AlphyM RETOUR ÉMOTIONNEL (Noël de tous les cadeaux) La retenue

La retenue

Des heures que je défile entre ce miroir et les couloirs de cette boutique de luxe, à la recherche de la chose la plus laide qu’ils proposent, sans succès. Mais je ne perds pas espoir, je finirai bien tomber sur le saint graal. Enfin, j’espère ! Il en va de ma tranquillité. Mes instincts revanchards n’ont jamais été aussi affamés. À vrai dire, je crois ne jamais avoir ressenti de la haine envers quiconque, avant mon arrivée ici.


C’est ma mère qui serait contente de l’apprendre. Ce serait pour elle une réussite hors échelle. Son offrande la plus précieuse à ses loas, la preuve même de la sincérité, de sa ferveur et de sa dévotion envers ces derniers. Elle aurait éduqué sa fille selon leurs volontés, l’aurait tenue éloignée de la malveillance, le plus mortel des péchés. Je viens de tout anéantir… Non, pas moi, mon père, son toupet, sa mesquinerie et sa nouvelle famille.


Au bout de trois heures infructueuses, je finis par me faire à cette évidence : le magasin n’a pas d’excellentes références pour que dalle. N’entre ici, que du beau, du bon, du cher, du spectaculaire et au pire, du rocambolesque. Toutes les robes stockées à cet endroit sont les œuvres des plus prodigieux créateurs de mode du monde. Et comme le monde est immense… quand-même la coupe n’est pas des plus attrayantes, le design corrige sans difficulté ce défaut, et vice versa.



— Je prendrai celle-ci au final.



Personne ne l’admet clairement, mais j’en ai exaspéré un bon nombre avec ma pseudo indécision. Et c’est tant mieux. Tout n’est pas perdu, toutes les victoires sont les bienvenues à ma table, du moment où elles contribuent nuire d’une quelconque manière à la tranquillité des Davis.



— Très bien mademoiselle, minaude la vendeuse, les mains tendues pour recevoir le vêtement d’un rouge évoquant la passion sous ses formes les plus enflammées, douloureuse et puissante.



Un rouge sacrificiel, dans lequel se fondrait aisément le liquide pourpre en perpétuel mouvement dans nos veines. Rouge de la mort, rouge de la vie. Le sang versé, le sang offert. Sur ces analyses me sont proposés de nouveaux espoirs. Je souris, comme à chaque fois que je me transforme un peu plus en génie du mal.


Pauvre de moi, c’est ma mère qui me tuerait si elle venait à l’apprendre.



— Veuillez emballer ceci également, l’apostrophé-je à la toute dernière minute.



Du doigt je lui désigne une robe noire très architecturale, un ensemble tailleur dont le pantalon bleu est assez original avec des plumes recouvrant la partie des mollets jusqu’aux extrémités, une mini robe gris-clair, une jupe et un crop top assortis car ayant le même imprimé noir et blanc, une robe en cuir à bretelles relativement minces et une tunique à motifs tribaux. Certainement habituée à en voir des plus vertes, la demoiselle s’exécute sans manifester le moindre agacement. Pas certain que j’aurais eu la même patience. J’ai horreur de la tergiversation.



— Tu as tout c’est bon ?



J’opine du chef, l’esprit figée loin, très loin dans mes pensées, tandis qu’un rictus grivois étire mes lèvres.

Le pauvre steward posté devant l’entrée depuis tout ce temps doit à cette heure me prendre pour une perverse ou une prédatrice. Le hasard a voulu qu’il soit sur mon champ visuel, même si je ne le voyais pas vraiment.



— J’ai cru qu’on allait y passer toute la vie, souffle cette snob de Blair à peine elle raccroche au nez de je ne sais qui. Pour quelqu’un qui ne voulait rien au départ, tu en as finalement pris beaucoup, tu ne trouves pas ?



Elle me parle du bout des lèvres, avec une de ces moues pincées pleines de dédain, certaine d’être supérieure, juste parce qu’elle a grandi au milieu de l’or et de l’argent. Fait-on plus folle, quand on y pense ? Là sous terre, asticots et charançons ne savent même pas faire la différence entre le corps d’un humain et celui d’une bête sauvage, alors…



— Si j’avais à te donner une quelconque explication sur quoique ce soit me concernant, lui réponds-je avec une désinvolture assumée, je le saurais tu ne crois pas ?


— Et toi tu crois que tu peux modifier les emplois de temps des autres à ta guise, peut-être ? T’es quand-même sacrément gonflée.


— Les filles, s’en mêle Tiphaine, mais est tout de suite interpellée par la manager de l’établissement —une femme horriblement hautaine que j’ai remise à sa place, tout juste après avoir posé les pieds sur les lieux.



Comme si j’avais tout le temps du monde à ma disposition, j’en dispose avec une nonchalance insoutenable, pour toiser méchamment la jeune copie de belle-mère, du pied jusqu’à la tête. Moi qui ait très souvent critiqué ces pestes de mon collège, de mon lycée, puis de ma fac, convaincue par l’idée qu’elle y perdait, plus qu’elle n’y gagnait, je me suis bien leurrée. Il y a du plaisant dans le fait de jouer les chipies. Il y a cette sensation de toute puissance, d’être maître de son destin aussi, en mesure de se protéger et d’écraser toute force offensive à notre égard. La juste illustration de la petite snob qui rentre presque le cou, touchée là où il faut pour la faire descendre de son perchoir de merde…


Oui chérie, tu es peu de chose, ordinaire et interchangeable, comme n’importe qui.


Mon regard ne peut pas être plus parlant. De quoi rendre son égo malade. Chute libre sur le podium, je viens de ramener mademoiselle au bas de l’échelle.



— La colère du cafard n’inquiète guère le coq chère Blair, ou quel que soit ton nom. Tu n’es ni la propriétaire de cette carte de crédit, ni l’organisatrice de tout ceci. Alors avec moi, tu te calmes.



Sa grande sœur soupire, peinée à nos côtés, pendant que nous nous dévisageons, nous promettant l’une à l’autre le pire, dans un silence des plus tempétueux.



— Vous deux ça suffit ! Mais quelles sont ces manières ?


— Demande à cette fille sortie de je ne sais où, pour venir bouleverser nos vies.


— Blair !


— Pas la peine madame, je sais me défendre toute seule, interromps-je Tiphaine sans détourner mon visage de celui de sa prétentieuse de sœur. Alors toi la naine, tu écoutes : je comprends que tu aies besoin de faire le plus de bruit possible pour exister, mais je conseillerais à l’avenir de ne pas en faire quand je suis dans les parages. Ne t’imagines pas une seule seconde que, parce que tu es chez toi, tu vas te permettre de me parler comme bon te semble. À ce propos d’ailleurs, j’ai une bonne nouvelle pour toi : ne-me-par-le-pas. Tu n’existes pas à mes yeux, tu n’es personne, alors rends-moi service et retires mon nom de ton vocabulaire ou sinon, crois-moi, je te ferai voir qui est la plus peste des deux. J’ai un brevet en la matière sosyè, terminé-je dans un souffle moqueur, à presque rien de son nez, avant me redresser.




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Sosyè: sorcière en créole haïtien

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24 commentaires

Véronique Rivat

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Il y a 4 ans

Elle a un fichu caractère ta Rock ! Il va falloir lui trouver un adoucisseur 😉

Oona Rose

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Il y a 4 ans

J'adore Rock. Je suis sa plus grande fan. Le problème avec tes chapitres, c'est qu'ils ne sont jamais assez longs à mon goût 😜 C'est très réaliste cette scène. J'adore ! Et toujours cette capacité à manier les mots.

AlphyM

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Il y a 4 ans

C'est le faute de Fyctia 😝😂🙈... Merci d'être toujours au rendez-vous

Oona Rose

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Il y a 4 ans

J'y suis avec plaisir ^_^

Princilia Daci

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Il y a 4 ans

Ohlala sacré caractère notre Rock ! Il ne faut décidément pas la chercher 😅🤭

AlphyM

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Il y a 4 ans

La douleur ça endurcit certains, malheureusement

Fanfan Dekdes

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Il y a 4 ans

Houlà mais quel caractère ! Vaut mieux pas l’enquiquineur x)

Fanfan Dekdes

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Il y a 4 ans

enquiquiner *

AlphyM

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Il y a 4 ans

Ahaha tu l'as dit

Royal air

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Il y a 4 ans

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