Fyctia

— Gustave, Baptiste, débrief dans la salle de réunion sur un gros dossier à produire en un temps record. Nous allons avoir besoin de toute votre créativité lumineuse pour aboutir !

Paulo semble monté sur pile et surexcité. Nous laissons en plan nos projets du moment avec Gustave. Nous nous équipons d'un stylo, d'un cahier, et nous suivons notre boss dans la salle de réunion.

Mon pas reste subrepticement en suspend quand j’entre dans la pièce. S’y trouvent le chef de projet, le responsable des ventes, le big boss et… Cassy. Merde ! Je ne suis pas prêt à intervenir devant un tel comité si mon avis est sollicité.

Étant le dernier à m’installer, la seule place qui reste se situe face à Cassy. A chaque fois qu’elle intervient, je suis suspendu à ses lèvres. Je ne peux m’empêcher de les regarder bouger, gourmandes, roses, craquantes.

Gustave, assis à mes côtés, me donne un coup de coude. Je sursaute et le regarde abasourdi. Putain, ça fait combien de temps que je la scrute ! Pris en flag, je tourne vivement la tête vers Cassy pour m’assurer que mon attitude est passée inaperçue.

Elle me regarde par en dessous, le sourcil relevé et un sourire amusé. Je baisse les yeux, terriblement mal à l’aise et je me sens piquer un fard. Putain de bordel de merde ! Depuis quand je rougis face à une femme moi !

Le boss nous interpelle.

— Gustave et Baptiste, je compte sur vous pour mener à bien toute la partie création. Vous aurez compris que ce projet est capital pour Maruka et de sa réussite dépendra une ouverture sur un nouveau marché. Mailler l’ancienneté et le sang neuf avec vos esprits créatifs nous semble un couplet gagnant. Au moindre problème, je compte sur vous pour solliciter immédiatement Ayuka.

Je suis largué l’espace d’un instant, n’ayant pas écouté la moitié de la réunion. Le big boss nous missionne, Gustave, moi-même et Ayuka, le chef de projet, sur un dossier d’envergure. C’est tout ce que j’en retiens. Je suis agacé par mon comportement et j’en ai marre d’être obsédé par cette femme.

Revenus au bureau, Paulo nous informe de la suite des opérations.

— Gustave, Baptiste, je vous invite chacun à transmettre les éléments des projets sur lesquels vous travaillez à Jessica et Gérald qui les prendront en charge à partir de maintenant. Vous avez l’après-midi devant vous. En fin de journée, je veux que tout soit bouclé afin que vous puissiez vous consacré au dossier « Persephone ».

L’après-midi passe à une vitesse hallucinante. Bien que mon projet ne soit pas dantesque, transmettre l’esprit dans lequel j’ai commencé à le bosser à Gérald qui ne travaille pas comme moi, n’est pas évident. Je rejoins Gustave en fin d’après-midi. Il est déjà revenu à son poste. Paulo semble discuter avec lui du projet et se redresse, torse bombé, et me lance son plus beau sourire en passant une mèche de cheveux derrière son oreille dans un geste gracieux.

— Baptiste, j’aimerais que tu m’accordes quelques secondes s’il te plaît. Suis moi.

Je regarde Gustave dans l’espoir qu’il me donne quelques indices mais il hausse les épaules, son air m’indiquant qu’il ne sait pas de quoi le boss veut me parler.

Je le suis vers la machine à café.

— Un café Baptiste ?

— Euh… Oui merci.

— Sucre ?

— Serré sans sucre merci.

Il me tend mon café et m’amène au sujet de cet aparté.

— Baptiste. Tu es fraîchement arrivé dans le service et il n’a pas été évident pour moi de te faire valider sur ce projet capital. J’espère que tu en as conscience ?

J’écarquille les yeux et ne sais pas trop quoi répondre.

— J’espère que tu seras digne de cette chance et que tu sauras me remercier à juste titre le moment venu.

Je crains de ne pas comprendre mais je ne veux pas me le mettre à dos.

— Je ferai de mon mieux Paulo.

— Très bien Baptiste.

Il s’approche de moi et je me tourne face à lui au moment où j’ai la sensation désagréable qu’il va me mettre la main aux fesses. Bien m’en prend puisqu’il la relève immédiatement. Il blêmit et son sourire pervers disparait de ses lèvres alors qu'il fixe quelque chose derrière moi.

— Vous êtes là ?

Ah... C'était quelqu'un.

— Oh Cassy ! Je félicitais Baptiste pour sa promotion.

— Je vois ça Paulo.

Cassy se place entre Paulo et moi. La tension déplaisante que je ressentais disparaît pour laisser place à une chaleur et mon regard doit être empreint de gratitude quand je regarde Cassy. Elle rapproche son visage du mien par en dessous et cache sa bouche avec sa main du côté de Paulo pour faire une messe basse.

— Fais attention à toi Baptiste. Paulo est friand des beaux gosses dans ton genre. Il a les mains qui traînent parfois.

Ce qui semblait parti pour être une confidence se transforme en une mise en garde ouverte et affirmée.

— Cassy ! Je ne te permets pas !

Paulo est rouge cramoisi et semble outré alors que Cassy est visiblement très amusée. Elle se sert un café tout en continuant de remettre Paulo à sa place pour moi.

— Paulo ! Laisse donc ces jeunes tranquilles. Heureusement que cela ne fausse pas ton jugement sur leurs capacités !

Elle se tourne vers moi, le regard interrogateur.

— Quoique je me mêle peut-être de quelque chose qui ne me regarde pas ?

— En effet, Cassy ! De quoi je me mêle !

Paulo est furax et retourne d’un pas décidé à la plateforme graphique. Nous le suivons tous deux du regard avant que nos regards ne se trouvent. Je prends une vive inspiration, profondément troublé.

— Merci Cassy.

— Je t’en prie. Tu t’en serais sûrement sorti sans moi mais il peut être pénible parfois. N’hésite pas à le remettre à sa place même s’il est ton boss.

— Je note. A-t-il vraiment insisté pour que je bosse sur ce projet ?

Je me sens mal à l’aise de lui poser cette question mais j’ai besoin de savoir.

— Son intervention a été décisive. Il est celui qui te voit bosser tous les jours et a levé nos doutes quand au côté prématuré d’impliquer une jeune recrue dans un projet de cette envergure. Mais tous les membres de la commission présents à la réunion sont rapidement tombés d’accord. Bien que tu aies seulement deux petits projets à ton actif dans la boîte, ils ont fait du bruit. Et nous savons tous de quoi tu es capable.

— Ah bon ?

— Bien sûr. J’ai beaucoup aimé les quelques planches que tu as envoyées avec ton CV. J’adore ton coup de crayon.

Oh putain ! J’y crois pas ! Elle a vu mes esquisses !

Je la remercie et je rougis, encore. Là où je devrais bomber le torse et me la péter, ce que je fais habituellement, je sens que je me rétracte comme un escargot dans sa coquille tellement cette femme m’intimide.

— Mais je t’en prie. Je ne dis pas ça pour te faire plaisir mais parce que je le pense. Et je ne suis pas la seule.

— Merci. Ca veut dire que tous les membres de la commission ont pris connaissance de mes planches ?

— Bien sûr. Nous avons besoin de sang neuf pour ce dossier et tu sembles être parfait. Bon courage Baptiste !

— Oh… Euh… Merci.

Je suis perplexe et reste quelques secondes statufié. Lorsque je monte mon café à la bouche, il est froid. Je grimace et reprend mes esprits. C’était quoi ça ?