Fyctia
Chapitre 3.1 - Nine
14 ans
— Je dois partir.
La neutralité du ton de Charly me fait frissonner. Jamais il ne s’adresse à moi avec autant de distance. Il ponctue toujours ses phrases par des blagues qui ne font rire que lui ou par des jeux de mots que je trouve indécents. J’ai parfois tendance à croire qu’il s’amuse à me contrarier pour avoir un prétexte pour me prendre dans ses bras par la suite.
J’oublie les canards qui nagent dans l’étang. Je ne sens plus l’herbe me chatouiller les chevilles à cause du vent. Je n’entends plus les rires des enfants qui courent à quelques mètres de nous. Mes mains sont moites autour de la marguerite que je tiens entre mes doigts fins. Les battements de mon coeur fracassent les parois de ma cage thoracique.
Je déglutis et pose enfin mon regard sur lui.
Il ne me remarque pas. À moins qu’il fasse semblant de ne pas sentir mes yeux lui brûler la peau. Il continue de fixer l’autre rive d’un air impassible. Perdu dans ses pensées, il ne ressemble pas à quelqu’un qui vient d’annoncer son départ.
Je prends le temps de détailler son visage, ayant l’intime conviction que je ne le reverrai pas de sitôt.
Ses traits, habituellement doux et chaleureux, sont tirés et froids. Il serre la mâchoire tellement fort que je me demande s’il n’essaye pas de se briser les os. Son teint est pâle et ses yeux, pourtant si clairs, me paraissent plus sombres. Je peine presque à le reconnaître alors que, même dans l’obscurité la plus totale, je serais capable de discerner son portrait tant j’ai passé d’heures à l’observer.
Alors, malgré la chaleur étouffante que nous voulions fuir en nous installant sous ce saule, je suis transie de froid.
Finalement, je hoche la tête et me lève. Je lisse furtivement le tissu de ma jupe blanche. J’ignore les traces laissées par l’herbe que Maman s’empressera de commenter lorsque je passerai la porte de la maison et ramasse mes affaires. Je ferme ensuite mon sac et reporte mon attention sur lui. Il n’a toujours pas bougé. Je fronce les sourcils, inquiétée par son attitude.
Peut-être ne veut-il pas que je le raccompagne jusqu’à la sortie du parc ? Je ne comprends pas. C’est pourtant ce que nous avons toujours fait.
— Tu devrais te dépêcher, lui-dis-je d’une voix douce. Ton père déteste que tu arrives en retard. Je sais que tu adores le mettre en colère mais je n’ai pas envie que tu te fasses encore disputer parce que tu traînais en ma compagnie.
Je fais de mon mieux pour que le sourire avec lequel je ponctue ma phrase ait l’air sincère. Je ne veux pas qu’il remarque mon appréhension. Il risquerait de s’éloigner encore plus. Charly n’est pas quelqu’un de très bavard. Si quelque chose le préoccupe, il ne m’en parlera pas.
Il pousse un long et bruyant soupir avant de tourner, enfin, le visage vers moi.
— Tu ne comprends pas.
Un nouveau frisson court le long de mon échine. J’ai du mal à me retenir de grimacer. Sa voix est teintée d’amertume et de reproches. Je n’aime pas ça.
Je me mords nerveusement la lèvre inférieure jusqu’à ce que le goût du sang s’installe dans ma bouche. Sans que je ne puisse me contrôler, je commence à gratter les cuticules avec les ongles jusqu’à ce que ma peau rougisse.
Je me concentre sur la douleur pour ne pas perdre pied.
Je ne dois pas paniquer.
Cette pensée tourne en boucle dans mon esprit. Et pourtant, j’ai un mauvais pressentiment.
A suivre ...
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