Fyctia
Chapitre 20 - ARIANA
« Toute confidence exige d’être méritée. » (Jean-Claude PIROTTE)
- Je pense que le violet est ta couleur préférée.
Jacob s’amuse à essayer de deviner mes goûts. Nous sommes allongés dans l’herbe, à l’ombre d’un chêne vert au parc Magnol. Je joue le jeu et essaie de deviner des choses sur lui. Est-ce un schéma classique de rencard ? Evidemment. Est-ce pour autant un rencard ? Je ne le pense pas, même si tout est confus avec lui. J’ai appris que son plat préféré est la pizza aux pepperoni, qu’il aime écouter du rock mais aussi des chansons d’amour ou encore qu’il a peur des poules. Pour lui, ce sont des « démons avec des plumes ». Je ne remets pas du fou rire provoqué par cette information.
-Bravo, c’est ça.
- Tu es souvent habillée en violet.
- Tu remarques vraiment ce genre de choses ?
- Je suis très observateur. Par contre pour ton plat préféré, c’était du hasard. J’ai pensé aux moules juste parce que tu habites à Marseille.
Je ris et Jacob pose sur moi ce regard pétillant, presque habituel. Nous nous arrangeons pour nous retrouver un peu tous les jours. Nous nous voyons en dehors de l’hôtel pour ne pas attiser les rumeurs, lors des pauses de Jacob. Il a un emploi du temps surchargé mais il dit qu’il « me trouvera toujours du temps ». Je m’arrange avec le groupe pour répéter le matin et une heure avant le concert, ce qui leur convient. Ils profitent de leurs après-midis d’été pour aller à la plage ou boire des cocktails au bar de l’hôtel. Nous avons tous réussi à prendre deux mois de congé dans notre job alimentaire. Seul Bruno pose des questions mais j’arrive pour le moment à le rassurer. J’apprécie que Jacob respecte mon souhait et ne cherche pas à me séduire. Malgré cela, je sens bien que notre relation est plus qu’amicale. Il me regarde plus intensément que ne le ferai un ami, il me prend la main, est tactile. Je sais que ses pensées vont bien au-delà de l’amitié…et les miennes aussi. Mon corps semble toujours chercher à être proche du sien. J’ai l’impression de me sentir bien seulement quand je suis proche de lui. Il s’est beaucoup confié à moi concernant ses élans de colère et sa honte par rapport à ça. Je ne le juge pas, tout comme il ne me juge pas quand je lui parle de mes rêves et de mes doutes. Je lui ai avoué mon gros manque de confiance en moi. Il ne cesse de me rassurer en me rappelant tout ce que j’ai accompli depuis mes périodes difficiles, et ça me fait tellement du bien. J’ai l’impression qu’il s’est donné pour mission de me redonner entièrement confiance. Ce n’est pas gagné mais je ne le remercierais jamais assez d’essayer. Je me promets de tout faire pour l’aider également à avoir confiance en lui et lui faire comprendre qu’il est un homme bien.
- Ton animal préféré, c’est le chien, dis-je.
Nous regardons Doudou et éclatons de rire.
- Waouh, quelle capacité de déduction ! me dit-il entre deux éclats de rire.
- J’étais à court d’idées.
Nous rions encore et je me sens vraiment bien, comme si tous mes soucis s’étaient envolés. Ça fait tellement du bien de rire et de l’entendre rire.
- C’est marrant, on ne dirait pas que tu es le genre d’hommes à appeler son chien « Doudou ».
- C’était l’année des « D » et je trouve qu’il ressemble à une grosse peluche.
L’intéressé sait qu’on parle de lui et il remue de la queue en sautillant autour de nous.
- Quel genre d’hommes pense-t-on que je suis, d’après toi ?
Je me mords la lèvre, consciente de m’être aventurée malgré moi sur un terrain dangereux. Je remarque ses yeux s’assombrirent et j’y lis…du désir ? J’arrête mon geste et je réponds :
- Sans vouloir te vexer, tu n’es pas très avenant quand on te voit pour la première fois. Tu as un côté mystérieux et énigmatique. En plus, si on remarque ton tatouage de loup, on pourrait penser que tu es plutôt du genre à avoir un berger allemand ou un doberman.
C’est tout ce paradoxe que j’aime chez lui, ce côté « gentil vaurien »*.
- J’ai adopté Doudou quelques semaines après notre soirée. J’ai accompagné ma mère à la SPA car elle voulait un nouveau chat. J’ai vu ce carlin qui avait l’air tellement triste. En plus, il ressemblait à celui que nous avions vu dans le ciel. Il ne m’en a pas fallu plus pour l’adopter et j’en suis très heureux.
- Tu es vraiment quelqu’un de sensible, Jacob. C’est un compliment.
- Merci, Ari. Je peux t’appeler Ari ?
- Si ça te fait plaisir.
- Tu peux m’appeler Jac si tu veux.
- D’accord…Jac.
Nous continuons à échanger des banalités. Notre soirée a influé sur la vie de Jacob, tout comme sur la mienne. Je devrai peut-être lui parler de ma page Instagram…Les aboiements de Doudou nous interrompent et il court faire la fête à un couple qui s’approche de nous. Jacob se lève.
- Isabelle ? Quelle joie de te voir dehors !
Sa sœur. Elle est très belle avec sa longue chevelure caramel, sa silhouette élancée et son visage fin qui partage des similarités avec celui de Jacob.
- Bonjour Jacob. Je suis contente de te voir.
- Tu as l’air d’aller mieux.
Il ressemble à un enfant à qui on a offert un cadeau de Noël. C’est attendrissant. Isabelle esquisse un faible sourire. Je remarque la pâleur de sa peau.
- C’est grâce à Martin, dit-elle en désignant son compagnon. Je ne sais pas comment il a fait mais il m’a convaincu d’aller prendre l’air.
- Et tu te sens comment ?
- Je dois avouer que ça fait du bien. Même si c’est fatiguant.
- Nous ne resterons pas longtemps, je te l’ai promis, lui dit Martin en plaçant une main au creux de ses reins.
Elle le regarde et lui sourit. Pas le même sourire faible que tout à l’heure mais un sourire lumineux qu’il lui rend. J’ignore ce qu’il y a entre ces deux-là mais ça a l’air fort. Jacob sourit également. Comme une idiote, je suis heureuse de le voir heureux.
- Je vous présente Ariana, dit-il en me désignant. La magnifique chanteuse qui nous envoûte tous les soirs.
Je me lève pour les saluer.
- Enchantée Ariana, dit Martin. Laissez moi vous dire que vous avez une voix d’ange.
- Merci beaucoup.
Isabelle me scrute de la tête au pied et j’ai l’impression qu’elle me juge. Je déteste ça et je me sens immédiatement grosse et nulle.
- Que faites vous ici tous les deux ? nous demande-t-elle.
- Nous…
- Nous nous sommes connus au collège, dit Jacob, et nous nous sommes retrouvés ici par hasard. On rattrape le temps perdu.
Je lui souris, heureux qu’il soit venu à mon secours.
- Je pensais que tu serais avec ta copine, plutôt.
Elle a raison mais elle m’énerve avec son air supérieur.
- Elle est partie faire du shopping. Tu sais bien que je n’aime pas ça.
Elle me dévisage encore puis elle dit à Martin qu’elle veut rentrer. Ils nous quittent et je dis à Jacob :
- Ta sœur semble avoir un problème avec moi.
- T’inquiète, Isa est…spéciale.
Il change de sujet et nous reprenons une conversation plus banale.
*Expression tirée du film « Star Wars, l’empire contrattaque », Georges Lucas, 1980
8 commentaires
Carl K. Lawson
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Il y a 3 mois
Oswine
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Il y a 3 mois
BettySophie
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Il y a 3 mois
DIANA BOHRHAUER
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Il y a 3 mois
BettySophie
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Il y a 3 mois