Carrie N Résistance Perspicacité

Perspicacité

Gustave reste silencieux. Il l’est de nature mais aujourd’hui, plus qu’à l’accoutumer. Nous déjeunons presque en silence, Franck étant perdu dans ses pensées. Il quitte la table avant que Gustave et moi-même n’ayons terminé de manger. Je profite de cette opportunité pour essayer de le dérider.

— Ca va Gus’ ?

Il lève les yeux sur moi, blasé.

— Ouais ça va.

— Tu mens.

— Toi aussi.

Prends ça dans ta gueule Bapt’ !

Nous ne nous lâchons pas du regard. Je suis le premier à céder.

— Ok, d’accord. Je veux bien t’expliquer ce qu’il se passe, mais tu ne dois en parler à personne.

Il se redresse, pose sa fourchette qui était restée en suspend dans sa main.

— Je t’écoute.

Je lui raconte tout, depuis le début. Ma formation avec Cassy, ce que j’ai ressenti sans trop savoir le décrire, le trouble qu’elle provoque en moi depuis lors, comme une obsession. La soirée, le baiser, sa fuite. Puis l’altercation avec Foster et la nuit passée ensemble. Je me surprends à lui avouer qu’elle s’est envolée au petit matin. Même si je me sens humilié, j’ai besoin de le dire. Et enfin, le rendez-vous avec le big boss, la réaction de Cassy, imperturbable, les remerciements que je suis sensé lui donner.

Le regard de Gustave évolue légèrement tout au long de ma tirade. Mais je n’arrive pas à déterminer ce qu’il pense.

— Voilà, tu sais tout.

Il grimace puis se penche sur la table, dans ma direction.

— Tu aurais du lui casser la gueule.

— Pardon ?

— Tu aurais du lui casser sa putain de gueule !

Putain ! Gustave ! Que lui arrive-t-il ! Je m’esclaffe, les yeux écarquillés de surprise. Il poursuit.

— Foster est un connard prétentieux qui croit que tout lui est acquis. Ca lui fait les pieds un peu ! Je suis content que le big boss n’ait pas été dans son sens et qu’il soit resté impartial.

Je me trouve devant un Gustave que je ne connais pas. Son regard est incisif, puis se radoucit.

— Quant à Cassy, si j’étais à ta place, je la remercierai, effectivement. Elle a dû ramer dur pour que le big boss ne te mette même pas un avertissement.

— La remercier ? Je ne sais pas si tu as percuté que c’est en l’aidant que j’en suis arrivé à vouloir casser la gueule de Foster ! Et elle m’a planté comme un connard !

— En es-tu sur Bapt’ ?

— De quoi ?

— Que tu as voulu casser la gueule de Foster pour aider Cassy ?

Je me fige. Mes pensées s’entrechoquent dans ma tête.

— Bien sûr !

— N’était-ce pas par jalousie plutôt ?

Sa bouche forme un rictus, son regard est amusé. Les bras m’en tombent.

— Quelle perspicacité.

— Et ça t’étonne ? Je pensais que tu m’avais un peu mieux cerné que ça.

— Désolé mec.

— Y’a pas de mal. En attendant, tu as tout de même eu ce que tu voulais grâce à Foster finalement. Sans cette altercation, Cassy n’aurait jamais fini dans ton lit ce soir-là.

Je n’avais pas vu les choses sous cet angle.

— Ouais, mais je ne m’attendais pas forcément à ce que ça se déroule comme ça.

— Quoi ? Qu’elle te plante en pleine nuit ?

— Ouais.

— Ce n’est pas ce que tu fais habituellement avec les nanas que tu fréquentes ?

Je me sens piquer un fard. Je le regarde, penaud. Il rit.

— Si.

— Alors, où est le problème ?

— Ca fait chier. Ce n’est pas ce que je voulais.

— Et tu voulais quoi.

— Elle.

— Mais tu l’as eu ?

Il écarte les bras en signe d’incompréhension.

— Oui mais je ne la voulais pas comme ça. J’aurais aimé qu’elle reste. J’aurais aimé la revoir. J’aurais aimé recommencer.

Putain, oui, c’est ça. J’aurais voulu qu’elle reste au creux de moi bordel. Je veux cette femme, et pas que pour une nuit !

Gustave reste figé, les mains toujours ouvertes, sans me répondre.

— Je sais c’est débile. Ce ne me ressemble pas. Mais je ne sais pas comment t’expliquer. Je la kiffe grave. Je ne sais pas ce que je ressens au juste, mais je n’ai jamais vécu ça avant. Ca me submerge tu comprends. Ca me dépasse totalement !

— Tu ne la connais même pas.

— C’est vrai. Mais chaque fois que je la vois, qu’elle me parle, qu’elle évolue devant moi, qu’elle vient même à ma rescousse, je tombe encore plus.

Gustave éclate de rire. Je grogne et lui donne un coup de pied sous la table. Il geint mais continue de s’esclaffer.

— Ben mon coco, te voilà bien tiens !

— Ouais. Je ne sais pas quoi faire.

Un silence s’installe entre nous. Dans ma tête aussi.

— Tu as marqué des points jusqu’à présent. T’as même l’air d’avoir fait un sans faute. Sois gentleman pour une fois. Remercie là et tu verras bien.

— Je dois comprendre pourquoi elle s’est barrée Gus’.

— Il sera toujours temps de lui demander. Y’a pas le feu au lac si ?

— Je suis frustré Gus’ !

— Je sais. Mais tu ne vas pas en mourir. T’as été capable d’attendre une plombe qu’elle te tombe dans les bras. Tu peux bien attendre une explication sans lui rentrer dedans si ?

— Peut-être…

Sur ces mots, Gustave se lève, saisit son plateau repas. Il le dépose sur le chariot prévu à cet effet. Je lui enquille le pas et nous retournons en silence au bureau. Je me sens soulagé d’avoir parlé de tout cela. Gustave est quelqu’un de confiance me semble-t-il et ses conseils sont judicieux. Sage Gustave. Il me surprend, toujours.

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