’aux genoux. Cette femme est complètement inconsciente, c’est dingue…
Les directeurs continuent leur petit discours de rentrée. Ils annoncent que les dates des épreuves ne nous seront pas communiqués avant le jour J pour éviter toute tricherie éventuelle. Que l’utilisation de nos pouvoirs est fortement conseillée puisque l’objectif du tournoi est en partie de nous entraîner. Qu’il est attendu de nous de la discipline afin de montrer le meilleur de l’Académie. Etc.
La foule finit par se disperser. À présent que nous pouvons parler librement, je m’apprête à évoquer le tournoi et mon impatience. Sauf que mon amie en a décidé autrement. La revoilà partie dans ses multiples questions et râleries concernant l’absence de notre troisième larron. Je tente de lui faire entendre raison, c’est un échec. Soudain, un cri retentit. Un cri glaçant. Effrayant. Intriguée, mais aussi inquiète, je prends la main de Calypso et l'entraîne en direction de l’attroupement qui se forme non loin de là. Des chuchotements inquiets nous parviennent. Je crois que quelqu’un d’autre crie. Un pressentiment me noue l’estomac et mes jambes tremblent. Je jette un regard à mon amie, mais elle semble dans son propre monde.
Plus nous nous approchons, plus les bribes de conversation que j’entends me rendent nauséeuses. Et enfin, cette phrase : “Il y a un cadavre dans le lac”.
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Kallypygos
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LiliJane
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Bec-Putride
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oriaé la pluie
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Gottesmann Pascal
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LiliJane
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EL Shepard
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