Fyctia
Tramway (2)
Pour quitter la terre pour le ciel, il fallait soit se faire plus légère, soit me munir de mécanismes qui me donneraient l’illusion de l’être, alors un matin j’ai fait le vide dans ma tête, fait le tri tant dans mes souvenirs que dans mes espoirs, aussi minces étaient-ils à cette époque, puis j’ai regardé mon fils, Ocean. Et c’est là que j’ai compris : je ne veux pas de mes malheurs comme héritage pour lui, je veux une meilleure existence pour ses yeux où est retenue la nuit sous sa forme la plus jolie, je veux le sourire sur ses lèvres autant que possible, parce que les larmes je ne serai jamais en mesure de les faire disparaître. C’est pour ça qu’il me fallait trouver des réponses à mes lourdeurs, à mes froidures et deux fois plus à l’erg qui grignote chaque seconde un peu plus, deux ou trois morceaux d’espérance en moi, bien décidé à me laisser sans âme, presque inerte et sans aucun doute dans l’indifférence : la mort de l’esprit. Alors j’ai décidé d’aller en quête de réponses.
J’ai songé à lui passer un appel vidéo sur Facebook une nuit, puis une deuxième. Puis j’ai conclu de laisser la décision maturer entre mes synapses et mes ventricules le temps de deux ou trois sommeils, de quelques nuits qui ne m’ont jamais vraiment portées conseils, mais laissé couler beaucoup d’affliction par contre, sans aucun franc succès. Je m’en étais un peu douté et cela a fini par se produire : j’ai moi-même été surprise par le temps. Dix jours, c’étaient écoulé que je n’avais même pas une ébauche de décision, pas l’empreinte d’une solution. C’était définitivement difficile, alors j’ai embrassé ma souffrance une bonne fois pour toute. Je pouvais guérir seule, ai-je commencé par me dire, avant de me lancer dans de longues séances de méditations, pour chercher le bonheur caché derrière le malheur, pour m’accrocher aux leçons, et pas seulement à la déception.
Je suis devenue plus calme que jamais et avec maman qui travaillais deux fois plus depuis la naissance du petit, le silence n’a pas été difficile à entretenir. De plus, j’avais l’excuse parfaite, après une année sabbatique, me remettre à jour sur les cours à la fac était tout aussi ma priorité que la sienne. Alors ça s’est fait, je me suis réfugiée dans mes pensées, je suis rentrée en moi, converser avec mes peurs, mes fantômes, mes laideurs. Jusqu’à ce matin, où je ne sais par quel miracle, cette lettre a été postée à mon attention. Papa voulait me voir.
Je l’avais cherché et trouvé, lui ne m’a jamais perdu de vue, il m’a juste recontacté.
Une larme roule sur ma joue, mais ce n’est pas elle qui m’extirpe de mes songes. Plusieurs l’ont succédées, là où d’autres ont préféré dévier vers mon oreille. Déplacement rectiligne pour certains, avancée curviligne pour d’autres. Comme dans la vraie vie, chacune a tracé son chemin.
Et pour en revenir à mon propos, c’est une agressive odeur d’alcool qui révulse mon être. Je fronce mon nez pour m’en protéger et tords la bouche de désapprobation. L’homme de qui proviennent ces effluves est un épouvantable vieillard dont la mine bousillée fait montre d’une aigreur qui accentue sa laideur, comme son alcoolisme condamne sa charpente décatie. Le ciel dans ses yeux est pourtant censé atténuer quelque chose sur tout ce triste tableau, mais il n’en est rien, et les énormes cernes de panda sous ses cils sont encore pire que sa regrettée blondeur hirsute et encrassée. Je ne peux m’empêcher de grimacer. Bien sûr de dégoût. Mais pas seulement. C’est beaucoup plus de la colère. Je me demande s’il a des enfants, une femme, une amante. Si ces derniers l’attendent. Il me rappelle mon père et soudain traverse dans l’air une brise de soulagement, puis un courant de rage. Billy Davis, je l’aurais souhaité dans cet état. Pas multimillionnaire, en forme et entouré de l’amour de deux jolies femmes…
— On se connait ? crois-je lire sur les lèvres de l’homme, définitivement exaspéré par mon regard insistant sur sa personne.
Ces moments d’absences sont assez fréquents chez moi. Normal, il y a tant de chose que je ne sais pas dire, mille autres qu’on ne m’a pas laisser souffler, en plus de toutes ces vies qui m’ont glissées entre les doigts. En d’autres circonstances, j’aurais bredouillé quelques excuses. C’est malpoli de dévisager ainsi les gens, mais là, je n’en ai pas du tout envie. Du reste pour moi, tant mieux s’il est indisposé. C’est de bonne guerre, match nul.
Putain, ça schlingue !
— Pas que je sache, réponds-je après avoir retiré une oreillette.
Il rote. Bordel de dieux, il rote !
Ma main n’est malheureusement pas assez efficace pour m’épargner l’odeur rance qui précède —si ce n’est qu’elle accompagne son geste grossier.
— Alors tu ferais mieux de changer de trajectoire petite poupée. Y a rien à voir ici, zozote-t-il au final, avant de soulever avec beaucoup de peine, sa main de sa cuisse, pour la caler sur l’accoudoir.
C’est laborieux, c’est triste… pitoyable en somme. Sans surprise, ça m’échauffe le cœur. Tant pis pour l’assistance, ce n’est pas moi qui ait commencé. Et ça me fout les boules ces adultes irresponsables…
— Non, vous vous feriez mieux de retourner à votre ancienne place !
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Véronique Rivat
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Il y a 4 ans
AlphyM
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Il y a 4 ans
Véronique Rivat
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Azalyne Margot (miss Ninn)
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Princilia Daci
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