Fyctia
Chapitre 2.2 - Nine
"— D’ailleurs, me dit-il, je voulais te présenter quelqu’un."
Il fait un pas sur le côté, me permettant de découvrir l’homme que j’ai aperçu en arrivant et je me fige. Paralysée par l’aura de l’homme qui se trouve en face de moi, je ne suis pas capable d’entendre ce que mon partenaire raconte à propos de leur relation. Je ne discerne pas son visage, encore tourné vers sa coupe de champagne et dissimulé par quelques boucles brunes mais je sais que je le connais.
Je suis parcourue de frissons. Mon coeur loupe un battement sur deux. Un vide se creuse à l’intérieur de mon ventre et, instinctivement, je pose ma main libre dessus, dans l’espoir de le combler.
Il redresse lentement la tête mais je suis déjà en mesure de deviner ses traits car il n’y a qu’une seule personne capable de provoquer de tels chamboulements en moi.
Une personne qui devait appartenir au passé.
Une personne que j’essaye tous les jours d’oublier.
Une personne qui possède exactement le même regard émeraude que celui que j’ai croisé tout à l’heure et qui est maintenant en train de me détailler.
— Charly.
Ma voix n’est qu’un murmure. Mes lèvres tremblent.
Comme si je faisais face au fantôme qui hante mes pires cauchemars, j’espère que ce n’est qu’un mauvais rêve et que je vais me réveiller en sursaut dans les secondes qui suivent. Mais rien n’y fait. Je suis toujours là, au milieu de cette salle bruyante, à un mètre de distance de celui qui a bouleversé ma vie.
Toujours immobile, je le dévisage. Il arbore un sourire ivre qui m’indique que le verre qu’il repose nonchalamment sur la table près de lui n’est pas son premier. Il croise les bras sur son torse, révélant une montre hors de prix et un fragment de tatouage qu’il ne possédait pas lors de notre dernière rencontre. Avec ses cheveux en bataille et cette chemise au col froissé et aux premiers boutons ouverts, il ressemble au Charly de ma fin de lycée mais ne semble plus rien avoir en commun avec celui qui me prenait dans ses bras, sous ce grand saule, pendant que je regardais les canards nager.
À cause de mon effort physique de tout à l’heure et de la violence de cette rencontre, l’énergie quitte mon corps. Mes jambes sont cotonneuses et je suis obligée de me tenir à Adrian pour ne pas m’écrouler. Il glisse une main dans mon dos pour me soutenir sans quitter mon échange silencieux avec Charly des yeux. Il fronce les sourcils. Je me retiens de le supplier de me faire sortir d’ici et de me ramener à la maison pour que je puisse me rouler en boule dans mon lit.
— Salut Trésor.
J’ai l’impression de recevoir un puissant électrochoc lorsque j’entends sa voix rauque prononcer ce surnom.
Après la façon dont il m’a traité, comment ose-t-il l’utiliser ?
Après tout ce que j’ai enduré, par sa faute, comment peut-il se tenir en face de moi, avec un air aussi détaché ?
Mon sang ne fait qu’un tour. Je contracte la mâchoire et me libère du contact d’Adrian. En moins de temps qu’il n’en faut pour que je réalise ce que je suis en train de faire, mon verre rencontre Charly. Son contenu se déverse sur son visage et coule sur sa chemise blanche, laissant des taches dorées et pétillantes sur son passage.
Le coup lui fait faire un mouvement de recul et avant que je ne puisse lever la main pour lui asséner la gifle que j’aurais dû lui donner il y a des années, je sens les doigts d’Adrian s’enrouler autour des miens. Il m’attire contre lui, m’empêchant de toucher Charly. Je lutte pour qu’il me lâche.
— Rose, me souffle-t-il à l’oreille pour que je sois la seule à l’entendre. Respire. Calme-toi. Je suis là.
— Laisse-moi lui refaire le portrait, réponds-je sans me soucier d’être discrète. Lâche-moi avant que je ne décide de t’en coller une, à toi aussi.
Les yeux toujours braqués sur Charly, je le regarde éponger sa chemise et passer les mains dans ses cheveux comme si ce type d’altercation faisait partie de sa quotidienneté.
— Reste tranquille et explique-moi ce qu’il se passe.
— Rends-moi ma liberté, je grogne. Espèce de grosse brute. Et après, on pourra parler.
Il relâche lentement la pression qu’il exerçait sur mon corps, jusqu’à me libérer totalement. Je masse mes poignets engourdis et abandonne Charly pour foudroyer mon ami du regard.
— Donc, dit-il après un court silence, vous vous connaissez.
Il se frotte l’arrière du crâne, visiblement gêné par la situation.
— Oui.
Charly répond d’un ton neutre tandis que je me contente d’hocher la tête. J’ai l’impression d’être prise au piège. Adrian attend qu’on lui en dise plus. Il veut connaître les détails sombres. Ceux qui m’ont amené à perdre mon sang froid aussi facilement.
Je suis une bombe à retardement.
Adrian le sait depuis la première fois qu’il m’a vu entrer dans le club couverte de sang, au milieu de la nuit, pour soigner mes plaies en paix. Il connaît le mal qui m’oppresse et contre lequel je lutte dès que j’ouvre les yeux jusqu’à ce que je les ferme à nouveau. Mais jusqu’à présent, je n’avais jamais frôlé l’explosion de la sorte.
Pas lors d’un événement qui comporte autant d’enjeux.
Pas devant un public aussi large.
Pas lorsque quelqu’un est capable de lire la douleur se joindre à la rage sur mon visage.
Les yeux verts de Charly rayonnent et me narguent. Je suis tellement bouleversée que je ne parviens même plus à serrer les poings. Ma colère laisse place à la peine. Le vide me ronge les entrailles.
J’ai du mal à croire qu’à une époque, c’était simple entre nous. Il n’y avait pas toute cette rancoeur et ces non dits qui ont traversé les années à nos côtés. Je n’étais pas blessée, meurtrie au plus profond de mon être, comme je n’aurais jamais dû l’être, à cause de lui.
Je cligne des yeux et me retrouve quelques années plus tôt. Je suis de nouveau roulée en boule dans ce lit, secouée par les pleurs qui résonnent contre les murs de la minuscule chambre que j’occupe. Je refusais de voir qui que ce soit. Je passais mes journées à l’appeler. Je prononçais son nom jusqu’à ne plus pouvoir supporter le son de ma voix. Je le suppliais de franchir la porte et de me prendre dans ses bras. Il n’aurait rien dit pour soulager ma peine. Il n’y serait pas parvenu.
Personne ne pouvait.
Personne ne peut.
Mais il m’aurait caressé les cheveux jusqu’à ce que je m’endorme contre son torse, bercée par sa respiration.
Je n’ai pas dû espérer assez fort car il n’est jamais entré. Il n’a jamais su à quel point j’avais besoin de lui. Alors, j’ai tenté de l’enterrer dans un coin de mon esprit que je ne visite jamais. Juste à côté des souvenirs qui n’arrêteront jamais de me tuer à petit feu.
Et je me suis relevée.
Sans Charly.
Ce n’est pas parce que le jeune garçon qu’il était faisait battre mon coeur un peu plus fort que je dois laisser l’homme qu’il est devenu, espérer reprendre une place qu’il ne mérite pas.
Qu’il ne mérite plus.
A suivre ...
🥀 pour en savoir plus, suivez moi sur :
instagram : @isismahe
tiktok : @izoubooks
wattpad : @isismahe
19 commentaires
DANYDANI
-
Il y a un an
multimma
-
Il y a un an
Emma Chapon
-
Il y a un an
Emmy Jolly
-
Il y a un an
Donà Alys
-
Il y a un an
marielovesreading
-
Il y a un an
izoubooks
-
Il y a un an
Gedena
-
Il y a un an
Felicia 🖤
-
Il y a un an
izoubooks
-
Il y a un an