Fyctia

Flora

Me voilà assise sur le trône, mon carnet et un stylo à la main. Cela fait déjà cinq minutes que je suis dedans, en train de relire toutes les notes que j’ai prises. Les flèches partent dans tous les sens, j’essaie de relier les informations aux deux dieux qui restent, mais je suis bloquée. Ils sont trop similaires dans leur vie familiale et professionnelle. Plus je réfléchis, plus l’évidence me frappe : je vais devoir poser la question interdite à Juliann, celle sur ses parents. Rien que d’y penser, je stresse. Il faut que je fasse attention à la manière dont je vais l’interroger, je dois avoir ce côté innocent dans la voix. À mon avis, ça ne va pas être une mince à faire. Vous devez sûrement vous demander pourquoi je veux absolument le démasquer maintenant ? Parce que j’ai l’intime conviction que je ne resterai pas dans le jeu. Les demandes que je fais commencent sans doute à être remarquées, et je me sens coupable de mentir comme cela. Si jamais un des dieux m’apprécie réellement alors que moi non, je ne saurais pas comment réagir. Le dieu des cieux est le seul qui m’intéresse véritablement. La vraie question est : qui se cache derrière lui ? Est-ce qu’il m’aime bien aussi ? Va-t-il me choisir ? Il y a trois interrogations et non une, je sais. Malheureusement, je n’arrive pas à mettre mon cerveau sur pause.

Soudain, j’entends des bruits de pas, des chuchotements. Je ne parviens pas à distinguer la moindre parole. Un rire aigu et exagéré me fait comprendre que c’est la bande de pimbêches. Je distingue mieux les mots et réalise qu’elles parlent de Lydia :

— Cette fille est bizarre. Elle traîne tout le temps avec les deux coincées et ne se baigne jamais !

C’est moi l’une des deux coincées ? Je me retiens de sortir de la cabine pour lui dire ce que je pense.

— Il faudrait qu’on la suive la nuit. Je l’ai vu se lever une fois pendant que tout le monde dormait. Mais je n’y ai pas prêté attention, j’étais trop fatiguée. Mon petit Chanel me manque tellement, intervient une des bimbos.

— Écoute Irène on s’en fiche de ton chien, il faut que l’on arrive à dégager ces trois nanas rapidement !

Je n’en crois pas mes oreilles. D’accord, on ne s’entend pas, pour autant nous, on ne cherche pas à les évincer ! C’est dans ce type de situation que l’on parvient à démasquer les gens. Certains sont prêts à tout pour gagner, se montrer et repartir avec l’un des dieux. Je déteste ces comportements !

— Oh j’ai une idée ! Pour Layla, il est évident qu’il faut la suivre afin de découvrir son secret. Concernant les deux autres, on pourrait peut-être dès demain, lors des ultimes rencontres, parler d’elles en mal sans trop en faire. Dire qu’elles sont sales, qu’elles ne se lavent pas ou portent les mêmes vêtements plusieurs jours d'affilés, suggère l’une des candidates.

Je crois qu’il est temps que je sorte de ma cachette, je me languis de voir leur visage se décomposer. Je tire la chasse afin de crédibiliser ma présence, j’ouvre la porte et surprise ! Quatre filles sont présentes dont Sofia. Je ne suis pas étonnée. Si elles pouvaient, elles nous éjecteraient une par une de la compétition. Je m’approche du groupe et n’hésite pas à leur dire le fond de ma pensée :

— Eh oui j’étais là depuis le début, j’ai tout entendu ! Vous n’êtes qu’une bande de pestes sans cervelle, qui se sentent menacées ! Votre seul moyen d’exister, c’est de pourrir les autres ! Mais croyez-moi, je ne vous laisserai pas faire. Je compte bien rester le plus longtemps possible afin de vous voir partir les unes après les autres, affirmé-je avec conviction.

Je viens de leur clouer le bec et je peux vous assurer que c’en est presque jouissif. Seuls les yeux de Sofia me lancent des éclairs. Si elle savait qu’en agissant ainsi, elle me donne une raison de tout mettre en oeuvre pour rester le plus longtemps possible. Je les laisse en plan sans même attendre d’éventuelles réponses. Pour bien accentuer ma prise de parole, je fais un geste que ces pimbêches maîtrisent à la perfection : le jeté de cheveux derrière l’épaule. Ces emmerdeuses doivent en comprendre la signification puisqu’elles passent leur temps à se les triturer.

J’accours en parler aux filles, qui ne vont pas en revenir. Mais avant tout, je dois replacer le carnet discrètement dans ma valise. Être prudente devient complexe, si ces filles observent les moindres faits et gestes de chaque personne, je vais être obligé de redoubler de vigilance. J’arrive à l’étage où se situe notre chambre, heureusement pour moi la pièce est vide. J’accours vers ma valise et repose rapidement mes notes au fond de celle-ci.

— Qu’est-ce que tu fais ? m’interpelle la voix d’une de mes amies du jeu.

Sous l’effet de surprise, je sursaute et pose une main sur ma poitrine. Je vais finir par faire une crise cardiaque un de ces jours.

— Tu m’as fait peur Lydia ! J’étais en train de chercher ma crème dépilatoire, persuadée de l’avoir prise avec moi. On dirait que non finalement. Je ne voudrais pas ressembler à un yéti devant la caméra !

D’où me vient ce talent d’improvisation ? Elle semble gober mon histoire. Le mensonge n’est pas quelque chose que j’apprécie, seulement parfois, c’est l’unique moyen de se sortir d’une situation comme celle-ci.

— J’en ai si tu veux, elle ne me sert pas alors si ça peut t’aider, me propose-t-elle avec sa gentillesse habituelle.

C’est à ce moment précis que je ressens pour la première fois ce sentiment : la culpabilité. Lydia est une femme adorable au grand cœur et je suis en train de lui mentir délibérément. Je me dégoûte !

— Tu me sauves la vie !

— Sers-toi elle est à l’intérieur de mon vanity, tu nous rejoins après dans la chambre d’Amélia ? me demande-t-elle.

— Oui je me dépêche, lui assuré-je.

Comme dans les sables mouvants, je m’enfonce lentement dans la dissimulation. J’y pense même la nuit, mon sommeil est trop court pour être réparateur. Qu’est-ce qui m’a pris d’accepter ce chantage ? La peur bien sûr ! Je n’ai aucune éthique, je manipule les gens afin d’obtenir des informations pour un foutu article. C’est donc ça le métier de journaliste ? Utiliser les autres et les jeter après ? Pourquoi n’avais-je pas remarqué cela avant ? Je me demande si je dois encore poursuivre l’aventure. À quoi bon récolter des renseignements si je ne suis pas capable de passer au-dessus de la morale ? Je devrais peut-être me poser et y réfléchir sérieusement. Suis-je prête à mettre ma carrière à la poubelle pour quelques états d’âme ? Je n’en sais rien !

• Dans le prochain chapitre, vous aurez une petite surprise alors pour la découvrir appuyez sur le petit like et le partage si vous avez envie. Kiss Charlotte L.