Fyctia
Expérience
L’expression de Gustave ce matin ne laisse rien paraître. Fidèle à lui-même, je n’arrive pas à savoir s’il s’est passé quelque chose ou pas.
— Salut Gustave, ça va ? Ça s’est bien passé hier soir ?
Lorsqu’il lève son visage vers moi, je lui fais un clin d’œil accompagné d’un sourire convenu et il pique un fard.
— Ça va.
— C’est tout ?
— Qu’est-ce que tu veux que je te dise.
— Oh aller c’est bon, tu peux m’en parler.
— On a un projet à démarrer je te rappelle et on n’a pas le temps de papoter.
— T’abuses !
Bien, je n’arriverai pas à le faire parler pour le moment. Nous décidons de faire un brainstorming afin de poser sur table toutes les idées qui nous viennent. Gustave a de l’expérience et sait précisément comment classer tout ce bordel qui émane de nos têtes. A midi, après trois heures de déballage en bon et du forme, nous sommes lessivés.
— Besoin de recharger les batteries. On va déjeuner ?
— Ouais on y va.
Gustave est silencieux et semble perdu dans ses pensées. Ça fait deux fois qu’il regarde son portable, habituellement éteint, même pendant ses pauses.
— Tu attends un coup de fil important ?
Il relève la tête, surpris, et devient rouge écarlate.
— Oh toi, tu ne veux pas en parler mais il semblerait que la petite Clémentine ait fait des merveilles.
Il baisse la tête, confus, et ne décroche plus un mot de tout le repas. Il picore plus qu’il ne mange et regarde son téléphone à deux reprises. Je suis presque gêné pour lui de le voir si mal à l’aise.
— Tu veux en parler ? Tu sais, il n'y’ pas de mal à se faire du bien Gus’
Il me regarde, puis fixe son assiette et enfin, appuie sa tête sur une main.
— Je sais. Mais je ne sais pas gérer ce genre de situation.
— Comment ça ?
— Je suis un romantique Baptiste pas un adepte des plans d'un soir. Même si je sais que c’était juste pour batifoler, c’était chouette et je la reverrai bien. Mais je ne pense pas que ce soit ce qu’elle recherche.
"Batifoler"... Il n'y a qu'un gars comme Gustave pour utiliser ce genre de mots afin de décrire un coup d'un soir !
— Toutes les filles cherchent un mec pour la vie Gus’. Tu l’as contacté depuis hier ?
— Non.
— Et t’attends quoi ?
— Un message.
— Ah. C’est elle qui t’a dit qu’elle te contacterait ?
— Non.
— D’accord… Et si elle fait la même chose de son côté, tu crois qu’il va y avoir une suite à… cette situation ?
Il lève une nouvelle fois son regard sur moi, fixe son téléphone, et soupire.
— Ce n’est pas une fille pour moi. Elle a l’air de sauter sur tout ce qui bouge non ?
Il me regarde intensément, mais je ne sais pas si je dois lui répondre franchement.
— Baptiste… Sois honnête, dis moi.
— Je ne sais pas. Je ne l’ai vu qu’une fois.
— Et vous avez… enfin je veux dire…
— Baiser ?
— Ouais…
Il devient rouge écarlate.
— Pas vraiment non.
— Comment ça pas vraiment ? Vous l’avez fait ou vous l’avez pas fait. Il n'y a pas d’intermédiaire.
— Une pipe ça compte ?
Gustave a un mouvement de recul. Bouche entrouverte d’où aucun son ne sort, son regard laisse entrevoir comme une fissure qui vient de s’y insinuer. J'aurais du me la fermer.
— Merde…
— Merde quoi Gus ? Cette nana cherche l’amour. Elle a tenté avec moi et ça n’a pas marché. Peut-être que ça fonctionnera avec toi.
— Non.
— Pourquoi non ?
— Si elle vise un mec comme toi, je ne vois pas ce qu’elle peut faire avec un type comme moi, d’autant plus que je ne suis pas très expérimenté alors… En plus si d'entrée de jeu elle t'a... enfin... tu vois ce que je veux dire ! Je ne sais pas quoi en penser.
Ses joues doivent le brûler, ses yeux brillent, fiévreux.
— Il ne s’est rien passé de plus entre nous Gus'. Expérience ou pas expérience, elle n’a certainement pas profité de la mienne. Je ne vois donc pas en quoi ça poserait problème.
Une onde parcoure sa main et Gustave sursaute sur son siège. Son regard brille en regardant le téléphone.
— C’est elle.
— Ben tu vois !
Il me regarde, comme s’il attendait que je lui dise quoi faire.
— Gustave. La seule chose que je peux t’inviter à faire est de ne pas t’emballer. Je veux bien que tu ne sois pas habitué mais vas-y mollo.
— OK…
Il regarde son mobile quelques secondes.
— Je lui répondrai plus tard.
Il prend vite de la graine. Il semble rassuré et m’envoie un sourire timide auquel je réponds par un signe de tête encourageant. Je me doutais qu’il n'avait pas grande expérience avec les femmes, mais d’ici là à le voir aussi empâté, j’en suis presque dérouté. La majorité de mes potes sont comme moi, et ceux qui ne le sont pas sont casés. De ce fait, voir un Gustave plutôt bien de sa personne et qui semble sûr de lui au premier abord, paumé dans l’attente d’un simple texto d’une meuf qu’il n’a vu qu’une fois, ça me laisse songeur.
Cependant, quand je vois combien je suis ridicule depuis ma rencontre avec Cassy alors qu’il ne s’est rien passé, je me sens mal placé pour juger Gustave.
De retour au bureau, nous nous replongeons à corps perdu dans notre projet. Ce travail en binôme m’oblige à me concentrer et les idées que nous arrivons à mettre en place me plaisent tellement, que j’en oublie enfin l’objet de mon affection durant les quelques jours qui suivent.
3 commentaires
Flora Armonie
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Il y a 7 ans
Carrie N
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Il y a 7 ans
paul geister
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Il y a 7 ans