Fyctia

Un message s’affiche et me redonne le sourire.

• Hey Al, je sais que t’es en ville que depuis une semaine, mais je commence à être vexée que tu ne cherches pas à me voir. Je vais aller au Black cat pour bosser cet après-midi, rejoins-moi si tu veux.

Lily était ma meilleure amie quand nous étions petites et on s’est perdue de vue suite à mon départ. Elle est mon opposé, douce, réservée et elle ne supporte pas la violence, pourtant quelque chose de fort nous lie.

Je coupe court à ma conversation avec Marcus, qui avait dévié sur sa nouvelle copine et ses magnifique-cheveux-blond-qui-ressemblent-un-peu-au-miens, pour courir dans l’appartement de mon père situé juste au-dessus du club. J’enfile une jolie robe et coiffe mes cheveux en un chignon sophistiqué. Je ne pourrais pas cacher l’ecchymose sur mon bras, mais mon amie m’a connue dans des états pires que ça donc elle ne se posera pas de questions.

Quand j’arrive au Black Cat, Lily est assise à une table toute seule devant son ordinateur. Je ne l’ai pas vue depuis deux ans, mais elle n’a pas changé, même les lunettes qu’elle réajuste sans cesse sont les mêmes. Quand le serveur m’accueille, elle relève la tête et se précipite vers moi pour me prendre dans ses bras.

– Al ! Je suis tellement heureuse de te voir ma belle.

– Désolée de ne pas t’avoir appelée avant. Entre mon père, Joe et le club, je n’ai pas vu le temps passer.

– Ne t’inquiète pas, l’importance c’est que maintenant tu sois là. Ça doit te rappeler des souvenirs cet endroit non ?

Le Black cat est un coffee shop où nous avions l’habitude de venir quand nous étions plus jeunes. Il est reconnaissable à l’immense tête de chat noir sur la devanture. La décoration à l’intérieur est très simple : des chaises et des tables en bois, quelques cadres avec des photos de l’établissement et de ses clients au cours des années, et surtout un immense arbre à chat.

Evelyn, la propriétaire, a baptisé l’endroit ainsi car, quand elle acheté le coffee shop, un chat noir revenait sans cesse à l’intérieur et refusait de quitter les lieux même si on lui proposait de la nourriture ou si on le menaçait avec un peu d’eau. Evelyn a finalement adopté le félin et à son décès une dizaine d’années plus tard, elle a décidé reprendre un autre chat noir. Elle a alors organisé un tirage au sort et chacun a pu proposer un nom, c’est Lily qui gagné avec sa proposition, Darcy. Depuis un sourire en coin s’affiche sur ses lèvres à chaque fois que quelqu’un crie ce nom.

On commande un thé glacé et Lily me raconte les derniers potins des gens du lycée. Comme à son habitude, elle parle encore et encore jusqu’à se rendre compte qu’elle ne me laisse pas le temps de dire un seul mot.

– Désolé, il faut dire que tu as raté beaucoup de choses. Je me dois de te faire rattraper tout ça.

Je lui fais confiance pour ça.

– Et toi ma belle, comment ça va à Oxford ?

– Ça va, j’ai de bons résultats et je me suis fait des amis. C’est cool.

Je ne sais pas si elle remarque que je mens, elle le voyait immédiatement à l’époque, mais les temps ont bien changé. La vérité, c’est que tout n’est pas si simple. Elle me demande si mes migraines me font moins souffrir et je lui avoue que c’est toujours compliqué de ce côté.

– J’étais étonnée de ne pas te revoir plus souvent ici, ce n’est pas si loin Oxford, et puis tu étais si proche de ton père. Il va bien d’ailleurs ?

– Il est en pleine forme. Il a sûrement une nouvelle petite amie.

En réalité, j’ai évité cette ville comme la peste durant deux ans. Je voulais avoir le droit à un nouveau départ. Je pensais que comme ça, je pourrais oublier la boxe, et tout le reste.

Je lui parle de cette histoire entre Alice et mon père en sirotant mon thé glacé, alors que je sens le poil doux de Darcy contre ma jambe. Je tends la main pour le caresser et il le voit comme une invitation à venir s’installer sur moi. Je sens ses ronronnements contre mon ventre.

– Et toi, tout se passe bien ici ?

– Ça peut aller, j’avance dans l’écriture de mon roman, je m’occupe de mes parents enfin la routine quoi.

Lily a été adoptée par un couple de cinquantenaires quand elle avait cinq ans, maintenant qu’ils ont vieilli elle les aide pour les tâches ménagères qui deviennent compliquées pour eux. Elle les aime plus que tout.

– Les mecs sont beaux à Oxford ?

– Divin. Tu n’imagines même pas.

Aucune idée, je n’ai presque pas levé le nez de mes cours de médecine durant deux ans et c’est tout juste si je trouvais le temps de voir mes amis.

– Et tu as toujours un faible pour les boxeurs ?

– Absolument pas.

On rit en chœur, on a toutes les deux eu des déboires amoureux avec les boxeurs. On sortait avec deux cousins que mon père entraînait qui nous ont trompés durant les vacances d’été. On a passé une bonne partie de l’automne a pleuré dans les bras l’une de l’autre au Black cat, mais c’est vrai que cela a encore plus soudé notre amitié.

– Mon père m’oblige à surveiller Elion.

– Le beau brun ténébreux ?

– Non ça, c’est Seth. Elion c’est l’autre. Même si d’une certaine manière il est beau et brun aussi mais pas ténébreux juste détestable.

On continue de parler jusqu’à ce que tous les autres clients soient tous partis. Evelyn nous regarde avec un sourire aux lèvres : nous sommes redevenus l’espace d’un instant ces deux adolescentes qui se confiaient leurs secrets jusqu’à la nuit tombés en buvant leurs boissons préférées. Après avoir dépassé d’une demi-heure l’heure de fermeture, nous décidons qu’il est temps pour nous de partir.

– C’était cool de te revoir en tout cas. Et puis c’est chouette que tu passes un peu de temps avec ton père. Il doit se sentir vraiment seul depuis que Joe est parti de la maison.

– Comment tu sais qu’il est parti ? On n’en a même pas parlé.

Le temps semble s’arrêter quelques secondes puis Lily s’excuse en se précipitant vers la porte :

– Oh, hum, désolé, mais je dois absolument y aller, on se voit plus tard, ok ? Je t’envoie un message.

Après avoir prononcé ces mots avec une rapidité que même Eminem lui envirait, elle part précipitamment. J’ai encore la bouche ouverte quand la porte se referme, je me retourne vers Evelyn qui ne partage pas du tout ma consternation.

Enfin, s’il y a un truc, tant mieux pour eux j’imagine.

Pourquoi tout le monde à « un truc » sauf moi en ce moment ?