BettySophie Renaissance ou comment ton amour m'a sauvé Chapitre 31 - ARIANA

Chapitre 31 - ARIANA

« Mon amour, je t’attendrai sans fin, demain comme toujours. » (Louis ARAGON)


Comme chaque soir, le public est au présent et reprend même certaines de nos chansons les plus populaires. Hélas, je n’arrive pas à en profiter. Il manque une personne dans le public depuis trois jours : Jacob. Les paroles de la chanson de Dave tournent en boucle dans ma tête « un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. »µ Il m’évite, j’en suis persuadée. Il ne répond pas à mes messages ni à mes appels. Justine dit je devrais aller le voir et m'expliquer. Elle a raison, mais je ne veux pas passer pour une fille collante et dépendante de lui. Est-ce un prétexte parce que j’ai peur ? Evidemment. Lui aussi doit avoir besoin de temps pour réfléchir mais cette attente me ronge. J’aurais pensé que lui, Mathilde ou Bruno aurait révélé notre relation à Marc mais pour le moment, je n’en ai pas l’impression. Bruno m’évite lui aussi, et ça me rend triste, même si je le mérite. Je n’ai pas été honnête avec lui. J’annonce une pause nous repartons en coulisses. Nous en sortons quelques minutes après quand une voix masculine crie :

- Isabelle ! Reviens.

Dans la grande salle, je remarque Martin, le meilleur ami de Jacob, courir après Isabelle qui marche à grandes enjambées. Je remarque également Jacob, derrière Martin. Nos regards se croisent mais ne s’accrochent pas. J’ai juste eu le temps de remarquer que ses yeux sont cernés et qu’il a le teint pâle. Ça me brise le cœur.

- Isabelle, attends, dit Martin en l’attrapant par le bras.

- Lâche moi, Martin. Nous n’avons plus rien à nous dire.

La foule s’est rassemblée autour d’eux, avide de curiosité.

- Circulez, il n’y a rien à voir, leur dit Jacob en tentant de les écarter, en vain.

- Isabelle, dit Martin, je ne comprends pas. Tout allait bien ces dernières semaines et tu sembles avoir retrouvé goût à la vie. J’avais l’espoir que ce soit grâce à moi.

Le regard assassin qu’elle lui adresse en dit long sur son état d’esprit.

- Ah oui, merci Martin mon sauveur ! Qu’est-ce que je ferai sans toi ?

- Je ne comprends pas…

- Moi non plus, dit Jacob. Qu’est-ce qui ne va pas, Isa ?

Elle soupire bruyamment. Tout le monde est suspendu à ses lèvres, je pense qu’elle s’en moque.

- Ce qui ne va pas, c’est que j’aime cet homme égoïste et immature, dit-elle en désignant Martin. Je l’aime depuis que je l’ai hébergé chez moi. Nous avons vécu une histoire pendant cette période…une merveilleuse histoire secrète.

Je regarde Jacob, étonnamment serein, contrairement à Martin dont le visage se décompose.

- Je m’en suis douté, dit-il. Mais que s’est-il passé ?

- Isa, intervient Martin, je suis désolé…

- Il l’a choisi, elle. Marie. Je l’ai logé, je l’ai soutenu dans ses études et je l’ai aimé du plus profond de mon être. Et il l’a choisi. Je ne devais pas être assez bien pour lui.

Le visage de Martin a perdu toutes ses couleurs et la douleur est perceptible dans son regard.

- C’est pour ça que tu as fait une dépression ? demande-t-il d’une voix nouée. A cause de moi ?

Les larmes montent aux yeux d’Isabelle.

- Ce n’est pas uniquement à cause de toi. J’étais mal dans ma peau depuis l’enfance, notamment à cause de la pression de mon père. Ton départ a précipité les choses. Tu étais mon point d’ancrage, ma bouée de sauvetage. Tu m’as promis le soleil et la lune, puis tu m’as abandonnée. Tu sais le pire dans tout ça ? Je t’ai laissé revenir dans ma vie et ce soir, tu m’as embrassé et c’était magique. Mais elle t’a rappelé…tu vas retourner avec elle, j’en suis sûre.

La souffrance de cette femme me brise le cœur. Jacob et moi échangeons un regard et je vois qu’il souffre aussi. J’ai tellement envie de le prendre dans mes bras et lui dire que tout ira bien. Martin se rapproche d’elle et lui prend la main.

- Isa, je n’ai pas répondu à Marie. Tu l’aurais su si tu n’étais pas partie en courant. Je ne referai pas les mêmes erreurs. Si tu savais comme je m’en veux de t’avoir abandonné. J’avais l’impression que je te freinais dans ta vie, que tu te sentais obligée de t’occuper de moi pour que je réussisse mes études et que tu sacrifiais les tiennes et ta carrière d’artiste.

- Je ne sacrifiais rien, Martin. C’est le genre de choses qu’on fait par amour, pour le bonheur de l’autre.

- Je suis désolé. Si tu veux à nouveau de moi, je passerais chaque seconde de mon temps à me racheter et à t’aimer comme j’aurais dû le faire depuis tout ce temps. Choisir Marie et partir à la Réunion a été ma plus grosse erreur. J’ai fui comme un idiot. J’ai aimé vivre là-bas et travailler dans cette grosse entreprise. Marie représentait la sécurité, mais je ne t’ai jamais oublié. C’est pour ça que ça s’est terminé, en plus de ne pas avoir les mêmes objectifs de vie. Je suis venu ici pour toi, en espérant que tu y serais et que tu me pardonnes. Tu n’es et ne sera plus jamais un second choix, Isa.

Cette déclaration m’émeut, ainsi que plusieurs femmes dans la foule. Jacob les regarde et je crois remarquer des larmes dans ses beaux yeux bleus gris.

- Isabelle, je t’en prie…dit Martin. Je pourrais me mettre à genoux devant toi, si c’est ce que tu veux. Je t’aime tellement. Tu ne trouves pas qu’on a assez perdu de temps comme ça ?

- Par ta faute.

- J’en suis conscient. Mais tu aurais pu me recontacter. Si tu l’avais fait, ça aurait peut-être changé les choses…

- Avec des « peut-être », on ne s’en sort pas, dit Isabelle.

Elle se rapproche de lui et passe ses mains autour de son cou.

- Je suis faible face à toi, Martin. Mais paradoxalement, je ne me suis jamais sentie aussi forte et capable d’accomplir plein de choses.

- Embrasse moi maintenant, Isa. Sinon, je pourrais en crever…

- Tu es un vrai héros à l’eau de rose.

La seconde d’après, ses lèvres sont sur les siennes et ils s’embrassent passionnément. La foule applaudit. Jacob sourit, heureux et nos regards se croisent de nouveau.

- Vas-y, me chuchote Justine.

Je me dirige vers lui.

- Jacob, je pense qu’il faut qu’on parle.

- Ari, je…

Nous sommes interrompus par Marc qui arrive au milieu de la foule rassemblée.

- Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Il ne devrait pas y avoir un concert ?

Il me fixe avec hargne et j’ai envie de disparaître sous terre. J’entraîne le groupe et nous remontons sur scène. Malheureusement, Jacob devra attendre.

- Papa, tu n’as pas l’impression de te comporter comme un tyran ? lui dit Isabelle.

- Ne t’y mets pas, ma fille. Les reproches de ton frère m’ont suffi.

Jacob a donc eu le courage d’aller confronter son père. Je suis tellement fier de lui.

- Nous ne cesserons jamais de te faire des reproches, Papa. Si tu continues à te comporter comme ça, je te répète que tu finiras seul.

- Tu es vraiment un insolent et un imb…

- Cher public, interviens je sans réfléchir. Le concert va reprendre.

Tous me regardent, choqués, mais je suis concentrée sur Jacob et ses yeux reconnaissants. Marc ne dit rien, craignant sans doute le scandale. Il tourne les talons et le concert reprend. Jacob reste pour nous écouter.


Vanina », chanson de Dave, 1976


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